Deja Vu : A Nightmare Comes True est un jeu vidéo NES publié par Kemcoen 1990 .

  • 1990
  • Aventure

Test du jeu vidéo Deja Vu : A Nightmare Comes True

4.5/5 — Exceptionnel ! par

Développé par ICOM Simulations Inc., édité par MindScape sur Mac (85), MS-DOS (87), C64, Amiga, Atari ST, PC, Pocket PC, Game Boy Color, par Kemco sur la NES (90).

Ça vous est déjà arrivé de vous réveiller dans des chiottes, dans vos habits de la veille, la tête comme une enclume, sans vous rappeler ce que vous avez fait la soirée d’avant ni qui est la nana de 50 balais qui dort dans votre lit ? Je ne vous le souhaite pas, mais ceux qui ont connu certaines expériences similaires en un chouïa plus modéré savent que ce n’est pas forcément agréable.

Maintenant, imaginez que dans la pièce à côté y’a pas une nana (même très moche) endormie, mais un mec endormi pour de bon avec 3 jolies petites balles logées dans la poitrine, et que non seulement vous n’avez pas la moindre idée de qui il s’agit, mais en plus vous ne vous souvenez plus de qui vous êtes vous-même. Et tant qu’on y est vous trouvez dans votre poche un flingue qui a tiré 3 balles. Et là vous vous dites : « oh le bad… ». Eh bien, c’est exactement ce que se dit à l’instant le cher héros de notre histoire, que l’on va nommer Bob.

ETKESKONFEMAINTENANT ?

Ben maintenant, va falloir se sortir de la merde, puisqu’à moins de sérieusement se remuer les doigts, les options qui vous attendent sont, selon affinités : vous faire descendre, vous faire bouffer par un alligator dans les égouts, vous faire coffrer par les flics pour le restant de vos jours, ou/et souffrir d’une perte de mémoire irréversible. Vous l’avez compris, autant ne pas lambiner. Surtout que Bob a plus d’ennemis que d’amis. En fait, à part un clodo bourré, plus ou moins tout le monde lui en veut. Vous vous sentez heureux d’être vous-même, et à fortiori de savoir qui vous êtes ? Ben pas de bol, va falloir se glisser dans la peau de Bob, et s’arranger pour que celle-ci ne se retrouve pas criblée de balles 38 mm.

**NAISSANCE DU POINT & CLICK ! **

Séquence émotion. Après avoir testé le tout premier Metal Gear, le père fondateur du Tactical Espionnage Action, je m’octroie l’honneur de vous présenter Deja Vu : A Nightmare Comes True (i.e. « un cauchemar devient réalité »), considéré comme le tout premier jeu d’aventure Point & click.

Alors le principe de ce genre, élaboré par la team MacVenture et développé par ICOM Simulations Inc. initialement pour le Mac, c’est de contrôler complètement un héros et de le guider dans un environnement bien souvent hostile, constitué d’une succession d’écrans figés. Vous rentrez dans la peau du personnage ; le jeu est donc en vue à la première personne. Les actions s’effectuent au moyen d’un pointeur. Pour interagir sur un objet ou élément du décor, vous sélectionnez une action disponible (classiquement « Examiner », « Parler », « Ouvrir », « Fermer », « Prendre » et « Utiliser ». Et bien sûr « Aller » pour changer d’écran) et ensuite vous pointez sur l’objet puis vous tirez, enfin vous cliquez, pardon. Un message textuel fera apparaître le résultat de l’opération (description visuelle ou description du processus enclenché). En plus de l’écran de décor et de l’écran texte, un écran d’inventaire permet de regrouper les objets ramassés en vue d’une utilisation future. Le héros peut aussi interagir avec lui-même (manger quelque chose, se vêtir, ou pourquoi pas se suicider).

La team MacVenture a lancé, dans le milieu des années 80, 4 jeux P&C utilisant une interface et proposant un gameplay similaire. Il s’agit chronologiquement de :

  • **Deja Vu : A Nightmare Comes True **, que je vais présenter ici, un polar ayant pour cadre l’Amérique des années 40 ;

  • Uninvited, qui se déroule à l’époque contemporaine dans une maison hantée ;

  • Shadowgate, qui se passe dans un château dans un univers heroic fantasy ;

  • Deja Vu 2 : Lost in Las Vegas, la suite directe de Deja Vu, incontestablement considéré comme le plus abouti de la saga.

Les 3 premiers jeux sus-cités ont été par la suite portés sur la NES par le biais de l’éditeur Kemco (le portage de Deja Vu 2 a semble-t-il été finalisé, mais n’est pourtant jamais sorti. Il est introuvable actuellement). Enfin, dans le milieu des années 90, la série a été portée sur PC (Windows).

Puisque j’ai l’ambition de présenter le 1er P&C ever, j’aurais pu choisir sa version originelle Macintosh, mais par commodité je vais le tester sur la NES, puisque c’est le support sur lequel j’ai découvert la trilogie initiale.

QUI VEUT LA PEAU DE ACE HARDING ?

Pour revenir à nos moutons, et surtout à nos emmerdes, c’est en substance l’énigme à décrypter (c’est marrant, j’ai une impression de Déjà Écrit…).

Y a 2 possibilités finalement : soit Bob a liquidé le gars et il a intérêt à se tailler vite fait, soit c’est pas lui mais quelqu’un s’est donné du mal pour le faire croire. Considérant que sa perte de mémoire semble avoir une origine médicamenteuse, la 2e hypothèse peut être retenue.

Bob se rend compte assez vite qu’il s’appelle Ace… Ace Harding. (En fait, son vrai nom c’est Théodore Harding, mais il m’a confié en privé que ça marchait pas trop avec les nanas.) Ace est un ancien boxeur aujourd’hui détective privé (un ancêtre de Ace Ventura que ça m’étonnerait pas). A lui de trouver un maximum d’indices et d’informations pour déjouer la machiavélique machination dont il est le pantin, et de trouver son commanditaire.

Le jeu se déroule dans la pure tradition ‘polaristique’. Il faut jouer le rôle du détective (ça tombe bien pour Ace).

Contrairement aux autres P&C, tout du moins ceux de la série, vous bénéficiez d’une assez grande liberté d’action. Vous n’évoluez pas dans un environnement clos où la progression est rigoureusement encadrée par un système de clés ; votre terrain d’investigation c’est toute la ville de Chicago (le jeu démarre dans un bar désert). En plus de se balader dans la rue principale et parfois ses enseignes, Ace (zut, Bob j’aimais bien moi) peut prendre le taxi pour découvrir d’autres parties de la ville, à condition d’avoir trouvé une adresse précise où aller. Et à condition d’avoir du pognon sur lui. Ce qui implique d’en gagner (en jouant à une machine à sous), et de ne pas se le faire dérober (les rues de Chicago ne sont pas sûres). Notre héros amnésique peut toutefois se défendre à l’aide d’armes à feu (3 flingues sont récupérables, malheureusement aucun n’apporte de différence par rapport à un autre) mais aussi à l’aide de ses poings. Eh oui, utiliser un gun quand on est recherché par la police c’est pas forcément l’idée de l’année. Enfin ça donne des scènes marrantes, Ace n’hésitant pas à coller un pain à une nana (faut dire que s’il hésite il se prend une balle alors…). Le reste de l’inventaire disponible sera essentiellement constitué de pognon, de clés, de pièces à conviction et puis de quelques gadgets ou babioles sans réelle utilité.

Je n’en dirai pas plus au sujet des rebondissements scénaristiques. Juste un petit mot sur le titre : Ace est sujet à des réminiscences, des impressions de Déjà Vu, lorsqu’il voit certaines choses, endroits ou personnes. Ou comment apporter des éléments nouveaux à l’intrigue. Plutôt bien mis en scène.

UN AIR DE DÉJÀ VU ? OUI MAIS ALORS PAS DANS UN JEU VIDÉO

Deja Vu est (ou était) incontestablement un jeu innovant. Forcément puisque c’est le 1er P&C. Mais c’est aussi l’un des jeux les plus immersifs, il l’est par exemple bien davantage que ses frères Uninvited ou Shadowgate, et d’autres P&C postérieurs. Ce ressenti d’immersion est rendu possible par un univers « réel » et non fictionnel (pas de monstres ou magiciens à affronter). En conséquence, les actions peuvent (et doivent) s’effectuer de façon logique. Se mettre dans la peau d’un détective, se mettre dans la tête des méchants, ramasser des pièces du puzzle macabre, établir des connections entre les éléments sont la clé de la réussite.

Par ailleurs, la cadre a beau être « réel », il n’est pas contemporain, mais se déroule à l’époque la plus appropriée au roman noir, les années 40 (30 ça marche aussi). Précisément, l’action prend place le lendemain de l’attaque de Pearl Harbor, soit le 8 décembre 1941. Toutes les composantes d’un bon vieux polar sont réunies : flingues, femme fatale, secrétaire sans scrupules, tueurs à gages, chantage, casino dans une arrière-salle planquée d’un bar…

Ambiance servie par un fond sonore très bien choisi, bien que les thèmes musicaux ne soient pas assez nombreux.

Je ne vois rien à redire aux graphismes, ils sont nets et bien coloriés, avec un haut niveau de détail pour certains écrans. Plus proches de ceux de Uninvited que ceux de Shadowgate. Bon, ça reste limité mais en aucun cas ils ne gênent le plaisir de jouer. Aucune animation par contre, les décors restent figés (ou alors une ou deux grand max). Contrairement aux versions ordi crois-je (où on voit le taxi se mettre en mouvement).

En bref, on accroche vraiment au jeu et à son histoire. Surtout que pour une fois, vous contrôlez un vrai héros, charismatique, et non pas un « nobods ».

D’ailleurs, une fois n’est pas coutume, vous ne finissez pas le jeu après avoir atteint un certain endroit et vaincu le boss de fin, vous le finirez obligatoirement au poste de police. En vous y livrant de votre plein gré. Mais attention, votre salut ne vous sera accordé que si vous fournissez suffisamment de preuves. Quelques simples pistes ne suffiront pas à convaincre les hommes de loi, et en l’absence de preuves concordantes et irréfutables, c’est la prison qui vous attend. Ou la chaise électrique, si affinités.

Côté points négatifs, je citerai certains passages vraiment difficiles à passer, voire salauds (ouvrir un coffre à combinaison avec le flingue et non une combinaison, sachant qu’on en avait déjà trouvé 2 auparavant, on peut penser qu’il faut en trouver une autre et perdre son temps à fouiller toute la ville), des indications de jeu trompeuses (il y a 2 chauffeurs de taxi, un détendu, un nerveux. J’ai passé tout le jeu à me dire que le nerveux aurait un rôle à un moment ou un à un autre, mais pas du tout. 1 seul taxi c’était pareil), et sur la fin notamment une absence de directives complètes, alors que la marche à suivre n’est vraiment pas évidente à trouver.

Mais en dehors de cela la difficulté est abordable.

Sinon on regrettera peut-être l’absence de véritables dialogues. Pour une fois qu’on croise des humains et non des trolls ou des spectres, c’était l’occasion de discuter un peu. Les personnages s’adressent certes à Ace, mais on ne peut leur répondre, et de fait la fonction « Speak » ne sert qu’à attirer l’attention du chauffeur de taxi.

Ah, il me faut mentionner que sur ordi il y a une limite de temps (Ace se sent de plus en plus mal à cause des drogues administrées et finit par avoir des séquelles irréversibles) ; sur NES on a certes des messages d’avertissement épisodiques, mais à ma connaissance le jeu ne prend jamais fin parce qu’on traîne trop.

RÉSUMÉ

**Deja Vu : A Nightmare Comes True ** est un jeu qui ne mérite pas l’anonymat dans lequel la postérité l’a laissé. Il est ainsi beaucoup moins connu que Shadowgate, qui est lui sorti en Europe et a connu une version N64. Peut-être parce qu’il est moins grand public.

C’est mon jeu MacVenture préféré parmi les 4 (y compris son successeur), par son côté immersif et sa belle et sombre ambiance. Bien sûr l’ensemble est un peu limité, c’est entendu, mais il vaut le coup d’œil.

Un tout petit mot sur Deja Vu 2, sa suite. Il faudra y jouer sur un émulateur ordi puisqu’il n’est pas sorti sur la NES. Il reprend l’environnement et certains personnages du 1er opus. Sauf que cette fois l’essentiel de l’action se déroule à Vegas. Ace se voit contraint par un chef mafieux à retrouver un paquet de blé disparu dans la nature sous peine de se prendre une balle dans la tête. L’adrénaline est encore présente ! La nouveauté c’est que notre héros pourra se balader dans tout le pays cette fois. L’intrigue est plus poussée, de même que les possibilités de jeu : Ace pourra jouer au black jack, inspecter une morgue, se planquer dans un charriot de linge sale, retourner sur les lieux visités dans Deja Vu… à faire absolument pour qui a aimé le 1er.

VERDICT

8,5 soit 9 sur 10.

(Shadowgate 7,5 arrondi à 8, Uninvited 7, Deja Vu 2 8)

Deja Vu : A Nightmare Comes True