Wargame à destination du grand public, Fields of Glory retrace les batailles qui se sont déroulées sur le sol de l’actuelle Belgique durant la période connue comme « les 100 jours ». Petit rappel du contexte historique : après son abdication suite à l’invasion de la France par les forces alliées en 1814, Napoléon Bonaparte fut mis au placard en tant que souverain de l’île d’Elbe, un confetti au large des côtes italiennes, pendant que les vainqueurs, au congrès de Vienne, s’occupaient de partager les dépouilles de l’Empire. Suivant avec attention les événements internationaux, Napoléon prit rapidement conscience du mécontentement du peuple français suite au retour du vieux et inapte Louis XVIII sur le trône. Le 26 février 1815, Napoléon débarqua en Provence à la tête d’un petit corps expéditionnaire. Sa marche sur Paris fut un triomphe : les troupes royales sensées le stopper se rallièrent unanimement à sa cause. Le roi prit la fuite une fois de plus, et Napoléon ne tarda pas à reprendre le contrôle du pays. Ses vagues promesses de se cantonner au rôle de monarque constitutionnel de la France probablement tactiques selon les historiens ne rencontrèrent aucun écho chez les Alliés. Peu désireux de laisser à nouveau le conquérant compulsif menacer la stabilité européenne, ils levèrent immédiatement des armées pour le vaincre définitivement. Napoléon, de son côté, avait déjà décidé de prendre ses adversaires de vitesse. A l’aide d’une armée fraîchement reformée, il prit la direction du nord, déterminé à écraser à la fois le corps expéditionnaire anglais et ses alliés belgo-hollandais, et l’armée prussienne qui arrivait de l’est.
Tentant de reproduire les succès de la campagne de France de 1814, l’empereur divisa ses forces. Le 16 juin, une partie de l’armée, commandée par Ney, parvint à contenir les troupes britanniques de Wellington lors de la bataille des Quatre-Bras mais Napoléon lui-même échoua à détruire l’armée prussienne à Ligny. Il prit alors la décision d’envoyer une autre partie de son armée, commandée par Grouchy, écraser les Prussiens qui battaient en retraite. Le lendemain, Napoléon affrontait à nouveau les troupes britanniques à Waterloo, pendant que le maréchal Grouchy combattait ce qu’il pensait à tort être la totalité de l’armée prussienne dans la ville voisine de Wavre. A Waterloo, le combat s’éternisait. L’empereur vit une armée en approche : il devait s’agir de Grouchy qui venait à son secours après avoir vaincu les Prussiens. Manque de chance : la moitié de l’armée prussienne, commandée par Blücher, était parvenue à s’échapper et volait à présent au secours des Britanniques. Face à ces forces combinées, la défaite française fut inévitable.
Fields of Glory offre aux joueurs la possibilité de rejouer (dans un camp ou dans l’autre) les batailles des Quatre-Bras, de Ligny, de Wavre et de Waterloo, ainsi que la bataille fictive de Nivelles en guise d’entraînement. Microprose a collaboré avec plusieurs spécialistes de l’histoire napoléonienne pour faire de Fields of Glory le wargame le plus réaliste possible. Du point de vue du background historique, Fields of Glory est effectivement une perle. Les passionnés d’Histoire retrouveront en détail les différentes unités et leurs positions respectives, les principaux protagonistes, le relief réel de la région et bien d’autres détails intéressants.
Grossièrement, les unités disponibles se partagent entre l’infanterie, la cavalerie et l’artillerie. Chacune de ces unités peut adopter plusieurs ordres de marche différents. L’infanterie par exemple peut se positionner en ligne, en colonne, en ordre de tir ou en carré. On apprend relativement vite quelle est à la meilleure organisation à adopter suivant les circonstances. Si l’infanterie en colonne ou en ligne est très vulnérable à une charge de cavalerie, cette même cavalerie aura fort à faire pour réduire un carré d’infanterie, même très inférieur en nombre. Suivant son degré de motivation, chaque unité se disloquera et fuira une fois un certain pourcentage de pertes dans ses rangs. Une unité en déroute doit impérativement être attaquée afin de l’empêcher de se reformer (ce qui sera le cas si son officier dispose de bonnes capacités de commandement). Les pertes qu’elle subira dans une situation de déroute seront généralement effroyables. Une bataille est remportée lorsqu’une des armées a subi des pertes trop importantes ou qu’une majorité de ses unités a fui le champ de bataille.
Tout comme les unités qui sont dotées de plusieurs caractéristiques établissant leur capacités martiales, les officiers sont de valeur différente et sont déterminés par plusieurs variables, comme les capacités de commandements, les dons de stratège, etc. Si ces officiers perdent la vie au cours d’un engagement, ils seront remplacés par un officier en second aux compétences aléatoires. Même si ce n’est pas très moral, il sera donc parfois intéressant de tuer un commandant très compétent pour affaiblir la cohésion des troupes ennemies (le maréchal Ney est une cible privilégiée, de même que Wellington et Blücher) ou au contraire, de laisser en vie ceux dont la stupidité peut servir votre victoire (Tant que le Prince d’Orange est aux commandes des forces belgo-hollandaises, les troupes françaises n’ont rien à en craindre.. !)
Pour les passionnés, le jeu propose également une vaste encyclopédie détaillant toutes les unités ayant participé à ces quelques jours qui ont changé l’Europe, ainsi que des biographie complètes de chacun des officiers supérieurs des trois armées en présence. Quelques centaines de pages à lire en tout ça fait toujours plaisir de savoir à qui on donne des ordres !
Réalisation technique :
Au cours de la bataille, il est possible d’adopter plusieurs vues différentes, plus ou moins rapprochées, pour diriger ses troupes. La vue la plus lointaine est pratique au commencement de la bataille, lorsqu’on donne les premiers ordres de déplacements aux troupes mais devient complètement illisible dès que les unités entrent en contact. Il est possible de commander un groupe d’unités au travers du drapeau qui figure auprès de leur chef de corps, mais on préfère rapidement passer à la vue rapprochée. Sans être très jolies, les petites armées sont aisément discernables, et on peut admirer les villages et les bosquets de la campagne brabançonne ainsi que les corps des soldats et des chevaux morts au champ d’honneur. La prise en main n’est pas toujours évidente : certains ordres manquent de précision et les mêlées entre plusieurs unités ont une nette tendance à tourner à la bouillie graphique indéfinissable. Néanmoins, Fields of Glory en lui-même ne se perd pas dans les menus abscons, une logistique pointilleuse et une topographie du terrain à maîtriser sur le bout des doigts. En dehors des ordres de marche à donner et d’une connaissance minimale du nombre de soldats et de la valeur globale des unités, n’importe quel néophyte peut se lancer dans une partie avec de bonnes chances de remporter la victoire. On se rapproche en fait davantage d’un Command & Conquer en costume d’époque et sans l’aspect « construction et exploitation des ressources » que d’un pur wargame. Au niveau sonore, les bruitages retranscrivent bien l’atmosphère du champ de bataille, et quelques sympathiques marches militaires résonnent également en cas de victoire.
En bref : 15/20
Les amateurs de wargames le trouveront probablement primaire et ridiculement simpliste, mais Fields of Glory est néanmoins un jeu de stratégie intéressant, simple à prendre en main et assez addictif malgré le faible nombre de batailles disponibles. Les joueurs occasionnels pas vraiment intéressés par le réalisme tactique le plus pointu ainsi que les passionnés d’Histoire passeront un agréable moment à se retrancher dans les bâtiments présents sur le terrain ou à lancer de furieuses charges de cavalerie contre les lignes adverses en espérant faire basculer le destin de l’Europe. Le jeu possède en outre quelques arguments intéressants à faire valoir, comme les compétences des officiers qui rejaillissent sur leurs unités. Un bon jeu, d’un intérêt plus historique que réellement tactique, mais qui a le mérite de permettre à tous de rejouer avec leurs petits soldats sur écran.