Hudson et NEC s’étant partagé la création de la PC Engine, ils se sont aussi partagé le développement du catalogue de jeux sur la bécane, même si les éditeurs tiers n’ont pas manqué. A ce petit jeu, Hudson a fait assez fort, puisque c’est rien moins qu’une bonne soixantaine de softs que la firme à l’abeille a proposé sur PC Engine en l’espace de sept ans.
YOU KNOW I’M BAD, I’M BAD
En tant que membre du N.I.C.E. (Nations for International Citizens of Earth), Keith Courage est opposé aux B.A.D. (Bad Alien Dudes), ce qui ne manquera pas d’amuser les quelques anglophiles amateurs d’acronymes Carambar.
C’est sur ce postulat de départ, pour le moins concis, que se base le jeu qui nous intéresse ici. Et en plus je poétise sans le savoir.
GOLDORAK, GO !
Keith Courage in Alpha Zones est un jeu de plates-formes/action constitué de sept niveaux, eux-mêmes divisés en deux zones chacun. La deuxième zone ne nous épargnant pas le traditionnel combat contre le boss.
Dans la pratique, vous contrôlez Keith (qui est un garçon, malgré la ressemblance du sprite avec certaines héroïnes de jivés de l’époque), qui peut se déplacer - mollement - grâce aux touches directionnelles gauche et droite, s’accroupir avec bas et ouvrir les portes avec haut, mais aussi sauter au moyen de la touche I et frapper à l’épée si vous appuyez sur le bouton II. Vous avancez dans un Overworld (c’est le nom de la première zone de chaque niveau) d’une linéarité exemplaire, en tuant tout ce qui bouge et en sautant par dessus deux-trois obstacles.
Et puis au bout d’un moment vous ne pourrez plus avancer. Il y aura une sorte de promontoire sur lequel vous pourrez grimper, et en appuyant sur la direction haute vous vous téléporterez ailleurs. En l’occurrence, vous revêtirez votre armure, celle qui vous fait passer pour une version Mini-Moi de Goldorak dans les soirées costumées. Vous vous trouvez désormais dans l’Underworld, qui est nettement moins linéaire que son collègue du dessus, et qui pullule d’ennemis bien plus agressifs. Heureusement, sous forme de mécha, Keith se déplace vraiment plus vite, saute plus loin et frappe plus fort. Citius, altus, fortus, merci à ma prof de latin.
Votre but dans l’Underworld est de descendre le plus profondément possible, en évitant les piques (le moindre contact et c’est directement une vie en moins). Tout en bas, vous trouverez le boss, et une fois que vous l’aurez vaincu vous passerez sans transition au niveau suivant, où vous êtes de nouveau sous forme humaine.
Notez qu’en détruisant les ennemis, vous obtiendrez aléatoirement (mais genre, vraiment au pif quoi : vous pouvez passer dix minutes sans rien gagner et puis enchaîner trois gains en dix secondes) des coeurs pour restaurer votre énergie, mais surtout des piécettes. Le magot que vous allez engranger vous servira, dans les nombreux magasins de l’Overworld, pour vous payer des armes plus puissantes ou des armures vous permettant de mieux résister aux coups.
COURAGE, FUYONS !
Avec son scénario très second degré (enfin j’espère, parce que sinon le NICE qui se bat contre les BAD ça fait un peu cucul) et son design mignonnet légèrement Super Deformed sur les bords, Keith Courage aurait pu rencontrer un certain succès.
Malheureusement, le capital sympathie s’effrite (elle est pour toi celle-là, Ang’) à mesure que les minutes s’égrènent (elle est pour toi celle-là, Spoz).
Première mise en cause : la rébarbativité. Les décors sont toujours les mêmes (une montagne pour l’Overworld et… une autre montagne pour l’Underworld !), seules les couleurs changent. Idem concernant la bande-son, qui tourne en boucle tout au long de la partie. Pire encore, même le level-design ne varie presque pas, tout juste découvre-t-on un ou deux obstacles novateurs (sol glissant et tapis roulant) en toute fin de partie… C’est maigre !
Deuxième coupable : la maniabilité. La progression sur l’Overworld est franchement pénible car affreusement lente. Keith se déplace à la vitesse d’un plat de lentilles unijambiste, et ses sauts sont petits. A l’inverse, lorsqu’il est transformé, on dirait qu’il a bouffé un taureau rouge (pas le droit de faire de pub) : il se déplace à toute vitesse et fait des bonds de géant à travers la moitié de l’écran ! Un juste milieu entre les deux aurait été agréable.
Dernier problème, mais du genre last but not least : le game design. Sans même parler des animations rouillées des différents sprites, on pourrait déjà regretter que le jeu ne soit qu’un bête beat ‘em all linéaire et finalement très court. Seulement, si encore y’avait que ça… Ce serait mettre de côté la difficulté très aléatoire du jeu (au début, on a droit à un ennemi toutes les dix minutes, et puis d’un seul coup pof ! V’là que j’t’inonde d’ennemis jusqu’à ce que tu sois mort !) et la désastreuse gestion des collisions. En effet, il n’est pas rare de détruire un ennemi alors même que les deux sprites ne se touchaient absolument pas. Malheureusement, l’inverse est aussi vrai…
Du coup il ne reste plus grand-chose pour sauver les meubles. C’est un fait assez étonnant de la part d’Hudson, qui jouissait d’une bonne réputation, notamment dans ce genre de jeux où il excellait. Allez, oublions tous en choeur cette triste expérience et ne désespérons pas : la vérité est ailleurs.