Les RPG de style « donjon » ont souvent été relativement mal fagotés sur console. Il faut reconnaître que, quoi qu’on en dise, les RPG de ce style, de même que les jeux de gestion et autres wargames sont souvent de meilleure qualité sur micro. Dans le cas d’un RPG « donjon », la monotonie intrinsèque de la progression se doit obligatoirement d’être compensée par une profusion de possibilités, de menus dans tous les sens, des sortilèges à la en-veux-tu-en-voilà, des ennemis innombrables, des armes, des combinaisons d’armes, et tout ce qu’il est possible d’inventer pour que le joueur ait réellement l’impression d’agir comme il l’entend pour sauver le royaume. Sur les consoles, avec une simple manette au lieu d’une souris, les développeurs doivent toujours tenter d’atteindre un fragile équilibre entre des possibilités d’action suffisantes et une prise en main qui soit ergonomique et pas trop rébarbative. De ce point de vue, Shining In The Darkness est sans doute l’un des meilleurs spécimens du genre sur Megadrive. Une fois de plus, le royaume de Thornwood vit des heures sombres. L’héritière du trône a disparu en même temps que votre père Mortred, le chevalier le plus respecté de l’armée royale. Fraîchement adoubé, votre personnage - que l’on suppose être un jeune blanc-bec avide de se couvrir de gloire - propose spontanément ses services à la cour pour retrouver la disparue et effacer les soupçons qui pèsent sur son géniteur.
Le responsable de ce rapt, ce vieux brigand de Dark Sol, ne tarde pas à faire son apparition en fanfare, et à réclamer le trône en échange de la vie de la jeune femme. Shining In The Darkness, bien qu’il s’agisse du premier jeu se déroulant dans l’univers de Shining Force à être sorti sur Megadrive, se situe chronologiquement après les évènements de Shining Force II. Ce Dark Sol-ci serait donc le descendant du terrible nécromancien qui sévissait dans les deux célèbres RPG tactiques. Il semble que la lignée périclite : plutôt que d’invoquer démons et dragons, le rejeton en est réduit à pratiquer le kidnapping pour s’emparer des royaumes convoités… !
Les lieux que vous visiterez au cours de votre aventure, d’abord seul, ensuite en compagnie de vos deux amis, la magicienne Pyra et le moine Milo, seront au faible nombre de trois. Il y a tout d’abord le palais royal, dans lequel vous vous rendrez périodiquement afin d’obtenir des conseils ou d’informer la Cour de l’évolution de votre mission. Deuxième lieu de villégiature, le village, qui est le supermarché où vous irez accomplir toutes vos emplettes dès que vos poches seront suffisamment remplies d’or. On y trouve une armurerie, une boutique d’armes (tenu par Gillius Thunderhead, le nain de Golden Axe !), un alchimiste pour les potions et autres décoctions d’herbes, un temple pour ressusciter les personnages ou soigner les malédictions et les empoisonnements, ainsi qu’une taverne pour vous reposer et taper le bout de gras avec les autochtones.
Bien entendu, c’est dans le « Labyrinthe » que se déroulera majoritairement l’action : une sombre forteresse comprenant plusieurs étages de dédales infestés de créatures redoutables, de coffres à trésors, de passages secrets et de clés à trouver. La princesse y est retenue captive par Dark Sol, et il vous faudra explorer ce vaste entrelac de couloirs sombres et de cul-de-sac, franchir de nombreuses épreuves, gagner en force et en rapidité (ce qui, de manière plus prosaïque, s’appelle « faire du levelling », le cauchemar de tous les rôlistes du dimanche !), et vous procurer des armes de plus en plus puissantes pour espérer vaincre votre ennemi… !
On retrouve dans ce jeu les défauts habituels de beaucoup de RPG console : des ennemis dont seule la couleur change (néanmoins, le bestiaire est relativement bien fourni à la base), des attaques aléatoires très frustrantes, comme dans les Phantasy Star (la fuite ne marche pratiquement jamais), et des sauvegardes uniquement autorisées dans le village (sur émulation, ce dernier point n’a pas d’importance évidemment !).
Réalisation technique :
Le style graphique choisi est mignon et coloré, très proche de celui des futurs Shining Force en fait, avec les mêmes personnages au look indéfinissable (un judicieux équilibre entre un style manga et un style plus « européen »…) et les animations réduites à leur plus simple expression. Néanmoins - et c’est là l’éternel problème des jeux de donjon - la progression est visuellement très monotone : des couloirs, des couloirs et encore des couloirs avec, de temps en temps, une flaque d’eau ou un mur un peu plus ouvragé sur lesquels on s’extasie de bonheur pendant plusieurs minutes. D’ailleurs, ces rares éléments permettent de retrouver son chemin un peu mieux dans les dédales de Shining In The Darkness. Le jeu ne prévoit pas de carte gérée automatiquement, même si un sort permet d’obtenir brièvement ce résultat. Il sera donc nécessaire, comme au bon vieux temps, de tracer soi même le plan des lieux pour éviter de tourner pendant des heures à la recherche de cette fichue sortie (Mine de rien, les dédales sont plutôt étendus). On pointera par contre avec satisfaction le rendu des déplacements dans le labyrinthe : c’est évidemment de la fausse 3D mais l’effet est réaliste et donne réellement l’impression qu’on avance avec régularité (on est loin de l’infernal mouvement image-par-image d’un Might & Magic II… !). Pour ce qui est de la navigation dans les menus de jeu, le système est plutôt simple à prendre en main et les possibilités d’action sont relativement nombreuses. Ceux qui ont déjà expérimenté les Shining Force évolueront en terrain connu, les menus sont rigoureusement identiques dans les deux jeux et on évolue donc en terrain connu. En ce qui concerne la bande sonore, c’est également tout pareil à Shining Force : des bruitages discrets et des thèmes épiques réussis mais dont le faible nombre finit par être dommageable pour les tympans et les nerfs du joueur.
En bref : 14,5/20
Les RPG « donjons » sont une variété particulière de jeux de rôle, qui ne plaisent le plus souvent qu’aux troglodytes compulsifs et aux levellers patentés. Fréquent sur Pc, le genre a connu des fortunes diverses sur console, la présence de pads empêchant généralement une trop grande complexité au niveau du gameplay. Dans le présent cas, le scénario est assez plat et le jeu suit l’immuable processus « monstre-trésor-monstre-trésor ». Le levelling est également requis pour progresser mais, contrairement à un Phantasy Star IV où l’aventure était conçue pour que l’on gagne des niveaux tout en évoluant avec régularité dans le scénario, Shining In The Darkness vous obligera à crapahuter longuement dans les couloirs obscurs du labyrinthe à la recherche de la bestiole solitaire qui vous fera gagner quelques malheureux points d’XP. Dans son registre, Shining In The Darkness est pourtant le spécimen le plus intéressant disponible sur Megadrive. Son charme graphique, sa bonne réalisation générale et sa relative simplicité jouent en sa faveur. Face à des RPG davantage orientés console, comme Phantasy Star ou Shining Force, il s’avère malheureusement un peu lassant à la longue, le scénario sans surprises n’incitant pas à persévérer jusqu’au bout du jeu. Néanmoins, Shining In The Darkness m’a quand même fait passer quelques longues nuits blanches, à gribouiller frénétiquement un plan sommaire du labyrinthe sur des feuilles de brouillon. A réserver aux amateurs de longues promenades souterraines…