Pétrifié pour l’éternité pour le meurtre de l’ancienne famille régnante de Kyrandia, le bouffon Malcolm vient de sortir de sa torpeur en raison d’une conjoncture électrique malheureuse. Surprise : au lieu de réincarner cette loque coincée de prince Brandon et de renvoyer le bouffon servir de commodités aux pigeons du royaume féérique, c’est Malcolm lui même que l’on incarnera tout au long de cette aventure. Car figurez vous que toute cette tragédie n’était qu’une énorme méprise : Malcolm n’a jamais tué personne ! Mais allez prouver cela au petit peuple de Kyrandia, échaudé par les années de dictature sadique du bouffon. Et essayez de vous refaire une virginité quand votre tempérament et votre profession vous incitent à jouer des tours pendables à tout le monde, et à empoisonner l’existence de vos voisins par simple plaisir pervers ! Après quelques farces au goût incertain, Malcolm est remis au pouvoir séculier. Brandon et Kallak acceptent pourtant de renoncer à l’envie de pétrifier à nouveau l’infâme individu, mais exigent en contrepartie que l’intéressé aille se faire pendre ailleurs, le plus loin possible par exemple
Malcolm n’a d’autre choix que d’obtempérer et décide de partir vers le « bout du monde ». Mais son tempérament d’emmerdeur lui vaut d’être débarqué sans ménagement sur l’île aux chats. Sur place, Malcolm aidera involontairement les chats à se débarrasser de la tyrannie canine et s’acoquinera avec Jean-Claude Barbecue, forban peu recommandable, qui le conduira néanmoins jusqu’à destination. Un étrange passage mystico-ésotérique et une chute dans une cascade sans fond conduira Malcolm jusque dans les limbes, peuplées de poissons capricieux, et ensuite dans l’autre monde, où il apprendra que son heure n’est pas encore venue. Ca tombe bien : les pirates ont profité de la magie de l’île aux chats pour faire passer Kyrandia sous leur coupe. L’occasion rêvée pour Malcolm de prouver à la face du monde qu’il peut lui aussi agir de manière désintéressée ?
Grand gimmick de la série des Kyrandia, on peut ramasser des tonnes d’objets incongrus. Tout possèdent l’une ou l’autre utilité, combinés ou pas avec un autre objet, mais toutes les actions accomplies avec ces objets ne sont pas forcément importantes pour la progression. Certains objets sont parfois réutilisables dans des circonstances différentes. Si certaines actions ne font pas progresser l’aventure, elle vous permettent cependant de gagner des points dans divers domaines. Par exemple, en piquant un chien avec un clou rouillé, Malcolm obtiendra des points de « cruauté gratuite envers les animaux ». Ouais génial marrant tout ça mais à quoi ça sert au juste ? En pliant le clou, on peut non seulement construire une cane à pêche, mais on récolte aussi des points d’« d’ouvrier qualifié » ou quelque chose du genre.
Le tout reste cependant souvent illogique : ainsi, en fabriquant un jouet particulier sur la base d’une bûche et d’une vieille chaussure, on pourra échanger l’objet contre le sandwich du petit garçon qui parle une langue incompréhensible et offrir un repas au capitaine chien en échange d’une place à bord de son bateau. Mais aucune indication, même sous-jacente dans les dialogues, ne vient suggérer les composantes requises pour le jouet, l’envie de jouet du petit garçon et l’envie de repas du clébard. On progresse en fait davantage par tâtonnement qu’en réfléchissant. Ce qui, pour un jeu d’aventure, n’est pas le meilleur moyen de rendre la progression attrayante.
Malcolm dispose également de son bâton à grelots de bouffon. Mis à part faire rire vos interlocuteurs, ça ne sert pas à grand chose. Bonne idée par contre de disposer d’un compteur qui vous permet de régler la manière dont Malcolm s’adressera aux autres : de manière polie, de manière hypocrite et flatteuse, ou carrément de manière odieuse. Une excellente idée qui n’est malheureusement pas exploitée aussi efficacement qu’elle aurait pu l’être.
Graphismes : Un grand nombre d’éléments du jeu sont en 3D ce qui n’empêche malheureusement pas les éléments plus lointains des décors d’être assez brouillons. Curieusement, les personnages, pourtant de dimensions supérieures au deuxième épisode demeurent tout aussi grossièrement détourés. L’animation n’est pas non plus particulièrement extraordinaire. Kyrandia promettait beaucoup graphiquement mais reste finalement assez décevant.
Jouabilité : Du point&click on ne peut plus basique. Difficile de mal faire dans ce cas là.
Son : : Des musiques agréables, des bruitages amusants et des voix digitalisées (en anglais) de très haut niveau. Du Kyrandia pur jus, en somme.
Intérêt : 11/20 : Annonçons la couleur sans ambages : par rapport à la franche réussite du second épisode, Kyrandia III est une fâcheuse déception. Techniquement en dessous des attentes qu’il suscitait, Malcolm’s revenge pêche surtout par de nombreux défauts de gameplay. On éprouve la désagréable impression que les programmeurs avaient un super concept de départ (incarner un personnage vraiment antipathique), des tonnes de bonnes idées (le principe de l’assurance vie qu’on achète en cas de mauvaise chute, les points décernés lors de certaines activités, le compteur d’humeur, l’ambiance Club Med de l’autre monde, ) mais n’ont pas su concrétiser ces bonnes bases au sein d’un jeu intéressant. On se retrouve avec des séquences de code à trouver gonflantes, des actions illogiques dont on ne sait pas très bien si elles répondent à un but précis, des mini-jeux récurrents qui gonflent artificiellement la durée de vie (dans le monde des limbes, à plusieurs reprises, vous serez obligé de jouer au morpion avec la souveraine et pire, de la laisser gagner si vous voulez qu’elle vous lâche la grappe). Le pire est atteint sur l’île au chats, où il faut parcourir la jungle en coupant toute la végétation, ramasser les rares os qu’on trouve et aller les filer au garde chien pour qu’il aille l’enterrer dans une large surface de terre et, peut-être, déterrer une gemme au passage. Quand on sait qu’il y a 5 gemmes à trouver, plus de 20 possibilités d’enfouissement et qu’il faut déjà tronçonner pas mal de plantes pour dénicher un os on passe facilement deux heures sur cette séquence répétitive au possible. Autre exemple : lorsqu’on se retrouve en prison, on passe cinq minutes à fabriquer des napperons en répétant sans cesse la même séquence : aucun intérêt si ce n’est d’allonger la durée de vie de 5 minutes.
Même remarque pour l’humour : en incarnant un anti-héros de la trempe de Malcolm, on aurait du s’attendre à des réparties bien senties, des situations cocasses et un humour ravageur. Si on sourit quelque fois devant l’originalité des situations, Kyrandia table malheureusement un peu trop sur l’humour gentillet et absurde sans être vraiment drôle des épisodes précédents. Bon, on s’accroche tout de même pour terminer l’aventure, ne serait-ce qu’en raison de l’univers coloré propre à la série des Kyrandia, mais une fois, l’aventure terminée, on n’en reste pas moins un peu sur sa faim. En résumé, voilà un programme qui aurait du être logiquement l’aboutissement technique et ludique de cette série de jeux d’aventure mythiques et qui, par sa technique bâclée, son scénario un peu bancal, et ses énigmes plus souvent pesantes que réellement bien senties, se retrouve en lanterne rouge de la trilogie. Un beau gâchis.