La sorcière Scottia (qui pourrait gagner sans difficulté le prix Alice Sapritch de la femme la plus moche de l’histoire du jeu vidéo) a mis la main sur le masque des ténèbres, une relique d’une puissance incommensurable qui la met en position de menacer sérieusement le royaume de Lore. Le roi Richard n’a d’autre solution que de faire appel aux plus courageux aventuriers du royaume pour mettre à bas les plans mégalomanes de la sorcière.
Quatre champions se présentent pour défendre la couronne du royaume de Lore : Ak’shel, un draconien de faible constitution mais avec une bonne réceptivité à la magie ; Michael le gros bill humain de service ; Kieran le huline, un homme-chat très rapide et adroit et Conrad qui constitue un bon compromis entre les trois autres personnages. A vous de choisir celui qui correspond le mieux à votre style de jeu. Il sera également possible d’embaucher des alliés durant l’aventure, quatre pour être plus précis. Mais le choix de recruter ou de vous débarrasser de ces compagnons ne vous appartient pas, le jeu étant très scripté à ce niveau. Vous aurez donc l’opportunité de parcourir un bout de chemin avec Timothy, un jeune elfe qui traîne ses guêtres du côté de la taverne de l’aigle gris ; Lora une jeune fille retenue prisonnière de la caverne du Draracle, et Paulson, le capitaine des gardes de sa Majesté. Mais l’allié qui vous accompagnera quasiment durant toute l’aventure est Baccata, le thomgog assistant de la magicienne royale. Les thomgogs sont des créatures surprenantes mais d’un tempérament paisible, qui ressemblent un peu à des golems à quatre bras. En raison de cette particularité morphologique, Baccata est un guerrier formidable, capable de porter le double des coups de base à chaque tour. Sa qualité d’élève de la plus puissante enchanteresse de Lore fait également de lui le meilleur magicien de la partie.
La première tâche que vous confie le souverain est de lui ramener un artefact important que possède son vieil ami Roland dans les territoires du sud. Quelques sangliers et orques occis plus tard, vous pénétrez dans le manoir de l’ami de la Couronne pour constater que l’objet en question a été dérobé par les forces du mal. Retour au palais pour de bien tristes nouvelles : Scottia a réussi à s’infiltrer dans le palais et à empoisonner le roi Richard, qui sera heureusement conservé dans une sorte de semi-vie grâce à la magie de ses fidèles serviteurs. La magie de Scottia étant puissante, seul un remède d’exception pourra sauver la royale personne de son triste destin. Et ce remède, seul le Draracle, un antique dragon aveugle doté du pouvoir de répondre à n’importe quelle question, en connaît les composantes. Voilà une belle manière d’annoncer qu’après les reposantes promenades d’introduction dans les forêts du royaume, votre premier véritable donjon vous attend : un antique réseaux de cavernes qui s’étend sur quatre étages, avec de nombreux adversaires redoutables, des gouffres, des lance fléchettes empoisonnées, des sculptures reptiliennes qui lancent de monumentales boules de feu si d’aventure, vous vous en approchez de trop près. Mais accéder à l’antichambre de la vénérable créature ne sera pas suffisant, car ses serviteurs exigeront une offrande d’une grande valeur pour que le dragon dispense sa sagesse. Et c’est reparti pour une promenade à travers les niveaux supérieurs des cavernes, à la recherche d’un objet précieux. Heureusement que l’atlas magique que l’on vous a remis au palais trace automatiquement le plan de la zone et ses principales caractéristiques au fur et à mesure de votre progression, sans quoi on se perdrait rapidement dans ces inextricables dédales souterrains. Car tous les amateurs de donjons vous le diront : rien ne ressemble davantage à un pan de mur envahi de lichen qu’un autre pan de mur envahi de lichen !
Mais sitôt cette quête effectuée, vous ne retournez au palais que pour constater que ce dernier a été assiégé et investi par l’armée des ténèbres. Il ne vous reste plus, pour sauver le royaume, qu’à retrouver les différents membres de l’entourage royal et à récupérer les 4 éléments de la potion pour guérir votre souverain et ensuite, terrasser définitivement Scottia. Pour corser encore un peu plus la sauce, ce foutu devin draconique a fourni ses indications de manière symbolique : « Le sang d’une créature qui ne vit pas », « la douceur de votre ennemi » et ainsi de suite. Vous parlez d’un investissement . Ces indications sibyllines sont cependant assez évidentes à comprendre le moment venu.
Outre vos armes et votre magie, il est également possible de ramasser de nombreux objets inutiles au sol (pierres, os, ) et de les lancer au loin, pour blesser un ennemi ou pour actionner un mécanisme distant. De quoi rajouter un léger aspect casse-tête à la recette. L’espace de jeu de Lands of Lore est immense, et comprend des forêts, des cavernes, des marécages, des mines, des souterrains, des palais hantés, des cités et bien d’autres endroits exotiques. Quand vous aurez passé une journée entière à crapahuter dans les ténébreuses galeries des mines d’Urbish, vous comprendrez le bonheur que cela peut procurer d’aller prendre un bon bol d’air frais avec les trolls du haut bois d’Opin ! Je n’en dis pas plus : pénétrez à votre tour dans les profondeur mystérieuses du royaume de Lore, explorez ses donjons redoutables et sauvez la mise au royaume !
Graphismes : Les décors ne sont pas très fins, mais le simple fait d’avoir prévu de nombreuses zones en extérieur permet d’éviter la claustrophobie monotone qui affligeait la plupart des jeux de donjon traditionnels. Les nombreuses séquences intermédiaires (rencontres importantes, magasins, ) sont par contre très réussies. Dommage que la fenêtre de jeu soit d’une taille aussi réduite, mais c’était souvent le cas pour ce style de jeu.
Animation : Bien que, objectivement, les déplacements dans l’univers de Lands of Lore se fassent écran par écran, les petits gars de chez Westwood ont réussi à créer une impression de 3D factice qui améliore énormément le confort de jeu. Il est très simple de fuir un combat qui tourne mal et d’aller se planquer dans un autre coin de la zone. Cette légère orientation action rend Lands of Lore nettement plus agréable que les antiques RPG écran-par-écran. Il est également plus facile de s’y retrouver à travers les labyrinthes, même sans jeter un il au plan.
Jouabilité : Vu l’espace restreint dévolu à la fenêtre de jeu, Westwood a eu de la place pour améliorer l’ergonomie du logiciel. Menu d’inventaire, grimoire de sortilèges, boussole, toute la panoplie du parfait petit aventurier s’étale sur la majeure partie de l’écran. La prise en main est très instinctive : un bouton pour frapper, un autre pour utiliser la magie, et les flèches pour se déplacer dans les quatre directions.
Son : : Des musiques intéressantes malgré leur faible qualité, et des bruitages bien pensés qui contribuent pour beaucoup à l’atmosphère des différents donjons. Au fur et à mesure que les adversaires se rapprochent de votre groupe, leurs grognements gagnent en intensité. Voilà de quoi faire monter l’adrénaline du guerrier affaibli qui n’a nulle envie de se retrouver face à un troupeau de guerriers du chaos en pleine forme. Quelle épreuve que de supporter les petits ricanements vicieux des lutins dans les mines d’Urbish ! La version CD-ROM incorpore en outre des dialogues parlés (en anglais) d’une qualité irréprochable (avec notamment Patrick Stewart dans le rôle du roi Richard)
Intérêt : Avant l’arrivée de Baldur’s Gate et le bouleversement durable qu’il infligea au monde du RPG, Lands of Lore s’affichait clairement comme le meilleur jeu de donjon en 3D factice disponible sur le marché. Le scénario, bien que classique, est suffisamment mouvementé pour que l’on éprouve une détermination sans faille à rassembler les ingrédients vitaux pour la sauvegarde du royaume. Le fait que les combats et les déplacements se déroulent en temps réel fait monter le niveau d’adrénaline en permanence, presque à l’instar d’un jeu d’action ou d’un FPS. J’ai particulièrement apprécié cette séquence où la cité d’Yvel est envahie par les guerriers du chaos, et où on passe son temps à courir à travers les rues désertées et brumeuses afin d’éliminer les dernières poches de résistance démoniaque. Autre moment fort : dans les soubassements de la forteresse de Scottia vivent deux races de créatures monstrueuses. Vous devrez obligatoirement vous allier à l’une de ces espèces contre l’autre pour franchir cette étape, ce qui donne lieu à de grandes batailles rangées, avec vous et les créatures alliées d’un côté, les autres bestioles tentaculaires de l’autre. Même si ce genre de pratique est relativement fréquente aujourd’hui, à l’époque, il était assez surprenant de se retrouver subitement environné d’alliés non contrôlables. Et pour tout dire, c’était le panard intégral. Ca fait du bien de se sentir soutenu dans sa quête par moments. Malgré un style graphique qui a un peu vieilli, Lands of Lore premier du nom demeure un grand jeu de rôle de l’ancien temps, un must accessible aux experts comme aux néophytes, un jeu de la trempe de ceux qui vous scotchent à l’écran des nuits entières. Grandiose !