Le Manoir de Mortvielle est un jeu vidéo PC publié par Lankhoren 1988 .

  • 1988
  • Aventure

Test du jeu vidéo Le Manoir de Mortvielle

4.5/5 — Exceptionnel ! par

Le Manoir de Mortvielle (je me suis aperçu il y a peu que ça s’écrivait comme ça, moi je disais toujours Mortevielle) (précisons qu’en fait, le titre est Mortvielle sur PC et Amiga, Mortevielle sur les autres supports), c’est comme le gloubi-boulga : ça a l’air dégueulasse quand on lit la recette, et pourtant tous ceux qui y ont goûté ne peuvent plus s’en passer.

Bon, je ne vais pas vous faire l’historique du jeu (je vous renvoie sur les très bons dossiers consacrés çà et là à la fondation de la société Lankhor, les deux étant liés de près), mais sachez juste que le jeu est franco-français et a donné suite à un autre jeu tout aussi légendaire, Maupiti Island.

DANS MORTVIELLE, Y A MORT

Nous sommes en 1951. Vous êtes Jérôme Lange, détective privé de votre état, et vous apprenez que votre amie d’enfance, Julia, a été retrouvée morte. N’écoutant que votre euh… votre curiosité, vous décidez de mener l’enquête, qui vous conduit naturellement là où vivait Julia, au Manoir de Mortvielle. Alors que vous arrivez sur place, une violente tempête de neige se déclenche. Vous allez devoir rester un moment, et cela tombe bien puisque tous les coupables potentiels sont eux aussi bloqués ici.

LE COLONEL MOUTARDE, DANS LA CUISINE AVEC LE CHANDELIER

Le Manoir de Mortvielle est un jeu d’aventure graphique, un style de jeu qui a peu à peu disparu au profit des point ‘n click, plus vivants ou en tous cas moins statiques. En effet, MM (désormais je l’appellerai ainsi, ça ira plus vite) n’est au final qu’une suite d’écrans figés entre lesquels vous vous déplacez, à la recherche d’indices.

Comme vous pourrez le constater sur la capture d’écran ci-dessus, vous disposez de cinq menus déroulants qui eux-mêmes proposent un gigantesque choix de possibilités. Rien que concernant les actions, vous constatez que l’on peut attacher, attendre, défoncer, fouiller, gratter, lire et j’en passe. Et ce n’est que l’un des menus (même si c’est le plus fouillé) !

Les menus en question sont, de gauche à droite : DESK (la liste des auteurs du jeu, un peu de pub ne fait jamais de mal lorsqu’on est aussi doué !), INV (l’inventaire de vos objets, dont le dernier touché), DEP (le menu consacré aux déplacements), ACT (celui des actions dont je viens de parler), SELF (un menu consacré aux actions portant sur vous-même ou le dernier objet touché) et DIS (la liste des gens présents avec qui vous pouvez parler).

A propos des dialogues justement, sachez que lorsque vous discutez avec un personnage, vous aurez le choix parmi un grand nombre de sujets pré-déterminés (il n’y a rien à taper au clavier, il faut juste choisir son sujet). Cependant, sachez aussi qu’il est mauvais de poser trop de questions : vous risquez d’agacer votre vis-à-vis, et le requestionner sera plus compliqué par la suite.

Il faudra aussi gérer le temps. En effet, une horloge est présente sur le côté droit de l’écran, et suivant l’heure qu’il est, les personnages ne seront pas au même endroit ou ne vous diront pas la même chose. C’est la principale difficulté du jeu, puisqu’il vous faudra plusieurs parties et de nombreuses prises de notes avant de déterminer qui fait quoi quand et où.

Il n’empêche que si vous possédez la première version du jeu, il est possible de finir l’aventure en cinq minutes chrono. Cet easter egg involontaire a par la suite été corrigé, Langlois ayant rajouté un questionnaire sur ce qu’il se passe dans le jeu, et que l’on ne peut pas savoir en trichant.

PATRIMOINE NATIONAL

Sans faire de chauvinisme à outrance, il est assez jouissif de constater que MM est à la hauteur, et en surpasse même une bonne partie, de ses confrères anglo-saxons de l’époque.

Le scénario du jeu est un hommage à peine voilé aux romans du genre, ceux d’Agatha Christie ou de Conan Doyle. En fait, l’histoire de MM reprend des grands classiques, des bouts de ficelle vus mille fois dans les films noirs et les romans de gare, et c’est bon. A titre de comparaison plus vidéoludique, il est l’ancêtre (à un an près vous allez me dire) de The Colonel’s Bequest, qu’un mec que j’aime beaucoup a testé sur Amiga.

Visuellement, on est encore bien loin des décors majestueux d’un Maupiti Island, mais pour un jeu dessiné sous Deluxe Paint, on peut dire sans hésiter que Maria Dolorès et Dominique Sablons s’en tirent avec les honneurs.

Ceci dit, quitte à citer l’équipe de légende à l’origine du jeu, autant s’attarder un peu plus sur le couple Béatrice et Jean-Luc Langlois. Si vous vous posez la question, ce sont eux qui sont à la base de la partie sonore du jeu. Et autant dire que c’est la première chose qui vous interpelle lorsque vous lancez le soft : « Mais ?! Mon PC me parle ? » vous exclamez-vous de manière ébahie (enfin, à l’époque c’était juste scotchant ; imaginez-vous que même la version CPC parlait). Et intégralement en français encore. Alors OK, la musique est chevrotante, les voix sont métallisées au possible (et Max parle avec le même accent que le patron du petit magasin de matos info où j’allais rue Diderot), mais oh ! C’était vraiment une révolution.

Pour le reste, il faut bien avouer que le jeu a horriblement vieilli. L’interface est affreusement lourde, vous vous paumerez régulièrement dans le nombre d’actions possibles.

La difficulté est atroce, et ce pour deux raisons. La première concerne cette gestion si particulière des heures de la journée. Il vous faudra plusieurs parties avant de connaître les habitudes des autochtones et savoir quand leur parler de quoi. La deuxième raison, c’est que les dés sont pipés dès le départ ! En effet, les indices que vous allez découvrir sont souvent incohérents entre eux. Et pour cause, ils concernent en fait deux énigmes : celle de la mort de votre amie, mais aussi une sorte de chasse au trésor qui n’a rien à voir (vous comprendrez en jouant, je ne vais pas vous spoiler).

Du coup, même si l’aventure en elle-même n’est pas spécialement longue (sans compter le glitch), il vous faudra un certain nombre de parties, et donc d’heures de jeu, avant d’en voir le bout, ce qui pourrait bien rebuter les joueurs les moins patients. Il faut se montrer patient envers ce fossile, comme on se montre patient envers tatie Andrée qui veut pas crever alors qu’elle nous a promis une partie de son héritage. Mais le jour où la vieille va clamser… Enfin je veux dire, le jour où l’on a pris ses marques dans le jeu, on prend beaucoup de plaisir à le parcourir de long en large.

Le Manoir de Mortvielle