Le personnage de Carmen Sandiego fut imaginé en 1983 par un groupe de programmeurs de chez Broderbund Software, sur la base d’une idée originale des fondateurs de la société. Ces derniers se souvenaient avoir joué aux quizz culturels des almanachs de leur enfance et souhaitaient tout simplement reproduire le schéma avec les nouvelles technologies de l’époque. En ce qui concerne cette chère Miss Sandiego, c’est une cambrioleuse de haut vol spécialisée dans le vol et le recel d’objets précieux aux quatres coins du globe. L’idée de base des concepteurs était d’apprendre la géographie aux enfants de manière ludique, en leur faisant mener une enquête visant à capturer Carmen Sandiego. Suite à la version originale (Where in the world is Carmen Sandiego), le principe fut décliné en diverses sous-variantes géographiques (Where in Europe, Where in the USA, …), en une version historique (le jeu ici présenté), et donna même le jour à des versions basées sur l’astronomie, le vocabulaire anglais et les mathématiques ! Tous ces softs reçurent de nombreuses récompenses en raison de leur utilité pédagogique.
Les missions proposées par le jeu se déroulent de manière immuable : l’agence de la sécurité temporelle vous envoie traquer un malfrat à une époque donnée, par exemples Versailles en 1689. Sur place, une « jolie » image vous montre le château et un petit texte vous présente quelques informations sur l’histoire du lieu, les personnages marquants de l’époque ou l’une ou l’autre anecdote intéressante. Ensuite, vous pouvez interroger les indigènes du coin et des informateurs temporels en filature. Ces derniers vous racontent ce qu’ils savent sur votre cible. L’indigène vous explique par exemple qu’un tableau a été volé à Versailles, et l’informateur, que votre malfrat compte le remettre à son contact lors de l’anniversaire du dernier shogun Tokugawa. Le malfrat ayant déjà filé, vous devez choisir entre quatre lieux et quatre époques. Admettons que ces quatre choix soient l’Angleterre de 1649, les Pays-Bas du XIIIe siècle, le Japon du XVIe siècle et le Japon de la seconde moitié du XIXe siècle. Une rapide plongée dans votre mémoire ou dans un bon bouquin d’histoire vous apprendra que le dernier Shogun Tokugawa a été déposé en 1868, lorsque le régime impérial fut rétabli dans ses droits. Direction la quatrième destination, où le même cheminement recommence, avec d’autres indices et d’autres destinations possibles.
Plus l’agent suivra la piste sans se tromper, plus il a de chances de coincer le malfrat temporel. Il faudra également penser à récupérer l’objet dérobé et à se doter d’un mandat d’arrêt pour ramener l’importun dans sa cellule du XXe siècle. Il est également possible à tous moments de consulter une base de données reprenant les objets trouvés et les indices en votre possession. Si on ne souhaite pas jouer avec l’encyclopédie Universalis sur les genoux ou bien si on a souvent roupillé au cours d’histoire, il est d’ordinaire possible de trouver la bonne réponse en interrogeant tous les contacts d’une époque et en recoupant les informations disponibles. La plupart du temps, les questions ne sont heureusement pas particulièrement compliquées et, avec un minimum de culture générale, on s’en tire haut la main. Il ne faut cependant pas oublier que le temps est limité pour chaque mission et si on se trompe trop souvent d’époque, ou si on perd trop de temps à interroger tout le monde, le malfrat finira pas se mettre à l’abri définitivement.
Réalisation technique :
Where in time is Carmen Sandiego est un jeu plutôt austère techniquement. L’essentiel de l’écran de jeu se présente comme un ensemble de menus (data, indices, destinations, …) très intuitifs dans lesquels on se retrouve facilement. Assez normal lorsqu’on garde à l’esprit que Carmen Sandiego était à la base destiné aux enfants. La bande sonore est pratiquement inexistante (et honnêtement, c’est ce qu’elle a de mieux à faire vu la laideur de ce qu’on entend très occasionnellement). Quant aux graphismes, là, il y a un petit regret à avoir : les images présentées sont moches, avec des représentations assez grossières des lieux visités et une palette de couleurs évidemment faiblarde. Mais bon, sur Megadrive, il ne fallait pas non plus s’attendre à des merveilles, et il vaut mieux se dire que la version originale, sur micro au début des années 80, n’était certainement pas plus agréable à regarder. La cartouche de Carmen Sandiego proposait plusieurs langues, dont le français. Un très bon point à l’époque où la traduction des jeux en français n’était guère courante sur console.
En bref : 12/20
D’un point de vue culturel et pédagogique, Carmen Sandiego est indéniablement une excellente idée. Mener une enquête à travers le monde et l’histoire et choisir sa destination suivant les indices récoltés est réellement un moyen judicieux de faire fonctionner le cerveau des jeunes joueurs autrement que suivant le mode flèche gauche / flèche droite, bouton A + bouton B. Dans le genre aventure / éducatif sur console à cette époque, seul Mario Is Missing sur Super NES jouait dans la même cour. Le principe des questions de Carmen Sandiego me paraît d’ailleurs supérieur à celui de Mario Is Missing. Dans ce dernier, les questions étaient parfois trop spécialisées et, à moins d’avoir épluché tous les guides touristiques des villes concernées, le gameplay se résumait à rencontrer les habitants et à prendre des notes. Dans Carmen Sandiego, le juste milieu est atteint, avec des questions ni trop évidentes ni trop absconses. D’un autre côté, le jeu éducatif du plombier italien était moins austère, avec ses séquences de promenade teintées d’un léger aspect plates-formes, que Carmen Sandiego qui affiche clairement son appartenance aux antiques années 80. Malgré ce relatif manque de charme, rien que pour l’idée d’adapter ce soft sur console et pour son principe fonctionnel et agréable, Carmen Sandiego reste une véritable curiosité, unique en son genre sur la console. Je ne vous conseillerai pas forcément de l’essayer si vous voulez réellement « jouer » sur console grâce à l’émulation… mais si vous avez un petit voisin vaguement abruti à garder pour l’après-midi et que vous souhaitez vous constituer une solide réputation de pédagogue qui sait s’y prendre avec les gobelinoïdes humains… songez-y !