Qui ne connaît pas Street Fighter II et ses multiples dérivés ? Cette série légendaire, sans doute l’une des plus marquantes des années 90 au même titre que Sonic, Resident Evil et Tomb Raider, boosta les ventes de toutes les consoles sur lesquelles elle fut adaptée. Avec Street Fighter II, pour la première fois, le joueur de salon put retrouver toutes les sensations de l’arcade sans devoir s’endetter pour 10 ans en achetant une Neo Geo. Street Fighter II, c’est tout simplement la Rolls des jeux de combat : des personnages au background en apparence peu détaillé mais qui ont donné lieu à mille et une supputations toutes plus maniaques les unes que les autres (Quel est le groupe sanguin de Guile ? Ryu couche-t-il avec Chun Li ? Où Honda achète-t-il des slips à sa taille ? ), des coups plus nombreux que tout ce qu’on avait vu jusqu’alors (trois coups de poings différents, trois coups de pieds différents et au moins deux types de projections), des attaques spéciales d’une classe folle, ainsi que des décors et des musiques qui sont rentrés dans l’histoire. Bref, en matière de jeu de combat, il y eut définitivement un avant et un après Street Fighter II.
Cette version « Champion Edition », la seconde à être sortie en arcade, ajoute principalement aux 8 personnages jouables à l’origine (Ryu, Ken, Chun Li, Zangief, Blanka, Guile, Honda et Dalshim, pour les touristes qui ne seraient pas au courant) les quatre boss du jeu : Sagat, Balrog, Vega et Bison (les trois derniers ayant des noms interchangeables suivant la version dont vous disposez). Autres nouveautés : la possibilité de faire s’affronter deux personnages identiques (seule la couleur de leur tenue les différencie) et surtout, un mode « Turbo » dont ne disposait pas la version arcade. L’histoire de la sortie de Street Fighter II sur Megadrive est par ailleurs assez édifiante, et témoigne bien de la guerre larvée qui sévissait à l’époque entre Sega et Nintendo. Conscient que les limitations techniques de la console ne pourraient que jouer en sa défaveur si le Street Fighter II de base sortait sur Megadrive, Sega commanda à Capcom la nouvelle version du jeu pour sa console 16-bits, celle permettant de jouer avec les quatre boss et de faire s’affronter deux personnages identiques. Capcom commença donc à travailler sur un portage Megadrive de « Street Fighter II ‘ : Champion Edition ». Mortifié, Nintendo signa immédiatement un contrat d’exclusivité avec Capcom afin que ce dernier réalise un portage Super Nes d’une édition encore plus récente : « Street Fighter II ‘ Turbo : Hyper Fighting ». Cette version «ultime» de Street Fighter II modifiait légèrement quelques décors mais surtout, permettait d’utiliser un mode Turbo qui augmentait la vitesse des personnages et permettait des combats d’une vivacité sans commune mesure avec la version d’origine. Convaincu que cet élément capital du gameplay rendrait la version Megadrive totalement obsolète dès sa sortie, Nintendo n’étudia pas attentivement les contrats. Mal lui en prit : l’exclusivité concernait l’apparence du logo et de l’intro du jeu, le mode Turbo en lui-même n’étant pas considéré comme une exclusivité Nintendo. Cette entourloupe permit à Capcom d’ajouter au dernier moment un mode Turbo à la version Megadrive. Le jeu qui sortit finalement n’est donc pas une adaptation d’arcade au sens littéral du terme. Il s’agit de la classique « Champion edition » MAIS avec un mode turbo en plus… !
Réalisation technique :
Compte tenu de la puissance respective de la Megadrive et de la Super Nes, tout le monde avait un peu peur que la version Megadrive de ce hit légendaire fasse pâle figure techniquement par rapport à celle de la console du concurrent. A ce titre, Capcom a réussi un véritable tour de force. Evidemment, si on y regarde de près, les couleurs sont un peu moins belles, les décors d’arrière-plan un peu moins fins… mais globalement, rien n’indique qu’il s’agit ici d’un jeu Megadrive tant Street Fighter II ‘ s’approche des standards de qualité de la version Super Nes. L’animation, magnifiée par le mode Turbo, est parfaite. Le rythme des combats est impressionnant, aucun ralentissement n’est à signaler. De ce point de vue, la version Megadrive est une copie carbone de la version arcade. Finalement, il n’y a que la bande sonore qui souffre réellement de la comparaison avec la version Nintendo : si les musiques s’en tirent plutôt bien, les voix digitalisées sont crachotantes, comme souvent sur Megadrive. Un autre sujet d’inquiétude concernait la jouabilité : la manette standard de la Megadrive ne disposait que de 3 boutons, ce qui est un peu léger pour les six coups de base dévolus à chaque personnage. Il restait évidemment la possibilité de s’acheter la manette six boutons, fabriquée spécialement pour l’occasion, mais tout le monde n’avait pas forcément les moyens et l’envie de débourser l’équivalent de 50€ supplémentaires. Dans cette version Megadrive, on passe donc des coups de poings aux coups de pieds en appuyant sur le bouton Start. Après un petit temps d’adaptation, ce système ne s’avère pas du tout perturbant et ne nuit en rien à la bonne exécution des attaques spéciales.
En bref : 19/20
Ne tergiversons pas : il n’était pas possible d’adapter Street Fighter II sur Megadrive avec davantage de brio. Capcom a réussi à surmonter les multiples barrières techniques pour offrir une version de son plus grand hit à la hauteur de sa légende. Il n’y a vraiment qu’au niveau des bruitages qu’on pourrait se montrer plus réservé car pour le reste, Street Fighter II ‘ est une perle absolue, garante d’interminables heures de jeu. A son arrivée sur Megadrive, tout le monde cria au miracle et à la revanche sur le fourbe Nintendo. C’était justifié : même si objectivement, le Street Fighter II Turbo de la Super Nes est plus réussi (manette plus adéquate et palette de couleurs oblige), la Megadrive a su brillamment tenir son rang et proposer à ses fidèles une version tout à fait magistrale du jeu de combat le plus incontournable du début des années 90.