Un fait étonnant avec la série des Fatal Fury est que personne n’aurait pu prédire qu’elle connaîtrait une telle destinée. Le premier épisode avait été pensé comme le rival direct du Street Fighter II en arcade. Mais avec ses trois malheureux personnages jouables, le produit SNK ne tenait pas la route une seule seconde face au hit légendaire de Capcom. Généralement, un tel échec signe l’arrêt de mort immédiat d’une série. Pourtant il y avait, dans Fatal Fury, une atmosphère, un style, des combattants charismatiques,… qui épargnèrent à ce dernier la mise au rebut. Un an après ce demi-échec sortait Fatal Fury II, le second jeu SNK à dépasser les 100 Mega-bits. Et ce fut un franc-succès, qui tenait la dragée haute à Street Fighter II sans difficultés, et inaugura pour la Neo Geo «l’ère des jeux de combat», genre pour lequel cette console allait rapidement devenir la référence ultime et indépassable.
Principal vecteur de cette réussite, un nombre de personnages jouables revu à la hausse. Outre Joe Higashi et les frères Bogard, on rencontre à présent Big Bear (un catcheur australien, surnommé Raiden dans le volet précédent) ; Jubei Yamada (un petit vieux expert en judo) ; Kim Kap Whan (champion de tae-kwon-do d’origine coréenne), Cheng Chin Zhan (un mafieux grassouillet aux techniques, comment dire, «explosives») et Mae Shiranuï, (l’inévitable donzelle avec des éventails et de très gros poumons). À ces personnages jouables, il faut encore ajouter quatre boss non-jouables : Billy Kane, Axel Hawk, Lawrence Blood et le seigneur du moment, Wolfgang Krauser, un colosse allemand issu d’une longue lignée de brutes sanguinaires qui ne vit que pour combattre et vaincre. Les autres caractéristiques de la série ont cependant été conservées. Ainsi, les combats se déroulent toujours sur deux plans de déplacement différents. Alors que dans le jeu précédent, changer de plan ne servait qu’à se mettre provisoirement à l’abri, Fatal Fury II adjoint la possibilité d’effectuer une attaque simultanément, histoire de blesser l’adversaire dès l’arrivée sur le second plan. Cette particularité génère à l’occasion quelques séquences assez cocasses, lorsque les deux adversaires persistent à effectuer le changement de plan/attaque simultanément à plusieurs reprises : on aboutit alors à ce qui ressemble beaucoup à un duel entre grenouilles névrosées. Dernier apport à mettre au crédit de Fatal Fury II, l’arrivée d’une «Desperation attack» qui permet, si elle est correctement effectuée, d’inverser le cours du combat lorsque le compteur d’énergie d’un des combattants flirte dangereusement avec le zéro.
Réalisation technique :
Comme pour toute suite qui se respecte, la réalisation technique a subi une hausse qualitative vertigineuse. Le premier jeu était très bon de ce point de vue, mais pas exceptionnel. Fatal Fury II, au contraire, établit pour longtemps ce qui serait le standard de qualité des jeux de combat sur Neo Geo : des sprites de très grande taille, des décors à la richesse incroyable et truffés de petits détails animés, des scrollings différentiels à ne plus savoir où donner de la tête (notamment dans le stage «ruines aquatiques» de Mai Shiranui) et quelques légers traits d’humour ici et là (les personnages tirent parfois une drôle de tête lorsqu’ils se prennent une baffe… !). Les mouvements sont d’une souplesse et d’un réalisme inégalés jusqu’alors sur la console, et les attaques spéciales, d’un esthétisme certain. En ce qui concerne la maîtrise des combattants, c’est du tout bon là aussi. Fatal Fury II est relativement difficile en solo mais on ne tarde pas à maîtriser à la perfection ses guerriers de prédilection. Peut-être reste-t-il toujours légèrement en deçà de Street Fighter II au niveau de la jouabilité (ce dernier restant inégalable), mais rien qui puisse provoquer un quelconque sentiment de déception. Enfin, la bande sonore est particulièrement enthousiasmante, avec des bruitages et cris de haute qualité, et des mélodies qui restent longtemps gravés dans l’esprit (la symphonie classique, librement inspirée du Requiem de Mozart, pour le stage de Krauser, reste un de mes grands souvenirs vidéoludiques du début des années 90… !)
En bref : 16/20
Fatal Fury II est donc un très grand jeu de combat, peut-être inférieur de quelques nano-points à Street Fighter II au niveau plaisir (à mon sens du moins…) mais qui, vu sa supériorité technique incontestable, n’en restait pas moins le meilleur jeu de combat disponible en 1993. Pourquoi ce petit «16/20» dans ce cas ? La raison tient en trois mots : Fatal Fury Special. À peine six mois après la sortie de Fatal Fury II, SNK sortait Fatal Fury Special, autrement dit une nouvelle version de Fatal Fury II (même personnages, mêmes décors, mêmes attaques spéciales) agrémentée des quatre boss jouables et de trois personnages tirés du premier jeu. Du coup, Fatal Fury II passait à la trappe au profit de cette nouvelle version, totalement identique mais nettement plus complète. Reste que dans l’absolu, il s’agit d’un excellent jeu de combat, supérieur à World Heroes II et Art of Fighting II.