Connu sous le nom de Magic John au Japon, Totally Rad est développé par Aicom Corporation et édité par Jaleco
Avec toutes les célébrités que compte la ludothèque NES, on en oublierait presque qu’il y a aussi eu sur cette console des jeux passant tout à fait inaperçus, des stars décaties, des oubliés de l’Histoire, avec un H majuscule. Je serai donc l’avocat des sans-voix, et ce même si le procès est perdu d’avance.
J’APPELLE LE SCÉNARISTE À LA BARRE
Jake, ou John en japonais mais qu’importe, le nom est tout aussi banalement américain, Jake donc, est un apprenti-magicien. Et ce même s’il ressemble plus à un basketteur anorexique tout droit sorti du meilleur épisode de Denver le dernier dinosaure. De toute façon, l’habit ne fait pas le qui (je vous laisse réfléchir au jeu de mot et rire à retardement ; c’est bon, on peut reprendre ?), il n’y a qu’à voir son précepteur, un certain Zebadiah, pour s’en convaincre. Le bonhomme, fringué comme le dirlo de mon école primaire, s’est fait enlever en compagnie de sa fille, qui comme par hasard est aussi la petite amie de Jake. Les ravisseurs ne sont autres que les habitants d’En-dessous, menés par un certain Edogy, et Jake n’a pu empêcher le rapt pour la simple et bonne raison que les salopards l’avaient assommé et laissé pour mort. Mais mort, Jake ne l’était pas, et maintenant il compte bien mettre ses poings sur le I d’Edogy. Même si c’est un Y et pas un I.
OBJECTION VOTRE HONNEUR : MON CLIENT N’EST PAS PIRE QU’UN MARIO. ENFIN, SI EN FAIT.
Totally Rad est un jeu de plates-formes dans la lignée des premiers Mega Man. Il se compose de cinq stages, chacun divisé en deux ou trois sections. A chaque fin de section vous affronterez un boss.
Le parc d’attractions du premier niveau laisse rapidement la place aux égouts, à une forêt ou encore à un stage sous-marin. Ces environnements prodigieusement originaux abritent leurs lots de robots en tous genres, qui vous sauteront dessus dès que vous ferez un pas.
Jake, en tant que héros de jeux de plates-formes syndiqué, répond à des commandes on ne peut plus classiques, à savoir qu’il saute lorsque vous appuyez sur le bouton A de votre vieille manette cabossée, et qu’il tire lorsque vous pressez la touche B (vous pouvez charger votre tir).
Mais Jake est aussi un magot en puissance, alors vous allez avoir accès à une panoplie de sorts des plus complète. Pour sélectionner un sort, vous passerez par le menu de pause, puis vous utiliserez le sort en appuyant à la fois sur haut et B.
Au programme des réjouissances, de quoi restaurer tout ou partie de votre jauge de santé, la possibilité de paralyser momentanément vos adversaires, une invincibilité temporaire, des pouvoirs élémentaires, mais aussi diverses transformations : le tigre est invulnérable lorsqu’il saute mais ne peut frapper qu’au sol, l’oiseau vole (au départ, les développeurs voulaient qu’il nage, mais ils se sont heureusement rendu compte de leur ineptie) et envoie des boomerangs, et le triton est rapide et saute très haut.
Au bout d’un moment, la transformation cesse et vous redevenez humain. Vous obtiendrez au cours de l’aventure de quoi restaurer votre jauge de magie, ce sera à ma connaissance votre seule compensation pour toutes les souffrances que vous infligeront les ennemis.
NOUS PLAIDONS NON COUPABLE
Oui mesdames et messieurs les jurés, le procureur général a raison : tous les faits accablent mon client.
Les graphismes sont ridicules pour un jeu du début des années quatre-vingt dix : les décors sont vides, les sprites petits et peu détaillés et on fait facilement une overdose de Mir Couleurs rien qu’en regardant l’écran plus de trois secondes. Même les animations sont minimalistes, et nous passerons pudiquement sur l’affreuse bande-son qui nous écorche les oreilles.
Oui, jouer à Totally Rad, c’est comme jouer à Mega Man avec toutes les armes en début de jeu. La jouabilité a beau être correcte, la difficulté est tellement basse que traverser les cinq petits niveaux confine à la balade de santé. Oui, oui, oui.
Mais, mon client dispose de plusieurs circonstances atténuantes. J’évoquerai à nouveau le scénario alambiqué du jeu. L’histoire est plate, incohérente et les textes sont bourrés de mots « cools » à l’époque et totalement insupportables aujourd’hui. Et rien que pour cela il mérite le titre d’œuvre culte.
Et si cet aspect ne vous suffisait pas, attardons-nous trente secondes sur l’aspect le plus impressionnant, le plus kitch du jeu : ses boss. Gigantesques. Multicolores. Invraisemblables. Ridicules… Les qualificatifs ne manquent pas, et prouvent si besoin était le mauvais goût de ce jeu.
Au regard de ces preuves implacables, je requiers la clémence du jury : mon client n’est pas coupable, il est victime. Victime d’une boîte de jeux vidéos bonne à rien, qui a tenté, comme un professeur Frankenstein moderne, de sacrifier la qualité d’un médium sur l’autel du brouzouf. Je vous remercie.