Le jour du jugement divin est arrivé. La surface de la planète est bombardée par une pluie de météorites. La civilisation humaine est anéantie. Quelques hommes tentent de survivre à leur nouvel environnement, malsain et mortel. Des poussières se sont élevées du sol et recouvrent entièrement le ciel, privant les hommes de la lumière du soleil. Les survivants errent dans ce monde désolé à la recherche d’un refuge et de ressources vitales. Ils sont régulièrement attaqués par des créatures mutantes et risquent constamment leur vie. Mais leurs efforts sont un jour récompensés lorsqu’ils trouvent des havres de paix baignés de la lumière du soleil, sur lesquels ils bâtiront des cités : les Stalites.
Arkhan, le gardien du feu
C’est le personnage principal de l’histoire. Il fait partie de la milice d’un Stalite : les gardiens du feu. Au cours de cette aventure, finalement très classique, il passera des moments difficiles. Dark Earth est un jeu d’aventure/action du studio de développement français Kallisto, maintenant disparu comme beaucoup de ses congénères de l’époque. L’ambiance est plutôt sombre et ce titre n’est pas à mettre entre les mains des plus jeunes.
Hey papy, oublie pas ton dentier
Dès le lancement du jeu, on est frappé par les graphismes. Bon sang, qu’est-ce que ça a mal vieilli. Les scènes cinématiques en 3D paraissent probablement hideuses aux plus jeunes joueurs. Il faut reconnaître qu’à l’époque, on en était encore aux balbutiements de l’animation en images de synthèse. Pourtant, au milieu des années 90, cela semblait plutôt bon et c’est ce que nous garderons à l’esprit. Les lacunes les plus marquantes se trouvent dans la mise en scène lors de ces cinématiques. Certaines vidéos auraient pu être de mauvais pastiches du clip de ‘Thriller’ (Michael Jackson) réalisé à Imagina en 1990. Le tout avec des montres recouverts de dents et de griffes. C’est très kitsch. Si, à l’époque, ces vidéos mettaient le joueur dans l’ambiance plutôt correctement, il faut avouer que de nos jours on rit de bon cœur en les regardant, et cela peut nuire à l’immersion.
Par ailleurs, les graphismes ‘in-game’, même s’ils sont très datés, restent non corrosifs pour les yeux. Dans les phases jouables, les personnages sont représentés en 3D temps réel sur des décors en 2D. Les modèles 3D font un peu vieillot mais s’intègrent proprement dans le décor. Ces derniers sont quant à eux plutôt réussis. Les environnements sont vastes et variés et subissent à peine le manque de couleurs (256). Le Stalite et son environnement proche regorgent de lieux hétéroclites bénéficiant d’effets de lumière réussis.
Chérie, ça va trancher
Reprenons un peu le cours du jeu. Nous sommes Arkhan, gardien du feu d’un Stalite qui s’appelle Sparta. Une grande menace pèse sur Sparta, et nous n’allons pas tarder à être directement impliqué dans un drame qui pourrait causer la destruction de ce havre de paix. Lorsque le jeu débute, Arkhan se réveille aux côtés de sa dulcinée. Cette dernière est membre de la ville basse alors que le héros est le fils d’un ‘prôneur’ (forme de clergé vouant un culte au ‘Soleil-Dieu’). Un homme noble amoureux d’une femme de la rue, c’est le premier cliché d’un scénario qui en comporte beaucoup. L’histoire ne brille ni par son originalité, ni par sa subtilité. Heureusement, l’ambiance de cet univers post-apocalyptique est réussie. Celle-ci est sombre : l’univers est peuplé de monstres belliqueux, la ville haute est en pleine crise, la ville basse respire la corruption et le sang coule à flots tout au long de l’aventure. Notre héros devra régulièrement combattre pour sa survie, et si le jeu ne comporte pas de ‘boss’, certains combats revêtent cependant un aspect épique marqué.
Tourne à gauche. Non, l’autre gauche.
Nous lançons une partie et une brève intro, contenant un odieux ‘teasing’ des personnages digne des plus mauvais films hollywoodiens, nous accueille. Puis nous prenons en main le personnage. Le maniement se rapproche des jeux de l’époque : quatre flèches, un bouton d’action, un bouton d’accès au menu et la souris pour se déplacer dans l’inventaire et les menus. La flèche ‘haut’ permet de faire avancer le personnage, ‘bas’ permet de le faire reculer ; quant à ‘gauche’ et ‘droite’, elles permettent de faire tourner le personnage sur lui-même pour l’orienter dans la direction voulue. C’est simple et efficace, cela permet d’effectuer des interactions sobres : prendre un objet, l’utiliser sur un élément du décor, parler à un personnage, combattre avec une arme à feu ou une arme blanche. Ce système est d’ailleurs présent dans d’autres productions françaises comme ‘Little Big Adventure’ ou ‘Alone in the Dark’. La jouabilité est bonne, le personnage répond bien aux injonctions du joueur. Nous évoluons dans des décors en 2D avec caméras fixes. Le choix de ces dernières est souvent judicieux et permet de bien apprécier l’architecture du Stalite. De temps en temps on peut cependant s’énerver un peu, car certains objets ne sont pas parfaitement visibles. Puisque nous parlons des objets, profitons-en pour présenter rapidement l’inventaire. Comme dans tout bon jeu d’aventure, vous possédez un sac virtuel pouvant stocker un nombre incroyable d’éléments sans réduire vos mouvements. Vous pouvez transporter autant d’objets que vous le désirez. Ceux-ci se limitent cependant à trois catégories : les armes (qui se fragilisent lors des combats et finissent par se casser), les aliments (pour regagner un peu de vie) et les objets liés aux énigmes. Ces dernières sont présentes tout au long de l’aventure et permettent de débloquer de nouveaux lieux.
Who’s bad ?
Voici venue l’heure du bilan. J’aime ce moment, où le but est de sortir une métaphore vaguement inspirée, pleine de second degré, qui décrit à peine le jeu. C’est le moment que je choisis pour parler de la musique et des bruitages. La musique est bonne, mais les bruitages ne vous donneront pas forcément envie d’aller danser le jerk à Alexandrie avec Bob Morane. Je m’explique : la musique, souvent inquiétante et parfois lunaire, sert parfaitement l’ambiance de ce jeu d’aventure/action sombre dans un univers terrifiant. Les bruitages sont corrects mais ils ne sont pas non plus particulièrement remarquables. Ils servent l’action, c’est déjà bien.
Au final, Dark Earth est un jeu agréable à parcourir mais qui a plutôt mal vieilli. Les cinématiques montrent des monstres à dents effectuant une chorégraphie tellement ridicule que même les élèves de l’école Saint-Jean à Madeleine-sur-Loire, voulant honorer le clip de ‘Thriller’ pour la fête de fin d’année, en auraient honte. C’est un petit peu dur pour se mettre dans l’ambiance ; le plaisir de jeu est un peu gâché. J’aurais bien mis un 6 à Dark Earth, mais même si le jeu est court et qu’il a subi les affres du temps, les joueurs se rappellent sûrement avoir passé de bons moments à l’époque. En tout cas, la ‘French Touch’ n’a pas toujours eu que du bon, et c’est peut-être pour ça qu’elle a fini par disparaître.
Un jeu de rôle ‘papier’ a été tiré de cet univers. Il fut édité par Multisim, société éditrice de JdR - pas forcément très connus - comme Guildes, Nephilim ou Chimères. L’univers décrit dans les livres est plutôt étoffé et évidemment moins kitsch que dans le jeu vidéo.