Grand fan de jeux d’aventure point & click, je ne saluerai jamais assez le fait que le genre semble susciter un fort regain d’intérêt actuellement. Mais cette profusion de titres ne doit pas dissimuler la vérité : l’âge d’or est décidément loin, et la plupart des nouveautés ne parviennent qu’à singer, avec plus ou moins de conviction, les mécanismes et l’esprit des références d’antan. Ainsi ce Dracula Origin, que l’on doit à une petite société ukrainienne peu connue, semble promettre beaucoup de plaisir à première vue… avant que le soufflé ne retombe en raison de la faiblesse des atmosphères qu’il propose, un comble pour une histoire de vampires ! Le scénario s’inspire assez librement du roman de Bram Stocker et débute à Londres, alors que des crimes étranges frappent la capitale et que Mina Harker est sans nouvelles de son fiancé Jonathan, parti en mission auprès d’un lointain comte roumain. Si la trame du jeu reprend le principe romanesque de la traque du vampire de Londres jusqu’en Transylvanie, le professeur Van Helsing (que vous incarnerez tout au long de cette aventure) fera un long crochet par l’Égypte, à la recherche d’antiques manuscrits qui pourraient dévoiler les plans du vampire, et posera également ses valises dans un monastère viennois soumis à un culte démoniaque. Des trouvailles purement imaginaires qui s’insèrent sans trop de casse dans le récit de Stocker, et apportent à l’occasion une curieuse touche lovecraftienne au mythe de Dracula.
L’intérêt que le joueur éprouvera pour Dracula Origin dépendra beaucoup de ce qu’il recherche en priorité dans un Point & click : le gameplay ou l’ambiance. Dans le premier cas, Dracula Origin s’en tire à peu près correctement, bien qu’il soit assez court. Dans le second, on ne tarde pas à être déçu par la banalité des rebondissements et le manque d’épaisseur des personnages. Commençons par les points positifs : Dracula Origin atteint un équilibre plutôt satisfaisant entre les traditionnels mécanismes du jeu d’aventure et les énigmes. Certaines parmi ces dernières sont même particulièrement excitantes. Ainsi, dès les premières minutes de jeu, il faudra examiner attentivement des coupures de presse détaillant les agressions mystérieuses survenues à Londres depuis quelques jours et, à l’aide des informations récoltées, tracer plusieurs axes sur un plan de la ville de manière à pouvoir déterminer le point de convergence des meurtres.
Hormis cette épreuve aussi réaliste qu’originale, on retrouvera au fil de la progression un grand nombre de puzzles classiques (damiers, pentacles, serrures, …) dont il faudra comprendre le fonctionnement sur base d’indices trouvés précédemment. Dracula Origin vous demandera également d’interpréter des citations médiévales en cliquant sur certains éléments d’une scène en accord avec la philosophie de la phrase (différencier chiens et loups, trouver les villageois non soumis à l’un des sept péchés capitaux, etc.), de jouer au menuisier pour concevoir un clé spécifique et à l’apprenti-chimiste pour découvrir le code d’un coffre-fort, ou encore de doser certaines substances en respectant le système métrique de l’Égypte ancienne. Dans l’ensemble, ces casse-têtes sont bien pensés et leur difficulté est suffisamment équilibrée pour qu’on ne reste pas trois mois coincé dessus. Ce dernier point décevra assurément les hardcore gamers qui adorent faire surchauffer leurs petites cellules grises face à d’infaisables Rubik’s cubes virtuels. Dracula Origin est en effet assez simple et, une fois le principe des casse-têtes bien compris, tous seront résolus en un tour de main. Reste l’habituelle utilisation des objets récoltés durant l’aventure qui fait preuve d’un minimum de logique… dans la plupart des cas ! Certaines combinaisons à réaliser sont en effet totalement capillotractées, et s’accordent difficilement avec l’atmosphère de Dracula Origin, qui se voudrait sérieuse et inquiétante. Ces occasionnels grains de folie auraient davantage leur place dans des softs comme Monkey Island ou Day of the Tentacle… !
C’est décidé, Dracula Origin est donc un jeu d’aventure, «familial» pourrait-on dire, d’un certain intérêt. Là où le bât blesse, c’est qu’un jeu d’aventure a également pour vocation de raconter une histoire. Drôle, effrayante, originale, peu importe… mais il faut que l’intérêt du joueur soit maintenu en éveil par les mêmes caractéristiques qui font qu’un film ou un roman captivent. Et c’est à ce niveau que Dracula Origin marque sa grande faiblesse. En surface, tout a pourtant l’air très présentable. Les décors, parfois un peu figés, sont néanmoins d’une grande beauté, les personnages sont bien proportionnés, et la bande sonore, où on retrouve tout autant de la musique de souk que ces longues mélopées sinistres qu’on associe spontanément au monde vampirique, est de toute beauté. Malheureusement, les personnages sont complètement insipides. Que le conservateur du musée du Caire ou le fossoyeur du cimetière n’aient pas été dépeints avec précision reste compréhensible, mais même les protagonistes principaux (Van Helsing, Mina, Dracula lui-même) sont tristement falots, sans personnalité, sans énergie ni charisme. Et pourtant, on sent que les développeurs ont voulu réaliser quelque chose de trépidant. Le problème, c’est que même quand Van Helsing est victime d’une tentative d’assassinat, que le démoniaque comte étreint Mina, ou que le gérant arabe de l’hôtel s’inquiète pour sa nièce disparue, personne n’y croit une seconde. Les mouvements des personnages sont répétitifs et stéréotypés, et les doubleurs – même en V.O. ! – mettent autant d’émotion à faire transparaître les émotions des personnages qu’à lire un ticket de caisse. On croirait parfois que c’est un logiciel vocal qui s’est chargé de faire parler tout ce beau monde !
En bref : 13/20
Dracula Origin est un point & click grand public qui propose une poignée de puzzles intéressants, de jolis environnements et une aventure d’une certaine durée. Quel dommage néanmoins qu’avec un sujet pareil, l’ambiance soit aussi prévisible et convenue et que les personnages soient si peu attirants. La partie se déroulant dans le château de Dracula est terriblement courte, et le scénario ne propose guère de rebondissements ni de moments prenants. Dommage, ce qui aurait pu devenir un soft de grande qualité en devient une simple série B…