Un dragon, c’est vachement porteur
Durant des années, Baldur’s Gate s’est imposé comme étant LA référence du jeu de rôle sur PC, toujours imité mais jamais égalé. Réalisé par les auteurs de cette référence, Dragon Age : Origins a pour but avoué de défier le maître sur son propre terrain. Est-il parvenu à surpasser son vénérable et vénéré ancêtre ? J’espère que ce test vous donnera un début de réponse.
Commençons par parler de l’univers de Dragon Age : Origins. Le monde de Fedelern, où se déroule l’histoire, est un univers médiéval fantastique qui parvient à renouveler les clichés classiques du genre. Les mages font l’objet de mépris et sont constamment surveillés par les Templiers, un ordre de guerriers capables de contrer la magie, aux ordres de la Chantrie, une église prônant l’existence d’un Dieu unique et créateur de l’univers (j’ai déjà entendu cela quelque part…). Les nains sont petits, bagarreurs et vivent dans des cavernes (classique). Les elfes vivent soit dans les forêts (bon, là aussi, classique), soit dans les villes humaines, où ils sont exploités par les humains et parqués dans des cloaques immondes (là déjà, ça l’est moins).
Bref, tout ce petit monde coexiste plus ou moins pacifiquement, et tout irait pour le mieux s’il n’y avait pas les enclins, lesquels correspondent à l’invasion régulière du monde par d’horribles créatures nommées ‘engeances’, aux ordres d’un archidémon.
Il y a déjà eu trois enclins par le passé. À chaque fois le déroulement a été similaire : les engeances attaquèrent la surface, les armées de la surface les combattirent. Voyant ses troupes décimées, l’archidémon sonna la retraite et les engeances retournèrent se cacher dans les entrailles de la terre, pour recomposer leur troupes et accessoirement casser du nain.
Si les humains ont toujours remporté la victoire, c’est grâce aux Gardes des Ombres, un corps d’armée spécialisé dans la lutte contre les engeances et ayant pour but de tuer un jour définitivement l’archidémon.
Le scénario proprement dit commence alors que le quatrième enclin débute… et devinez qui va être recruté par les Gardes des Ombres pour les aider à tailler dans le gras ? C’est vous.
Strange Special Origins
Dans les jeux de rôles, on est désormais habitué aux fins multiples. Dragon Age : Origins fait déjà preuve d’originalité en proposant un début multiple !
Vous aurez le choix entre six scénarios, dépendant de la race et de la classe que vous aurez choisies. L’idée est excellente ; les scénarios personnalisés permettent une immersion dans le jeu bien plus importante que le ‘vous vous réveillez dans une cellule’ ou ‘vous vous réveillez amnésique’. Vous rencontrez votre famille, vos amis et ennemis, qui reviendront plus tard dans l’histoire.
Ces débuts de scénarios sont très variés. Le guerrier nain est le fils cadet du roi et doit faire face à l’hostilité de son frère aîné, qui a peur que vous ne lui voliez sa place de futur souverain. Les magiciens aident un de leurs amis à échapper aux Templiers, et les elfes des cités doivent faire face à une sombre affaire… de droit de cuissage.
Seul point commun entre tous les scénarios : à un moment donné vous rencontrerez Duncan, le chef des Gardes des Ombres qui, en fin d’introduction, vous fera une offre que vous ne pourrez pas refuser (littéralement) : rejoindre les Gardes des Ombres.
Une fois le tronc commun du scénario entamé, l’immersion ne cesse pas : vous ne serez pas traité avec les mêmes égards si vous êtes un noble ou un elfe, un homme ou une femme. De même, au fur et à mesure de votre progression dans l’histoire, vous rencontrerez des compagnons de route avec un caractère et des opinions propres. Il ne sera pas facile de concilier tout ce beau monde, et si vraiment vous agissez contre leur système de valeurs, ils pourront finir par vous quitter purement et simplement, voire même se retourner contre vous.
Là aussi, ces personnages apportent vraiment quelque chose : lors de vos explorations, ils discutent entre eux (des dialogues souvent hilarants), lorsque vous campez, ils viennent vous voir pour vous demander votre avis sur certains sujets.
Dernière cerise sur le gâteau : les quêtes ne sont pas linéaires. Pour chacune d’entre elles, de nombreux choix sont à effectuer. Et je ne parle pas d’une résolution pour les personnages bons et d’une autre pour les mauvais, mais de vrais choix à effectuer, dont les conséquences réelles ne seront parfois visibles que plusieurs heures de jeu plus tard. Et même une bonne action peut avoir des résultats imprévus désastreux… comme dans la vraie vie, quoi.
Dernier détail : les méchants de l’histoire sont les engeances et l’archidémon. Pourtant, votre progression sera gênée par de nombreuses personnes qui, elles aussi, sont des ennemies de l’engeance. Ce ne se sont pas des ‘méchants’, mais juste des groupes ayant des intérêts divergents, et une vision de la lutte contre les engeances différente de la vôtre. Bref, on est opposé non pas à des vilains, mais à des protagonistes. Et franchement cela fait plaisir, un jeu où tout n’est pas séparé entre les gentils et les méchants.
Le système DAO
Le système de jeu utilisé pour ce RPG n’est pas tiré d’une licence papier, comme AD&D, mais est une création originale. Et celle-ci m’a laissé perplexe au début. À première vue le système est simple, voire même simpliste lorsqu’on le compare avec celui des Neverwinter Nights ou des Elder Scrolls.
Vous disposez de six caractéristiques de base (force, dextérité, constitution, ruse, magie et volonté). Plus la valeur d’une caractéristique est élevée, mieux c’est. À chaque passage de niveau, vous obtenez trois points à investir pour augmenter ces valeurs. Vous avez aussi une ou deux compétences complémentaires à choisir, et voilà, c’est tout. Enfin presque… Il existe quinze classes différentes, les trois de base (guerrier, mage et voleur) et 12 complémentaires. Chacune de celles de base peut accéder à quatre classes personnalisées. Aux niveaux 7 et 12, vous aurez le droit de choisir une nouvelle classe… si vous le pouvez. En effet, pour utiliser ces nouvelles classes, il faudra que votre héros trouve quelqu’un pour les lui apprendre. Très role play en théorie, ce procédé s’avère d’une lourdeur incroyable, surtout que ces classes ne consistent qu’en l’ajout de quelques points dans les caractéristiques, et rajoutent seulement quatre compétences supplémentaires dans la liste de celles que vous pouvez obtenir lorsque vous changez de niveau. Certes, certaines sont capables de changer radicalement la manière de jouer (comme le rôdeur ou le guerrier arcanique), mais globalement cela n’apporte pas grand-chose.
Et pourtant, ce système simpliste se suffit largement à lui-même, car il permet de mener des combats de toute beauté.
J’ai déjà parlé des dialogues, quasi-parfaits, et du background ultra-fouillé ; les combats sont du même niveau. Si la technique du ‘je fonce dans le tas’ fonctionne au début, dès que vous serez vraiment dans l’histoire, les choses se corseront grandement, et vous devrez utiliser avec intelligence non seulement vos capacités, mais aussi la topologie du terrain et la position des combattants. Car oui, même si ce n’est pas très sympa, c’est beaucoup plus efficace de frapper quelqu’un dans le dos que de face. Rapidement, vous apprendrez que le moindre petit combat contre les monstres de base nécessite autant d’attention que les combats contres les boss.
Bref, on a un jeu où baston rime avec réflexion, et c’est tant mieux.
Baldur’s Gate 3 ou arnaque ?
Alors, quelle est la réponse à la question ultime ? Mieux ou moins bien que les Baldur’s Gate ?
Au niveau technique, il est évident que Dragon Age : Origins l’emporte haut la main. Au niveau histoire, les deux offrent un splendide exemple de non-linéarité et des combats très intenses. Et au niveau du bestiaire et de l’équipement, c’est Baldur’s Gate qui offre le plus de diversité. Moralement, je ne peux pas les départager… Alors, Electronic Arts s’en est chargé pour moi et a fait l’effort de dégrader ce jeu, afin de laisser Baldur’s Gate sur son trône.
Et oui… Bien que Bioware ait à nouveau réussi le pari d’un jeu de rôle hors du commun, l’éditeur s’est une fois de plus chargé de tenter de dégoûter un maximum d’acheteurs potentiels avec une stratégie simple : la vente du jeu en kit.
Si le joueur veut tous les objets et les bonus, il doit sortir le porte-monnaie ! Je n’ai rien contre les add-ons ; c’est un excellent moyen de prolonger et de renouveler les jeux. Mais là, je parle de contenu payant disponible avant même la sortie du jeu ! À part l’avidité, la cupidité et la stupidité de l’éditeur, rien n’empêchait que ces ajouts soient dans le jeu de base !
Heureusement, Dragon Age : Origins est quand même jouable parfaitement sans le moindre DLC. Mais cela n’excuse en rien cette pratique commerciale écœurante.
Draconic Aura
Graphismes : Très bien faits. Les visages sont réalistes, les textures de toute beauté, les décors splendides, les monstres monstrueux dans le bon sens du terme. Bref, un régal pour les yeux.
Sons : Je suis habitué à jouer en VO sous-titré en VF. Les acteurs pour la VO ont fait un sérieux effort et le tout donne un excellent résultat, crédible sans être surjoué. J’ai écouté les voix en VF pour ce test : j’accroche moins, mais le résultat est quand même correct. Par contre, au niveau bruitages et musiques, rien à dire, on reconnaît bien la patte de Bioware ; cela frôle la perfection.
Animation : Le tout est fluide. Seul regret, les personnages donnent l’impression d’avoir un balai dans un endroit non prévu à cet effet dans les cut-scenes.
Difficulté : Parfaite, le réglage de celle-ci permet à tous, du casual au gamer pro, d’y trouver son compte.
Richesse : Un background ultra-fouillé que vous découvrez en jouant, des personnages crédibles, des choix que ne se limitent pas à ‘bien’ et ‘mal’, des factions qui ne se limitent pas à ‘gentils’ contre ‘méchants’. L’univers de Dragon Age : Origins est du niveau de celui de Baldur’s Gate.
Scénario : Peu linéaire, avec de multiples rebondissements jusqu’à la fin. Que demander de plus ?
Ergonomie : La combo clavier/souris fait encore des merveilles. Seul regret, la caméra qui, à mon goût, ne s’éloigne pas assez du personnage principal, ce qui peut être gênant dans les batailles à grande échelle.
Longévité : Des heures et des heures de plaisir. Ne pas en profiter serait dommage.
En bref : Je pense qu’il mérite la même note que mérite Baldur’s Gate, à savoir 10/10, Bioware ayant réalisé un produit quasiment parfait. Néanmoins, je retire un point à cette note pour l’utilisation de DLC, car on ne le répétera jamais assez, cette pratique est honteuse et ne mérite que notre boycott. Mais que cela ne vous empêche pas de profiter de ce magnifique jeu.