Karnov est un jeu vidéo NES publié par Data Easten 1987 .

  • 1987
  • Plates-formes

Test du jeu vidéo Karnov

4.5/5 — Exceptionnel ! par

Si seulement y avait moyen de commencer un tel test avec les chœurs de l’armée rouge et des danseurs russes jonglant des gambettes… malheureusement non, mais bon, j’m’en contenterai.

KARNOV, KÉZAKO ?

Karnov est un jeu de plates-formes, sorti en 87, se déroulant dans un monde bizarroïde peuplé de créatures mythologiques tout droit sorties du fin fond des pays de l’est.

Vous incarnez Karnov, un gros cracheur de feu chauve et musculeux, la bedaine proéminente, vêtu d’un pantalon rouge et de babouches. Un personnage atypique et très charismatique, qu’on aura grand plaisir à voir déambuler dans les stages et qui, par sa simple présence, donne directement une aura particulière à ce jeu, qui l’est tout autant par chacun de ses aspects.

Il n’est pas étonnant que, pendant longtemps, Karnov ait été la mascotte de Data East, qui nous le fit redécouvrir en boss dans le jeu Bad Dudes vs. Dragon Ninja (premier stage), ou dans le jeu de baston Karnov’s Revenge sur Neo-Geo.

Difficile de vous dire en quoi consiste l’histoire, puisque le jeu en lui-même ne précise rien à ce sujet et que je me suis chopé la cartouche seule, donc pas de notice pour trouver le moindre indice !

À noter (au passage) que ce jeu n’est pas sorti en Europe et donc, pour l’avoir en galette NES, force est de passer par l’import (snif). D’ailleurs à ce propos, comme mon adaptateur est tout pourri, j’ai dû dézoner ma NES à la brutale pour pouvoir faire passer le jeu américain dans ma console et, si vous le permettez, je reviendrai sur cette expérience terrible en fin de test.

REVENONS-EN À KARNOV

Graphiquement, même si le jeu n’est plus de première fraîcheur, le tout est plutôt correct, très détaillé et coloré, cependant il faut bien avouer qu’on a vu la NES fournir de bien meilleurs graphismes par la suite.

Si les sprites sont de bonne taille et nombreux à l’écran et que la palette de couleurs se révèle cohérente, difficile pour qui n’est pas sensible au look retro 8-bits de chanter les louanges graphiques de Karnov. On appréciera cependant toujours le style très singulier du soft.

Le jeu comprend 9 stages, aux décors variés mais cohérents dans des tonalités terreuses dépeignant un monde vallonné, presque post-apocalyptique si on y regarde à deux fois. Difficile de décrire l’atmosphère incomparable qui se dégage de ces villages dévastés perdus dans des montagnes pleines de cavernes, et de donjons peuplés de créatures allant de la gargouille au lanceur de pierres ricanant en passant par des chauves-souris, des golems, des hommes-poissons géants, des coquillages assassins, des tyrannosaures, des dragons volants, des orbes tueurs, des poulets carnivores et j’en passe.

Tant au niveau du bestiaire que du level design, le jeu étonne de par sa variété et sa qualité. Bien que disposant d’assez peu d’étapes d’animation, les sprites sont nets et souvent imposants ; de plus, ils sont très souvent présents en grand nombre à l’écran, sans que cela n’occasionne un excès de scintillements ni l’explosion de la console.

LE GAMEPLAY

Sur une pression du bouton B, vous pourrez envoyer des salves de boules de feu sur vos ennemis… et alors là, notre ami Karnov n’y va pas de main morte, puisqu’il est possible de mitrailler les malheureuses victimes et d’inonder l’écran de projectiles enflammés, dont on pourra d’ailleurs augmenter le nombre en ramassant des power-ups. Le bouton A sert (comme souvent) à sauter, mais là encore, surprise : le brave Karnov retombe tout lentement à chacun de ses sauts. Dans ses vols planés, il pourra d’ailleurs zigzaguer dans les airs pour s’emparer des nombreux items et bonus qui parsèment le jeu, et que l’on pourra ensuite utiliser depuis l’inventaire figurant au bas de l’écran, d’une simple pression sur la touche SELECT, après les avoir mis en surbrillance.

DES ITEMS ET DES SECRETS

L’un des gros points forts du jeu, c’est la quasi-saturation constante de l’espace par des bonus. Le bonus le plus simple est représenté par des lettres K qui volent, et qu’il faut attraper en nombre pour gagner des vies. Les autres items que l’on pourra ramasser remplissent la large barre d’inventaire située au bas de l’écran et dans laquelle on naviguera soit par de petites pressions sur les touches droite et gauche (ce qui occasionne une gêne puisque cela déplace également Karnov, difficile de sélectionner un item dans le feu de l’action), soit grâce à des utilisations contextuelles… un son se déclenchera à certains endroits et l’un de vos items se mettra à clignoter ; il vous faudra alors l’activer pour, par exemple, voler ou voir des items cachés.

Parmi les items on trouve des bombes (qui permettront parfois de casser des murs), un boomerang (inutile), une Über Bombe qui fait péter l’écran, une babouche qui fait sauter plus haut, un masque qui permet de voir des objets cachés, une échelle extrêmement utile que l’on peut déployer partout pour accéder à différents items ou lieux, un scaphandre qui permet de nager plus vite, un bouclier qui autorise à encaisser les tirs des ennemis, des ailes qui permettent évidemment de voler, et que sais-je d’autre.

Le plus étonnant avec ces outils dont dispose Karnov, c’est qu’ils diffèrent énormément de ceux présents dans les classiques du jeu vidéo à la Mario ou Metroid ; si certains items ne surprennent pas énormément, d’autres se révèlent pour leur part uniques et bien plus inventifs que certains hérités de la sphère Nintendo.

Bref, une sacrée variété d’items, d’un usage souvent très polyvalent et qui permettront, outre de foutre la pâtée aux ennemis, d’explorer les stages à fond. D’ailleurs pourquoi s’en priver, quand on sait que pratiquement chaque stage offre son lot de chemins alternatifs et de bonus cachés.

LEVEL DESIGN EXCELLENT

J’insiste à ce sujet : les stages sont extraordinaires et j’ai très rarement vu une telle intelligence dans la construction des niveaux d’un jeu de ce type. Bien que les ambiances entre les niveaux varient beaucoup, on reste dans une esthétique très marquée où les idées les plus saugrenues parviennent malgré tout à s’accorder avec homogénéité… En d’autres termes, « la direction artistique » du jeu assure un max ; elle se place dans la lignée d’un Kid Icarus ou, plus encore, d’un Rygar où, là aussi, les délires mythologiques marchent du feu de Dieu, allez savoir pourquoi.

Mais si j’insiste sur le level design en particulier, c’est aussi parce qu’outre la foule de détails dans les décors et la recherche d’ambiance, les parcours possibles sont très nombreux et riches, alternant avec aisance la plate-forme, le bourrinage et les passages de labyrinthes. On ne s’ennuie jamais dans les niveaux de Karnov : ça monte, ça descend, les pièges sont variés, les checkpoints régulièrement bien placés (souvent à la croisée de deux chemins, pour permettre de changer de parcours entre deux vies), la disposition des bonus demande de les explorer à fond et les ennemis n’apparaissent pas tous aux mêmes endroits ni aux mêmes moments (ce qui garantit une « fraîcheur » constante au jeu). Pensez aussi à cracher du feu de partout, cela permet parfois de faire apparaître des items importants ; les secrets dans Karnov sont légion.

SON ET MUSIQUE

C’est un peu là où le jeu est le plus limité, puisque tous les stages disposent de la même musique (heureusement longue et excellente). Il y aura quelques autres thèmes mais bon, au total, on doit les compter sur les doigts d’une main de pingouin.

Côté son, c’est le minimum syndical ; les alertes pour les actions contextuelles sont irritantes, les boules de feu de Karnov sont sobres, les blessures dans la gueule des boss sonnent bizarrement… ça passe, mais c’est loin d’être brillant.

LES ENNEMIS ET LES BOSS

J’ai déjà évoqué leur variété, leur nombre à l’écran et leur taille parfois très imposante, mais j’oubliais de préciser qu’ils disposent de patterns simples mais intéressants, et que nombre d’entre eux possèdent en plus des points faibles : il faut parfois viser leur tête ou attendre qu’ils dévoilent leur point faible pour les blesser. À nouveau, on ne peut que saluer la richesse et l’inventivité folle dont fait preuve le jeu pour varier les plaisirs. Ce petit aspect tactique demandera parfois d’user avec discernement des différents items, tels que le super saut de la babouche, l’échelle (qui permet parfois de prendre de bons angles de tir sur des ennemis trop nombreux ou des boss emmerdants). Encore une fois, c’est du tout bon.

LA DIFFICULTÉ

Karnov a la réputation d’être un jeu infaisable… c’est une réputation franchement usurpée, dans la mesure où le jeu est très user-friendly. S’il offre une difficulté assez corsée, ses checkpoints sympas et ses crédits infinis le rendent néanmoins très faisable, d’autant plus qu’on ne perd jamais son inventaire (même les K qui permettent de gagner des vies). Perdre un crédit vous renvoie au début du stage dans lequel vous vous trouvez, mais reparcourir intégralement un niveau n’est pas une grande gageure, tant tout semble bien calibré, et les recoins les plus corsés pourront toujours finir par être traversés sans encombre quand on aura déterminé la bonne approche.

Puis honnêtement, j’ai été pris à plusieurs reprises d’éclats de rire plutôt que d’envies de jeter mon pad à l’écran lors de mes tentatives ratées.

EN DÉFINITIVE

On est là face à un fantastique jeu de plates-formes, unique en son genre et finalement très moderne par de nombreux aspects. L’inventaire, malheureusement un peu difficile d’emploi, se révèle être une excellente idée pour parfaire la mission que semble s’être donnée le jeu, être le plus varié possible. La variété, c’est bien ce qui caractérise Karnov puisque tout, des ennemis aux bonus en passant par les niveaux eux-mêmes, fourmille d’idées excellentes et fraîches.

Le comble, au final, c’est qu’on n’ait jamais (ou presque) rien vu de comparable (comme si ce jeu avait ouvert une voie possible où personne n’a souhaité s’engouffrer… et c’est vraiment dommage). L’aura culte qui entoure ce soft n’est pas du tout volée. Il faudra néanmoins que les néophytes et retrogamers pas habitués à de telles curiosités s’accrochent un peu pour comprendre les diverses subtilités du titre, au risque de ne pas l’apprécier à sa juste valeur et se voir rebutés par sa difficulté.

Un titre à découvrir d’urgence et à savourer. Je n’y mets 9 sur 10 que parce que circuler dans l’inventaire est un peu casse-gueule, et parce qu’à mon avis l’absence de codes empêche de se refaire les stages que l’on préfère dans le sens que l’on souhaite… MICRO BÉMOL.

BONUS

Il faut savoir que Karnov compte parmi les rares jeux ayant réussi à traverser la frontière du bloc soviétique en son temps. La version arcade du jeu a en effet fait les beaux jours des salles d’arcades là-bas (eh oui, ça existait aussi chez eux). À ce propos, il est amusant de se pencher sur les jeux de l’ex-Union Soviétique, pratiquement disparus de nos jours, mais que de braves gars s’amusent à présent à retrouver et remettre en fonction dans un musée. Si ça vous intéresse, jetez un œil sur ce lien :

http://www.wired.com/gaming/hardware/multimedia/2007/06/gallery_soviet_games

Pour jouer à Karnov sur une NES européenne, il m’a fallu ouvrir ma NES et trancher une patte du chip que Nintendo utilisait pour zoner les machines. L’opération, bien qu’un peu impressionnante, est assez simple d’exécution si vous disposez d’un bon tournevis démagnétisé (pour ne pas faire de pépin sur la carte mère) et d’une petite pince coupante.

Disposant d’un adaptateur NES plus que bancal, je dois bien dire que cette méthode (qui marche à merveille) est sans doute la meilleure à envisager si vous tenez à étoffer votre ludothèque de titres américains tels que celui-ci.

La méthode complète pour dézoner votre NES est détaillée ici :

http://www.nintendomaniacs.com/article.php?idart=2805

Avec un peu de patience et de doigté, on s’en sort très bien sans détruire sa machine, et il n’y a nul besoin d’effectuer de soudure ni d’avoir de quelconques compétences en électronique. Maintenant, même si je n’peux que louer la méthode, eh bien ne le faites qu’à vos risques et périls (bien que le péril soit assez faible à mon humble avis).

Karnov