1888… L’Angleterre Victorienne est choquée par les sinistres événements troublant le bas-quartier londonien de White Chapel. Entre la fin Août et début Novembre de cette année, cinq prostituées sont assassinées… Des meurtres horribles, des circonstances pour le moins mystérieuses, une police désarçonnée, des théories innombrables (et plus ou moins fumeuses) et un tueur dont l’identité reste finalement aujourd’hui encore inconnue, voilà qui crée la morbide légende de Jack l’Eventreur, surnom que le meurtrier se serait lui même donné (le fait que cette lettre soit effectivement de lui reste sujet à débat) dans une lettre écrite de rouge raillant la MP (Metropolitan Police).
Celui qui reste de nos jours le plus connu des serial killers est certainement un excellent thème pour un jeu d’aventure angoissant… C’est en tout cas ce qu’a pensé le studio de développement Galilea. Reste que ce n’est pas dans les ruelles embrumées de White Chapel que ce jeu vous emportera, mais à New York, quelques 13 ans plus tard, en 1901. James Palmer, c’est vous… Jeune journaliste pour le New York Today, vous vous voyez confier la couverture d’une affaire sinistre rappelant immanquablement Jack. Deux prostituées assassinées dans le low side (bas quartiers), des mutilations comparables à celles des victimes londoniennes… Bien que les corps aient été retrouvés gisant dans des zones habitées, comme à Londres, il n’y a pas de témoin, aucun cri entendu, rien… pas une piste. C’est un sacré challenge pour un jeunot comme vous, d’autant que votre rédac’ chef compte bien sur vous pour faire remonter la pente à un journal qui périclite quelque peu…
Il va donc falloir arpenter les ruelles du low side à la recherche d’éléments, de gens pouvant avoir remarqué même la plus insignifiante chose. Dans ces lieux mal famés (un bordel, un hospice où se passent des choses peu conventionnelles, un cabaret de bas étage…) vous aurez d’ailleurs l’occasion de rencontrer des individus divers et variés : un brave clochard éclopé, un type louche tenant un casino clandestin et fournisseur de tickets d’événements sportifs au marché noir, des prostituées, un artiste fasciné par le morbide… Vous aurez également des contacts avec une police au soutien plutôt aléatoire et qui cherche plus à étouffer l’affaire qu’autre chose. Les dialogues sont courts et le joueur, quand il en a la possibilité, sera limité au plus à trois questions.
Le jeu se déroule sur une douzaine de jours, chacun divisé en deux parties : la journée, et le soir. Une fois fait ce qui était prévu durant la journée, vous devez retourner à la rédaction du journal pour écrire la chronique journalière sur l’affaire exigée par votre supérieur, pour qui le journalisme d’investigation ne semble d’ailleurs intéressant que s’il est accompagné d’une bonne dose de sensationnalisme. Le soir tombé, d’autres actions seront à accomplir jusqu’à ce que qu’une séquence animée (représentant généralement la Lune) scelle la journée. Vous l’avez compris, le jeu est très – pour ne pas dire totalement – scripté. Ne cherchez pas une grande liberté d’action, le joueur est d’ailleurs assez largement guidé. De fait, Jack l’Eventreur ne restera pas dans les annales ni par sa difficulté ni par sa durée de vie. Moins de dix heures sont d’ailleurs requises pour en finir avec lui. On est en face d’un jeu orienté vers des joueurs occasionnels, même si naturellement sa thématique et sa mise en scène n’en font pas un jeu familial.
Le tout se dirige très naturellement et très simplement à l’aide de votre mulot préféré, selon une interface on ne peut plus classique. La vue étant subjective, déplacer le curseur vers le bord de l’écran donnera l’impression de tourner la tête ou de se tourner vers la direction voulue, de la même manière que dans Post-Mortem, titre du même éditeur. Les déplacements se font en revanche au « case par case », un peu comme dans Myst. En fonction de l’élément du décor pointé et si celui-ci autorise une interactivé, le curseur change de forme. On peut ainsi se déplacer ou saisir un objet de manière intuitive. Un clic avec le bouton droit permet d’ouvrir l’inventaire contenant des objets qui seront généralement utilisés avec un élément du décor. Le jeu ne demande en effet pas de combinaisons d’objets complexes. L’écran d’inventaire comprend également une pochette ainsi qu’une carte du low side. La première contient l’ensemble des documents intéressants que vous récolterez : lettres de l’Eventreur, rapports… La carte permet pour sa part de se rendre instantanément sur chaque lieu recensé. Chose très agréable puisque cela n’oblige pas à se déplacer jusqu’à la « limite » de la zone dans laquelle on est situé. J’ai horreur de devoir me déplacer sur 150 écrans où il ne passe rien tout ça pour accomplir une action, je trouve que c’est une perte inutile de temps et une augmentation artificielle de l’espérance de vie du jeu. Autant dire que cette facilité de déplacements est bienvenue.
En revanche, il est bien dommage que le jeu ne soit visuellement pas franchement satisfaisant… Jack l’Eventreur est sorti en 2004, il aurait aussi bien pu dater de 2000 ou presque. Force est de constater que même avec les options graphiques à fond, les décors apparaissent très flous. Le contraste avec les personnages (assez cubiques) et les objets importants, tous en 3D, est alors saisissant. Cette mauvaise intégration, esthétiquement très désagréable, a au moins l’avantage pour les néophytes de permettre aux objets importants de sauter littéralement à l’oeil! Les décors présentent également le désavantage de présenter peu d’animations. Par exemple, l’eau qui coule dans la fontaine dans le square reste désespérément figée. C’est d’autant plus dommage que les décors sont variés (l’alternance jour / nuit rajoutant encore à la variété de ceux-ci) et pour le moins glauques… L’ambiance sonore est par contre beaucoup plus réussie. Assez discrets, les bruitages soutiennent l’ambiance de manière efficace et le doublage des personnages est très correct.
Jack l’Eventreur est un jeu qui exploite fort bien le mythe du tueur de White Chapel. Il réussit à créer une ambiance pesante et morbide sans faire étal de cadavres mutilés et de flaques de sang, ce qui aurait pourtant été facile, mais simplement par un environnement adapté et quelques bonnes idées (comme le corbeau présent à chaque lieu de crime, entraînant une très courte mais suggestive cinématique). Malgré un visuel peu avenant et une grande linéarité, il saura occuper agréablement quelques heures les passionnés de ce genre de jeux. Les néophytes quand à eux, apprécieront la difficulté peu élevée qui en fait un titre accessible. Bref, s’il ne restera pas dans les annales, Jack l’Eventreur est un titre bien agréable (qui ne coûte pas cher puisque je l’ai obtenu avec 3 autres titres pour la modique somme de 15€).