Shadowrun est un jeu vidéo Megadrive publié par Segaen 1994 .

  • 1994
  • Role Playing Game (RPG)

Test du jeu vidéo Shadowrun

4.5/5 — Exceptionnel ! par

« Seattle, UCAS, 31 janvier 2058. Sous couvert des ténèbres, un groupe de shadowrunners s’aventure dans les bois sauvages du Salish-Sidhe. Une force inconnue les prend en embuscade. Le massacre est rapidement terminé. Votre frère, Michael, fut le dernier à mourir. Dépensant vos derniers nuyens pour vous rendre à Seattle, vous jurez de venger la mort de votre frère… »

Voilà une intro qui plonge directement dans l’atmosphère mystérieuse de Shadowrun. Mais d’abord, de quoi est-il question ? Shadowrun est un jeu de rôle papier édité par FASA en 1989, qui proposait alors une dérive radicale par rapport aux canons du jeu de rôle type Donjons & Dragons, en mélangeant joyeusement trolls, orcs et elfes avec les samouraïs des rues, implants intra-crâniens, et cyberespace empruntés à l’oeuvre de William Gibson, le tout dans un contexte futuriste dystopique que l’on nomme communément « cyberpunk ». Ne connaissant pas bien le jeu papier je ne vais pas entrer dans les détails de l’histoire, mais voici les bases: le 21 décembre 2012, un événement mystique ramène la magie sur Terre, provoquant l’apparition de créatures fantastiques (elfes, orcs, dragons) et permettant à certains humains d’acquérir des pouvoirs surnaturels. Plus de quarante ans plus tard, les Shamans amérindiens ont reconquis la plupart des terres de leurs ancêtres grâce à la magie. Ce qu’il reste des Etats Unis a alors fusionné avec le Canada pour former les United Canadian American States, un super-Etat au gouvernement très faible, qui a légué la plupart de ses responsabilités aux méga-corporations qui, de fait, contrôlent le pays. La plupart de ces entreprises étant d’origine japonaise, le New Yen (nuyen pour les intimes) est devenu la devise courante. La concurrence féroce qu’elles se livrent entraîne l’anarchie dans les rues, livrées aux gangs, aux flics corrompus, et à une nouvelle classe de mercenaires, opérant dans l’ombre sans poser de questions: les shadowrunners. C’est dans les bottes de l’un d’eux que vous vivrez cette aventure.

La version Super NES ayant déjà fait l’objet d’un très bon test, nous nous attaquerons ici à la version Mega Drive, totalement différente. Pour commencer, vous devrez choisir votre archétype de personnage, qui influera sur ses aptitudes: le Samouraï des Rues, un pistolero bien carré, le genre à tirer d’abord et poser des questions ensuite (spécialités combat et armes à feu), le Shaman, initié au mysticisme amérindien (spécialité magie), et le Decker, qui grâce à son implant cérébral, peut se projeter dans le cyberespace pour attaquer n’importe quel système à distance (spécialité Ordinateurs). Vous pourrez à tous moments dans le jeu, en passant une nuit dans un hôtel, améliorer vos compétences à l’aide de points de Karma, l’équivalent Shadowrun des points d’expérience. A noter que le jeu faisant la part belle aux combats, il est fortement conseillé d’améliorer ses compétences combat en priorité. On ne peut que regretter alors un trop gros déséquilibre dans le gameplay, car l’importance des combats fait que le Samouraï est clairement avantagé par rapport aux autres types.

Une fois votre choix fait, vous voici largué en plein Redmond Barrens, une cité-dortoir pourrie de la banlieue de Seattle. On constate alors que contrairement à son confrère de la Super NES qui avait opté pour une vue isométrique, ce jeu préfère une vue de dessus classique, à la Zelda. Les personnages sont plus gros et plus détaillés, les couleurs moins vives (limites de la Mega Drive obligent) mais l’architecture des rues, bien quadrillées et entourant quelques petits bâtiments, se présente comme un défaut. Le peu de bâtiments représentés étant presque tous utiles au joueur, c’est bien sûr plus facile de se repérer dans la ville, mais on perd ces grandes façades qui dominaient le joueur et fermaient les rues dans la version Super NES, donnant cette impression angoissante de jungle urbaine. Pareil pour les rues, désespérément vides comparées aux avenues bondées de voitures et de piétons sur Super NES. En fait, on sent derrière ces environnements dépouillés le parti pris d’émuler fidèlement l’expérience d’un jeu papier, car la majorité des événements du jeu se dérouleront par l’intermédiaire d’un texte vous exposant la situation et vous demandant votre choix, tel un maître de jeu. Je ne suis pas fan de ce type de gameplay où le hasard a une trop grande place, mais les rôlistes y trouveront sûrement leur compte. Les combats, eux, se déroulent en temps réel.

Votre principal objectif sera de découvrir la raison de la mort de votre frère, mais pour ça vous aurez besoin de contacts, et surtout d’argent. Les trois grandes entreprises qui se partagent Seattle (Renraku, Fuchi et Mitsuhama, auxquelles on peut ajouter Lone Star Security, qui est une police privée, Ares qui est le principal fournisseur d’armes, et Aztechnology qui fait dans la vente d’objets magiques) auront sûrement besoin de vos talents, à vous de vous faire connaître. C’est dans les bars que tout se jouera: vous y trouverez des informateurs, des collègues shadowrunners que vous pourrez recruter moyennant finance, ainsi que des employeurs qui vous proposeront des « runs », des quêtes rémunérées. Celles-ci sont plutôt variées, transport de colis, garde du corps, infiltration d’entreprise, ainsi que les « Matrix runs » qui vous demanderont de pirater des réseaux (nous y viendrons plus tard). A vous de dépenser votre argent durement gagné pour acheter des infos, des armes, des magies (si vous êtes un Shaman). Vous pouvez également acheter du matériel informatique et des logiciels pour naviguer dans le cyberespace, ou alors visiter les cliniques qui vous charcuteront pour votre argent. Envie de vous faire greffer des muscles synthétiques, des yeux artificiels, ou même des griffes à la Wolverine ? Mettez-vous à l’aise, ça ne prendra qu’une minute ! Cependant, la quête principale est tellement difficile qu’il vous faudra énormément d’argent et d’expérience pour espérer être au niveau, vous passerez donc la grande majorité du jeu à effectuer des runs et à économiser, ce qui devient un poil lassant à la longue. Pour ça l’immersion est réussie: dans la peau de votre mercenaire, vous vous sentirez exactement comme au taf ! Heureusement qu’une fois le bon niveau atteint, vous vous retrouverez pris dans l’enquête et aurez du mal à décrocher. L’histoire est prenante et l’univers du jeu passionnant, mais une très grande patience sera nécessaire pour en venir à bout sans tricher.

Passons maintenant à la plus grande réussite de ce jeu, un véritable bijou: le cyberespace ! Pour peu que vous soyez équipé d’un « jack », un implant intra-crânien disponible dans les cliniques (le Decker en a un par défaut) et d’un « deck » (une console servant de relais entre votre implant et le réseau), vous pourrez utiliser n’importe quel ordinateur public pour projeter votre esprit dans la Matrice, une représentation virtuelle d’internet. C’est alors un tout autre jeu qui se met en route: comme vous pouvez le voir sur l’image, la perspective devient une fausse 3D avec vue de derrière, cette espèce de surfeur d’argent représentant votre personnage. Vous évoluez dans un labyrinthe de répertoires et de sous-répertoires représentés par des polygones en 3D. Si vous êtes dans une « Matrix run », vous serez automatiquement connecté au réseau cible et devrez télécharger les renseignements demandés, ou bidouiller un répertoire. Si vous vous connectez depuis l’intérieur d’une corporation, vous pourrez prendre le contrôle du réseau de sécurité et désactiver les caméras et les verrous électroniques. Vous pouvez également entrer librement dans le cyberespace, auquel cas vous serez connecté à un système au hasard que vous pourrez explorer à la recherche d’informations à revendre au marché noir. Mais attention, le piratage n’est pas une activité sans risques ! La plupart des systèmes sont protégés par des protocoles de sécurité que vous devrez contourner ou combattre à l’aide de toute une panoplie de logiciels, la pire de ces sécurités étant la Black Ice qui peut vous griller le cerveau ! Ainsi, pour rester compétitif parmi les pirates vous devrez sans cesse acheter les dernières mises à jour de vos logiciels ou rajouter de la RAM ou de l’espace de stockage à votre deck. Très vite cependant, celui-ci deviendra obsolète et vous devrez casser votre tirelire pour en acheter un plus performant, le meilleur du jeu ne coûtant que la modique somme d’un quart de millions de nuyens (quand je vous disais qu’il fallait bosser dans ce jeu !). Le piratage est donc très technique et devra s’apprendre comme un métier, il est d’ailleurs conseillé de lire le manuel du jeu en détails pour savoir à peu près où on met les pieds. Pour preuve de la richesse du cyberespace dans ce jeu, on retrouve à peu près le même principe dans Deus Ex Human Revolution… en moins complet !

Pour conclure, j’ai lu que beaucoup de personnes trouvent cette version de Shadowrun supérieure à celle de la Super NES. Je dirais que ce sont deux jeux différents avec leurs forces et leurs faiblesses. Le Shadowrun de la Mega Drive compense la pauvreté de ses environnements par la richesse et la profondeur de son gameplay, là où son homonyme de Nintendo est un peu brouillon. Si vous cherchez un très bon Action-RPG mature à l’ambiance urbaine et futuriste, la version Super NES vous comblera. Si vous cherchez une adaptation fidèle du jeu de rôle papier, au gameplay riche et complexe, préférez la version Mega Drive. Enfin, si vous êtes un gros fan de cyberpunk, jouez aux deux et vous serez aux anges en attendant qu’une bonne âme traduise enfin la version Sega-CD (en japonais uniquement à l’heure où j’écris ces lignes) et nous permette de compléter la trilogie.

Shadowrun