À l’époque des huit et seize bits, les différents constructeurs de consoles se cherchaient tous une mascotte, principalement en lorgnant du côté du jeu de plates-formes, genre indétrônable du moment. NEC et Hudson avaient trouvé la leur dès 1989, avec Bonk l’homme préhistorique hydrocéphale, aussi connu sous d’autres latitudes en tant que PC Kid ou PC Genjin. L’ennui, c’est que la PC Engine, c’est avant tout la console du shmup. Et un shmup préhistorique, ce n’est pas très crédible, n’est-ce pas ? Alors, pour marier leur icône avec leur style de jeu fétiche, les deux co-créateurs de la bécane ont imaginé Air Zonk (PC Denjin au Japon), le cousin punk du petit teigneux à la grosse tête.
À LA FIN, IL N’EN RESTERA QU’UN (et il sera vert avec une tête de dinosaure)
L’infâme tyrannosaure King Drool est décidément un dur à cuire : non seulement l’ignoble saurien a réussi à survivre jusqu’au futur lointain dans lequel se déroule le jeu, mais en outre il n’a rien perdu de sa malveillance. Il a ainsi décidé d’envahir une nouvelle fois la planète, en envoyant cette fois-ci une armée de robots à la conquête des différents continents. Heureusement, ses plans machiavéliques ne sont pas passés inaperçus, et un petit groupe de cyborgs super cool, menés par un punk plus petit de corps que de tête et coiffé de lunettes noires façon star du rock des années 80, se lance à la poursuite des sbires de Drool.
FUSIONNE-MOI SI TU PEUX
Air Zonk est un shoot them up horizontal que l’on pourrait sans conteste (ce que je ne m’empêcherai pas de faire) classer dans la catégorie des cute ‘em up, ces shoots humoristiques se déroulant dans un univers tout en guimauve, et dont le légendaire Parodius de Konami s’est fait le porte-étendard. L’aventure ne comporte que cinq niveaux, mais cela n’est pas si grave étant donné que ces stages sont longs et richement envahis d’ennemis, de boss de mi-niveau et de boss de fin de niveau (le combat contre le boss de fin se déroule souvent en deux parties). Trois niveaux de difficulté sont proposés, afin de correspondre au mieux aux attentes de chacun.
Votre aventure débute au-dessus d’une mer toxique, avant de se poursuivre dans une ville enfumée, puis dans un stade noir de monde, au fond d’un océan lui aussi pollué et, enfin, dans une vaste et inquiétante forteresse cybernétique. Ainsi, malgré ses couleurs pastel et ses monstres trognons (soucoupes, navires humanoïdes, plantes…), Air Zonk s’attache à dérouler sous les yeux du joueur - qui lui s’en fout pas mal, puisqu’il a tendance à mettre le cerveau en pause pour jouer à un shmup - un futur désenchanté, souffrant de maux tels que la pollution ou la surpopulation, qui ont désormais atteint leur paroxysme.
Loin de ces considérations engagées, le système de jeu joue pour sa part la carte de la déconne. Dirigeant Air Zonk de la manière la plus classique qui soit (un bouton pour les tirs, un pour les missiles), vous vous efforcerez de nettoyer l’écran de toute présence hostile et n’oublierez pas de ramasser au fil de votre progression les nombreux bonus qui s’offriront à vous. Parmi ces derniers, vous trouverez bien entendu un large choix de tirs mortels. Mais cute ‘em up oblige, les lasers et autres jets de feu sont ici remplacés par des miaulements (ce sont les lettres de votre hurlement qui agressent l’adversaire !), des fulguro-poings façon Goldorak, des pièges à loups ou des cartes de jeu. Huit tirs au total constituent votre arsenal, que vous pourrez upgrader en collectant de plus en plus de bonus.
En outre, quasiment tous les ennemis laisseront derrière eux, une fois détruits, l’un des fameux petits smileys (j’ai appris que les toubonistes appelaient cela des souriards) qui constituent votre principale source de revenus dans les Bonk traditionnels, au même titre que les pièces dans les Mario ou les anneaux dans les Sonic. Si vous parvenez à récolter cinq smileys en un court laps de temps, vous en ferez apparaître un deux fois plus gros. Si vous le ramassez, vous obtiendrez la possibilité de vous faire accompagner par un ami. Non pas un deuxième joueur, mais l’un des dix partenaires (chat, missile, tank, momie, balle de base-ball) de Zonk. Vous pourrez ainsi choisir avant chaque début de niveau lequel vous accompagnera dans votre lourde tache, un ami faisant office de module et tirant en même temps que vous.
À la différence des modules dans des jeux plus traditionnels comme les Gradius, votre ami se montre assez résistant et il lui faudra plusieurs tirs adverses avant de disparaître. Mais si vous ramassez un second smiley géant alors que votre ami vous accompagne, vous fusionnerez avec lui. Les transformations sont débiles à souhait, mais leur puissance de feu est ravageuse et, si vous vous faites toucher une fois fusionné, vous ne perdrez que la fusion, et pas de vie.
PUNK’S NOT DEAD
C’est au premier coup d’œil que l’on reconnaît le monde de Bonk, dans lequel on a été si bien accueilli jusque là. Chatoyant, coloré à en piquer les yeux, bon enfant… Air Zonk a beau se passer dans un avenir qui n’en a pas, d’avenir, il démontre les mêmes qualités graphiques, le même esprit enfantin (au bon sens du terme), que ses cousins préhistoriques. Et malgré son « discours engagé » - comme si l’on pouvait parler de discours dans un shmup - c’est bel et bien l’humour qui prime. Un humour pipi-caca, primaire, immédiat, jouissif, comme seuls quelques cute ‘em up peuvent nous en proposer. Un humour qui se retrouve dans le design ridicule des personnages comme dans leurs animations débiles, dans les aberrances des situations comme dans la musique enlevée.
Par contre côté gameplay, c’est du sérieux. Les commandes sont connues, le système de jeu n’apporte aucune révolution, le level design et les patterns des ennemis rappellent ceux de nombre de ses prédécesseurs, mais le simple fait de se battre à l’aide de mâchoires d’acier ou de se transformer en chat à lunettes suffit à nous faire oublier le classicisme de l’aventure. Une aventure au demeurant fort courte, mais les cinq stages sont touffus et opposent une résistance farouche dès les premiers instants, pour peu que vous ayez positionné la difficulté à un degré intéressant.
Bref, au même titre que Bonk se contentait bien souvent de pasticher les ténors de la plate-forme, Air Zonk singe plus qu’il n’innove. En même temps, voilà une critique que l’on pourrait formuler à l’encontre de n’importe quel cute ‘em up. Citez m’en un qui bouscule les conventions ! Non, l’important n’est pas là : il s’agit d’amuser la galerie, dans tous les sens du terme cette fois. Et Air Zonk y parvient fort bien, ma foi.