Phantasy Star… Phantasy Star II… Phantasy Star III… Cette incontournable série de RPG créée par Sega fait partie de ces épopées qui évoquent des souvenirs inoubliables à bien des joueurs. De l’antique épisode Master System jusqu’aux MMORPG des consoles de dernière génération, Phantasy Star a gagné une réputation de jeu culte, à défaut d’avoir obtenu le même succès commercial que d’autres jeux de rôle 16-bits plus aguichants visuellement. Comprenons-nous bien : je reste un aficionado absolu de l’univers de Donjons & Dragons et plus précisément, des Royaumes Oubliés, et j’ai un mal fou à m’imprégner complètement de l’esprit d’un autre univers que le médieval-fantastique, à fortiori lorsqu’on n’y parle ni du Cormyr, ni de l’Ombre-Terre, ni de la Côté des Epées et d’Elminster ! Phantasy Star est pourtant l’exception qui confirme la règle. Ce curieux mélange de fantasy et de science-fiction m’a instantanément séduit, de même que le background complexe et cohérent qui fait d’Algo un univers dont la richesse n’a rien à envier aux références du genre. La sortie du quatrième épisode fut donc très logiquement un jeu que j’ai attendu fébrilement, craignant que Sega ne dénature les principes fondateurs du jeu dans une course à la simplicité. Le résultat fut complètement à la hauteur de mes immenses attentes.
Ce quatrième épisode se situe dans la continuité temporelle des épisodes 1 et 2 (Phantasy Star III était un épisode à part qui se déroulait en parallèle de la trilogie, dans une biosphère spatiale partie de Parma au moment du grand cataclysme), soit près de deux millénaires après la lutte d’Alys Landale contre le tyran Laschiec. La civilisation technologique et sécurisée qui prévalait à l’époque de Phantasy Star II a été anéantie en même temps que la planète Parma lorsqu’une équipe d’aventuriers détruisit Mother Brain, le super-ordinateur qui régulait le système tout entier et qui avait fini par bugger salement et tenter d’éradiquer l’humanité. Conséquence d’un tel désastre, la galaxie régressa rapidement à un stade d’évolution primitif. Les cataclysmes naturels redevinrent le quotidien des habitants de la galaxie, tandis que la démographie des monstres sauvages atteignait des sommets inquiétants. Un millénaire plus tard, la race humaine s’est adaptée à ses nouvelles conditions d’existence. Après des siècles d’obscurité, l’humanité est parvenue à retrouver un semblant de prospérité et s’intéresse de nouveau au monde qui l’entoure, mettant à jour avec stupeur les vestiges de l’ancienne civilisation d’Algo. C’est dans ce contexte post-apocalyptique que s’inscrit la trame de cette fantastique nouvelle aventure.
Le personnage principal de Phantasy Star IV se prénomme Chaz, dernière recrue en date de la guilde des chasseurs de primes de Motavia (la planète désertique des deux premiers jeux). On se rend vite compte que le jeune homme est d’un naturel naïf et généreux : un parfait guerrier sans peur et sans reproches, qui occupe idéalement le rôle du héros auquel tout un chacun peut aisément s’identifier. L’immaturité du jeune homme se voit heureusement contrebalancée par le tempérament flamboyant de son mentor et amie, Alys Brangwin, mercenaire des plus réputées sur la planète Motavia. Au fur et à mesure de l’aventure, d’autres personnages se joindront à la quête des deux mercenaires, comme Gryz, un guerrier motavien assoiffé de vengeance ; Hahn, un jeune scientifique pourvu de bonnes connaissances du biotope du système Algo, l’arrogant et mystérieux mage Rune, Rika une créature artificielle qui ressemble à la fameuse Nei du second épisode ou encore, le cyborg Wren. Je n’en dirai pas plus, histoire de ne pas gâcher le plaisir que constitueront les rencontres avec tous ces alliés potentiels. A ce sujet, on peut signaler que Phantasy Star IV propose un scénario et des interactions entre personnages des plus intéressantes, et une profondeur sans commune mesure avec celle des épisodes précédents. Les coéquipiers qui vous accompagneront ne seront pas uniquement des bras armés supplémentaires, mais bien des personnalités à part entière avec leurs histoires personnelles, leurs caractères et leurs objectifs propres. On n’interagit évidemment pas avec eux comme cela serait possible dans un RPG micro, mais la richesse du background et des dialogues est étonnante pour un RPG sur console 16-bits, et instaure une réelle « complicité » entre le joueur et l’équipe dont il a la charge.
Toujours est-il qu’Alys et Chaz sont appelés à l’université de Motavia, afin d’y résoudre un problème de monstres qui infestent les soubassements de la vénérable institution. De fil en aiguille, leur enquête les mènera à travers les immenses territoires sauvages de Motavia, à la poursuite d’un puissant mage nommé Zio, dont le seul objectif semble être d’instaurer le règne du chaos et du néant sur la planète Motavia. On découvrira bien vite que Zio n’est qu’un rouage secondaire dans une terrible conspiration qui menace Motavia et l’entièreté du système Algo. Là aussi, il vaut mieux ne pas en révéler trop. Le scénario, bien que classique, est très bien ficelé, et les rebondissements foisonnent. D’ailleurs, certains passages importants du scénario se présenteront sous la forme d’images du plus bel effet qui se superposent, comme dans un comic ou un manga.
Les habitués de la série retrouveront avec bonheur tous les éléments caractéristiques de l’univers de Phantasy Star : le mélange de concepts fantasy (magie, armes blanches, principes chevaleresques) et science-fiction (ordinateurs, voyages dans l’espace, armes laser), l’utilisation de véhicules futuristes (ou plutôt rescapés du grand cataclysme) comme un Land-Rover, un chasse-neige ou une navette spatiale pour se rendre sur les différentes planètes du système Algo, et les visites dans les villes et les villages, où la compagnie pourra dormir dans les auberges, discuter avec les habitants, acheter et revendre les armes, les pièces d’armure et les fournitures en tout genre. En ce qui concerne la maîtrise des différents paramètres de jeu, et de manière à ne pas égarer le joueur, on retrouve les concepts de base de la série : les mesetas sont toujours la devise en cours dans la galaxie, les monomates sont les repas qui permettent de récupérer de l’énergie, les escapipes permettent de téléporter l’équipe hors de danger quand elle se trouve dans un donjon et les pièces d’équipements possèdent toujours les mêmes qualificatifs qui permettent de connaître leur niveau d’efficacité (par exemple, les armures de cuir, les armures de chasse, les armures de carbone, les armures de titane, les armures « céramiques », les armures laser, les armures « psy », etc…cette hiérarchie est valable pour toutes les pièces d’équipement, des couteaux aux boucliers en passant par les griffes et les couronnes).
Réalisation technique :
Du joli travail que la réalisation de ce Phantasy Star IV. Les graphismes sont très colorés, de même que les régions et cités visitées, avec de jolis intérieurs, des climats variés (du désert à la toundra) et des créatures nettement plus travaillées que dans les épisodes précédents. Le tout reste cependant assez enfantin et les personnages ont une légère allure de playmobils, mais pour une série dont la qualité visuelle n’a jamais été le point fort (excepté l’épisode 1 sur Master System), ce quatrième opus s’en tire avec les honneurs haut la main.
En tout cas, l’optique graphique austère du troisième épisode a été écartée et on retrouve avec plaisir la touche plus manga de Phantasy Star II (avec une qualité accrue : Phantasy Star II était tout de même assez moche). L’aspect visuel des combats a également été amélioré : on voit réellement les personnages porter leurs attaques (souvent pas mal représentées du tout d’ailleurs) et les décors de fond varient en fonction du lieu du combat. Oubliez donc le ring géométrique tout droit venu de Blockout qui avait cours dans Phantasy Star II : cette fois, on liquidera du mutant et de la machine avec un joli fond montagneux, tropical ou polaire en arrière plan. La bande sonore est également typique de la série. Les bruitages sont corrects et les musiques, si elles ne sont pas trop lassantes, n’ont rien de vraiment inoubliable. Encore que… certaines d’entre elles (l’intro et celle d’un deuil imprévu parmi l’équipe mais… chut !) pourraient bien vous coller une petite larme à l’œil… !
Ergonomique, Phantasy Star l’a toujours été et cette épisode est plus confortable à l’usage que jamais. Cependant, l’un des principaux reproches que l’on pouvait faire à la série des Phantasy Star concernait son système de combat et de progression. Les combats se déclenchaient aléatoirement, que l’on évolue dans la campagne ou dans un donjon. Parfois, il arrivait qu’on sorte à peine d’une escarmouche difficile et hop, trois pas plus loin, un nouveau combat survenait. Cette fréquence excessive des affrontements s’expliquait par la nécessité de pratiquer le levelling en permanence. Il était conseillé, entre chaque donjon d’importance, de passer au moins une heure à latter du monstre en rase-campagne pour gagner quelques niveaux d’XP supplémentaire. Heureusement, le rythme de progression de Phantasy Star IV a été efficacement revu. Le niveau de difficulté du jeu est bien moindre que celui de ses prédécesseurs, les affrontements moins fréquents, et on gagne des niveaux avec régularité, en progressant naturellement dans l’aventure. Le levelling est toujours possible si on veut mettre toutes les chances de son côté, mais il n’est plus un passage obligatoire comme dans les jeux précédents. Les personnages ont aussi tendance à se déplacer plus rapidement, ce qui évite de mettre trois plombes pour se rendre d’un bout à l’autre d’une carte. Les combats se déroulent de manière classique, avec votre équipe en vue arrière et les créatures visualisées de face. Les sorts et techniques spéciales sont plus nombreux que jamais, et il faudra mener un grand nombre de batailles pour apprendre les sorts les plus efficaces à utiliser face aux différents adversaires. Par exemple, les attaques à base de feu sont généralement plus efficaces contre les créatures de la planète Dezolis, au contraire des attaques à base de froid. Raja, le vieux prêtre Dezolien, dispose d’une capacité dévastatrice appelée « Sainte-parole » qui ne fonctionne que contre les adversaires voués au mal. Autant dire que les bêtes sauvages et les machines n’ont pas grand chose à en craindre. Les cyborgs disposent de capacités spéciales qui leur permettent de provoquer un court-circuit dans les systèmes des machines ennemies, et ainsi de suite. Si les techniques magiques communes à tous les personnages ne sont pas très nombreuses (une grosse dizaine en tout), elles disposent néanmoins de plusieurs niveaux de puissance chacune (par exemple, pour le feu, il s’agit de Foi, Gifoi et Nafoi) et certaines d’entre elles permettent de toucher tous les adversaires à la fois. En revanche, chaque personnage dispose de caractéristiques martiales qui lui sont propres, au nombre de 5 ou 6. Ces capacités peuvent être offensives (Air slash ou Rayblade pour Chaz, Flaeli pour Rune et Ryka, Crush pour Gryz) ou de soutien (Ataraxia pour Raja remet un peu de puissance magique à tout le monde ; Earth pour Chaz annule le tour d’un ennemi, War Cry dope la puissance de Gryz, etc…). Phantasy Star IV ajoute à ces éléments le principe des « combos ». Il arrive que la technique utilisée par un personnage s’harmonise particulièrement bien avec celle utilisée par un autre personnage, et donne lieu à une double attaque à la puissance extraordinaire. Ainsi, le double-cross de Chaz couplé avec la technique Efess de Rune crée la « Grand Cross », un double coup d’épée qui peut causer jusqu’à 700 points de dommage aux adversaires ! Découvrir quelles techniques fonctionnent ensemble permet de gérer beaucoup plus facilement les affrontements contre les boss.
En bref : 19/20
Que dire sur cette merveille ? Phantasy Star IV n’est peut-être pas le plus beau RPG des 16-bits, ni même peut être le plus riche en possibilités. Des jeux comme Tales of Phantasia, Chrono Trigger ou même les derniers Final Fantasy sur Super NES se sont imposés comme des références incontournables du genre. Néanmoins, l’univers très particulier de Phantasy Star et son système de jeu unique restent inimitables. L’aventure est passionnante, l’intérêt ne faiblit jamais grâce au scénario intelligemment construit, et la progression est beaucoup mieux agencée que dans les volets précédents, évitant tout levelling excessif. Un autre très grand point fort de Phantasy Star IV tient à ses références constantes aux anciens épisodes. Pour ceux qui pratiquent la série depuis ses débuts, on atteint tout simplement le nirvana ! Croyez-moi ou pas, Phantasy Star IV a beau n’être qu’un RPG pour console 16-bits, on frémit lorsqu’on visite une vieille cité qu’Alys Landsale, héroïne du premier jeu, avait visité si longtemps auparavant. On se demande quels mystérieux liens unissent Rune à Lutz, le puissant mage du premier opus. Et on étouffe un cri de surprise lorsqu’au fin fond d’une caverne de Dezolis, on tombe sur ce bon vieux Myau, colossal chaton âgé de deux millénaires, confortablement installé au milieu de sa nombreuse progéniture ! Evidemment, c’est un converti qui vous parle, un joueur qui n’a jamais trouvé plus passionnant sur console que cette série légendaire pour assouvir sa soif d’équipement amélioré et de techniques. Pour un habitué de la série, Phantasy Star IV est l’épisode ultime, celui qui boucle la série et met enfin en lumière tous les éléments restés obscurs au fil des épisodes précédents. Dans le cas contraire, si vous appréciez les RPG et n’avez jamais essayé cet épisode, vous passez réellement à côté de quelque chose ! Allez, je vais me refaire une petite partie. Douze ans déjà, et je ne m’en suis toujours pas lassé…