Dans l’inconscient collectif, la Nintendo 64 a surtout manqué de RPG et de jeux de baston pour s’imposer. Autant on ne peut qu’approuver la première affirmation, autant, en cherchant bien, on trouve un paquet de beat ‘em up sur la dernière des consoles à cartouches. L’ennui, c’est que ce ne sont pas vraiment des pointures : développé par Produce ! (un studio d’Hudson Soft qui a surtout travaillé sur les Bomberman Super NES), qui se souvient encore de Dual Heroes ?
Y’A CEUX QUI CRÈVENT ET CEUX QUI CREUSENT
Il y a cent-vingt ans, les Terriens tentèrent de fuir l’apocalypse en migrant vers leurs colonies spatiales. Mais seule la moitié de la population eut le temps de partir avant le Jour du Jugement, qui scinda les océans et créa un nouveau continent dans le Pacifique. Un siècle plus tard, seuls les habitants de ce nouvel endroit ont pu survivre aux retombées du cataclysme, utilisant le minerai connu sous le nom de Gaiathyst comme source d’énergie.
Mais bien entendu, les différentes nations du nouveau continent n’ont pu s’empêcher de se faire la guerre pour cette nouvelle ressource, modifiant les combinaisons d’extraction du Gaiathyst pour en faire des armures de combat. Sur ces entrefaites débarque Zorr, tyran de l’Empire Zodgerria, qui construit sa tour en plein milieu du bled, empêchant quiconque ne porte pas de combinaison de s’en approcher. Bien évidemment, quelques fortes têtes décident d’utiliser les armures pour aller botter le train du gars Zorr.
FORCE JAUNE DEVANT ET MARRON DERRIÈRE
Dual Heroes est donc un beat them up en trois dimensions à la Tekken. Le titre d’Hudson Soft propose quelques modes de jeu intéressants, pour peu que vous trouviez intéressants la pêche à la grenade ou le tuning de castors empaillés. En l’occurrence, outre le traditionnel mode solo, durant lequel vous devez affronter tous les personnages jusqu’au boss de fin, et le non moins traditionnel mode versus pour se friter à deux, nous découvrons le mode Robot, qui permet d’entraîner ledit robot afin qu’il augmente en statistiques : il observe ce que vous faites pendant le combat, et si vous vous protégez, par exemple, il apprendra lui aussi à garder. Ainsi, vous pouvez vous créer un personnage tout puissant, ou du moins aussi calé que vous.
Mais pour quoi faire ? me demanderez-vous. Eh bien parce que le robot est l’un des huit personnages sélectionnables du Virtual Arcade Mode. Dans ce mode, vous défiez non pas les personnages du jeu, mais des joueurs qui utilisent ces personnages : en gros, c’est comme si vous jouiez online, mais au lieu que ce soit contre des gens du monde entier, c’est contre des personnages du jeu, qui jouent eux-mêmes comme s’ils étaient vrais… Je conçois que le concept puisse vous paraître quelque peu tarabiscoté, mais rassurez-vous : il l’est. Chacun de ces vrais-faux gens a ses propres compétences, son propre style de jeu, qui s’ajoutent aux caractéristiques propres à chaque personnage.
Les personnages en question sont un savant mélange de Bioman et de la Bataille des Planètes (en gros, imaginez Force Rouge, Verte, Jaune et tout le tintouin avec des casques en forme d’oiseau, et vous avez les gars de Dual Heroes). Ils sont eux aussi au nombre de huit, auxquels s’ajoutent deux personnages à débloquer et les deux boss du jeu. Différence entre les versions américaine et européenne, les boss ne sont jouables que dans la première version. Théoriquement, chacun de ces avatars devrait disposer de ses propres compétences, mais en vérité ils sont tous pareils.
Dans la pratique, ils se dirigent de la manière suivante : vous utilisez le stick pour vous mouvoir, voire pour esquiver si vous maintenez en plus la gâchette Z. Mais attention ! Si vous appuyez deux fois sur Z, vous vous mettrez à courir, ce qui n’est pas tout à fait la même chose, comme vous ne tarderez pas à vous en rendre compte une fois que vous vous serez mangé quelques pains. Le bouton A permet de filer des coups de poing. Du coup, on aurait pu s’attendre à ce que ce soit le B qui soit utilisé pour les coups de pied, mais non : c’est C-bas qui sert à ça. Le bouton B, lui, sert à se protéger, ou à choper si vous l’utilisez en combinaison avec A, ou à sauter en combinaison avec la direction haute, ou à effectuer des sauts périlleux avant ou arrière si vous lui adjoignez la direction idoine, ou à frapper un adversaire au sol (là encore B plus A, ou A plus C bas si vous préférez, ça marche aussi), ou encore à vous transformer si vous appuyez trois fois de suite. Bref, il fait tout sauf le café.
La transformation, appelée Lethal Change, ne peut être déclenchée qu’une fois par combat. Mais c’est un passage obligé si vous comptez utiliser les coups spéciaux les plus puissants de votre personnage. Lesdits coups spéciaux se réalisent au moyen de combinaisons plus proches de celles d’un Mortal Kombat que d’un Street Fighter, genre à base d’inclinaisons complètement opposées les unes aux autres, qui vous flinguent à la fois le pouce et le stick. En dehors de cela, il n’y a rien de très surprenant dans Dual Heroes (ouais ben ça suffit bien comme ça, hein) : les combats se déroulent en deux rounds gagnants et vous pouvez l’emporter soit en vidant la jauge de vie adverse, soit en ayant le plus d’énergie à la fin du temps imparti, soit par Ring Out, puisqu’un bon nombre d’arènes est sans murs…
MOITIÉ HOMME MOITIÉ ROBOT, LE PLUS GRAND DE TOUS LES BLAIREAUX
Certains ont qualifié Dual Heroes de pire jeu de baston de tous les temps. Je trouve cela injuste, parce que c’est oublier un peu vite des chefs d’œuvre du genre comme Iron & Blood. Mais ceci dit, même face à un Deadly Arts, pourtant pas très brillant, Dual Heroes parvient à se classer en dessous, sans trop se forcer. Et en dessous SUR TOUS LES PLANS, c’est ça le plus fort.
Par exemple tiens, le visuel. Bon, ben les graphismes de Deadly Arts c’était pas brillant, hein. Des persos tout carrés, des couleurs vomitives… Eh ben Dual Heroes c’est pire, parce qu’on a aussi des personnages tout en gros polygones et des teintes de fin de beuverie, mais en plus de cela on se paye un design façon sentaï d’un ridicule à pleurer. Ou à rire.
D’ailleurs, il est quasiment certain qu’il s’agit d’un hommage, parce que la partie sonore ressemble à une mauvaise bande-son de dessin animé. Les animations sont également tout ce qu’il y a de plus rigides, tellement pas naturelles que l’on se demande si l’on ne s’est pas retrouvé par mégarde devant une simulation de tractopelles.
Question maniabilité, on n’a pas encore trouvé pire. Disons que ce n’est pas entièrement la faute du jeu : la manette N64, on le sait, est bien adaptée pour Mario et Zelda, mais beaucoup moins pour un jeu de baston. Alors les développeurs sont obligés de s’adapter. Mais de là à nous coller le dash avec un double appui sur Z et le bouton B en touche à tout faire… Pourquoi ? Pourquoi tant de bêtise ?
Et tant qu’on en est à parler de bêtise, pourquoi est-ce que les adversaires contrôlés par l’ordinateur se jettent invariablement dans le vide lorsqu’ils en ont l’occasion ? Pourquoi a-t-on l’impression de se friter avec des lemmings ? Et puis pourquoi certains coups vous blessent-ils sans vous toucher, alors que d’autres vous traversent sans vous faire de mal ? Pourquoi tant de modes de jeu qui ne servent qu’à brasser du vent ?
Pourquoi, pourquoi… Ben sans vouloir jouer les devins, je suppose que c’est tout bêtement parce que les gens de chez Produce ! sont des incapables en matière de jeux de baston. Alors bon, on peut tergiverser, essayer de leur trouver des excuses… Moi j’aime pas tergiverser, alors ça devrait être un zéro pointé. Mais comme je ne suis pas foncièrement hermétique aux œuvres ridicules, et que je ne suis pas tout à fait sûr que les développeurs l’aient complètement fait exprès, j’accorde généreusement deux points, ne serait-ce que pour le côté Bioman.