Développé par Technos, édité par Technos pour le Japon, Tradewest pour le reste du monde, 1988.
Comme la quasi-totalité des supports de jeu de l’époque, la NES a eu droit à son adaptation du légendaire Double Dragon de Technos, pionnier du beat them all (beat them up pour les anglo-saxons), et mettant en scène 2 jeunes gens aux prises avec un gang urbain. Une adaptation du jeu arcade pourtant atypique, car très libre, tant au niveau du gameplay que du level design. Et ça se vérifie dès la sélection des modes de jeu.
SIMPLE DRAGON
Eh oui, la grande spécificité de Double Dragon sur NES, c’est qu’il ne se joue qu’à un seul joueur. Enfin non, il peut se jouer à 2, mais de façon alternée (le 2e joueur attend que le premier perde une vie pour prendre sa place, comme dans Kung Fu par exemple). Autant dire que ça ne sert à rien. Les limitations techniques de la NES, et surtout le manque de savoir-faire de Technos, expliquent cette très dommageable absence d’un mode 2 joueurs en simultané (ça sera corrigé pour le 2e opus).
Pour apaiser la colère du joueur, Technos a alors prévu un mode B en plus du classique mode A (mode histoire). Le mode B consiste à mettre en scène des combats singuliers, à la Street Fighter. Vous pouvez sélectionner Billy Lee, mais également incarner n’importe lequel des ennemis rencontrés, à l’exception de Willy, le chef à la mitraillette. 6 persos sont en tout disponibles, ce qui est appréciable. Par contre, on vous impose d’affronter votre clone, contrôlé soit par l’ordinateur soit par le joueur 2. L’affrontement se déroule en un match sec, qui se poursuit jusqu’à expiration de l’énergie de l’un des 2 adversaires. Autant dire que la durée de vie de ce mode ne dépasse pas les 5 minutes.
Récapitulons : mode A = beat them all, mode B = beat them up.
PETIT PAPA BASTON
Tout comme le jeu arcade, Double Dragon sur NES comprend 4 missions, de longueurs très inégales. Si les 2 premières sont très courtes, les 2 dernières sont presque interminables. Les niveaux sont agencés de façon très différente et, mis à part le point de départ du jeu et la dernière salle, aucun écran ne sera familier aux joueurs de la version arcade. On retrouve bien Willy, le barbu à la mitraillette comme boss de fin… ou presque, puisque le véritable gros méchant du jeu est Jimmy, le propre frère de Billy, qui lui a piqué sa gonzesse, le sagouin ! Les développeurs ont pris prétexte de l’absence du mode 2 joueurs pour modifier un peu le scénario. Sur arcade, les 2 frères devaient se battre l’un contre l’autre pour se disputer les faveurs de Marion ; là c’est un peu différent, mais ils se maravent quand même. Mais pour de faux semble-t-il, puisqu’ils sont de nouveau potes dans le 2. Enfin, passons…
Si l’essence du jeu reste de bastonner tout ce qui bouge, le titre prévoit aussi des mini-phases d’exploration, où Billy devra notamment progresser de plate-forme en plate-forme, éviter des stalactites tombant du plafond, franchir des précipices… Eu égard à la mauvaise maniabilité du héros, ces phases sont fort heureusement peu nombreuses. Billy est en effet raide comme un piquet et s’il s’approche un peu trop près du bord d’une plate-forme, il va dégringoler dans le fossé. Maîtriser ses sauts n’a rien d’une sinécure non plus.
Billy dispose en tout et pour tout de 3 vies pour compléter sa mission, ce qui s’avère très peu puisque tomber dans le vide ou dans l’eau lui en ôte une entière. Il devra gérer sa barre d’énergie et le décompte du temps, sachant que les niveaux les plus longs sont divisés en sections : atteindre une nouvelle portion du niveau réinitialise le compteur de temps et recharge l’énergie de l’intrépide jeune homme.
Je le disais, le gameplay est particulier. Billy ne maîtrise que 3 techniques très basiques au début du jeu (coups de poing, de pied et de boule). Il pourra toutefois en assimiler 8 autres en gagnant de l’expérience au combat. Cette expérience est représentée par des cœurs. À chaque coup porté, le Dragon obtient des points ; passé 1000 points, il gagne un cœur. Chaque cœur lui confère une nouvelle technique, comme l’uppercut, le super coup de pied, le coup de pied sauté standard, l’incontournable saisie des cheveux pour latter la face à coups de genou et éventuellement finir par une projection, le coup de coude en arrière, le coup de pied sauté retourné et, enfin, la possibilité de tabasser un adversaire couché au sol (comme dans Target Renegade).
Ce système original est finalement plutôt intéressant, même si certaines techniques, y compris les plus avancées, sont difficiles à porter, alors que leurs effets sont parfois disproportionnés (le coup de coude est 3 fois plus puissant que le coup de pied sauté).
Les ennemis sont relativement variés, tant au niveau aspect que des techniques utilisées. Pour s’aligner sur la progression du héros, eux aussi deviennent plus habiles avec le temps. Ils acquièrent notamment la capacité à esquiver vos coups en se baissant (encore une influence de Target), ce qui en fait de redoutables adversaires.
Certains d’entre eux vous attaquent avec des armes (chaque groupe d’ennemis possède une arme de prédilection) : le fouet, la batte, le couteau, le tonneau, le colis, le bâton de dynamite (sans parler de la mitraillette de Willy). Ces objets sont récupérables et utilisables contre leur propriétaire, mais uniquement contre celui-ci ; ils se volatilisent sitôt après, ce qui est franchement débile, frustrant et incohérent (spécificité version NES).
Le jeu est relativement court pour un soft console, très difficile, surtout à partir de la mission 3, et d’une durée de vie somme toute modérée.
Tout comme la jouabilité et l’agencement des missions, la réalisation technique est elle aussi originale à plus d’un titre. Graphiquement, le jeu surprend. La NES étant incapable de restituer les graphismes originels, le système Super Derformed a été utilisé. Celui-ci met en scène des bonshommes un peu difformes, petits mais avec une grosse tête et des bras collés au corps (comme les joueurs de Nintendo World Cup par exemple), ce qui tranche avec les persos élancés du jeu arcade. Il faut un peu de temps pour s’y habituer, mais le résultat est acceptable. Ce qui l’est moins, c’est l’horrible expression de souffrance et de niaiserie qu’ont les protagonistes lorsqu’ils tombent d’une hauteur aussi peu élevée soit-elle, genre la 1e marche d’un escalier.
Mais le pire c’est que le jeu est truffé de bugs. À un tel point que plusieurs sites les répertorient ou leur consacrent une vidéo ; je vous conseille celle-ci : http://www.youtube.com/watch?v=Iv6rcWeQPbI
On y recense pêle-mêle des espèces de trous dans le décor, des ennemis qu’on peut traverser, un fouet qui, au moment de disparaître, se transforme en… batte, des méchants qui disparaissent lorsqu’ils sortent de l’écran (ça marche avec le boss du niveau 2, qu’on n’a même pas à affronter !), et le plus connu d’entre eux, frapper dans le vide à un endroit où figurait un ennemi, qui s’est volatilisé, vous donne des points comme s’il y était toujours. Du coup, cette anomalie permet de récupérer les 8 cœurs dès la moitié de la mission 2. Pas très sérieux tout ça, mais aucun bug n’est réellement gênant.
Le fond musical est de grande qualité, agréable à écouter, et les effets sonores remplissent très bien leur rôle.
RÉSUMÉ
Cette version atypique de Double Dragon est correcte, mais ne casse pas des briques non plus. Si le système d’expérience est plutôt une bonne trouvaille, et si l’on ne peut enlever aux développeurs leurs idées et leur originalité pour palier aux limites techniques du support, il est manifeste que ces mêmes développeurs manquaient de savoir-faire technique pour réaliser ce titre, qui est un peu fouillis, truffé de bugs, insuffisamment maniable et à la difficulté mal calibrée. Et dont le mode « combat 1 contre 1 » n’est qu’un gadget, incapable de faire oublier l’absence béante du mode 2 joueurs simultanés.
Double Dragon sur NES n’aura été au final qu’un galop d’essai, ayant permis d’aboutir à un Double Dragon II nettement supérieur en tous points.
6/10