Au bout de quelques minutes à faire évoluer ce garnement de Kid Chameleon dans la forêt truffée de galeries qui constitue les premiers niveaux du jeu, l’analogie avec Super Mario se fait d’elle même. Le petit personnage sautillant, les coups de tête dans les myriades de blocs qui parsèment l’univers virtuel, les bonus qui vous permettent d’enfiler des déguisements et de disposer de nouvelles capacités, et surtout, les niveaux comme s’il en pleuvait (près d’une centaine), reliés entre eux par des raccourcis et autres warp zones. Pas de doute : après avoir défini les bases du jeu de plates-formes des années 90 avec Sonic, Sega souhaitait écraser Nintendo sur son propre terrain. Autant vous le dire tout de suite : il signor Mario peut tranquillement dormir sur ses deux oreilles. Le petit challenger hargneux qui venait de débouler en droite ligne de chez ceux d’en face n’a jamais risqué de faire vaciller sa légende.
Dans cette optique conquérante, Sega, à travers Kid Chameleon, a souhaité offrir un plus large éventail de possibilités que les quatre ou cinq costumes que Mario pouvait enfiler dans la plupart de ses aventures. Kid peut donc enfiler une tenue de chevalier, qui lui permet de grimper au murs et lui donne une plus grande résistance, devenir un samouraï armé d’un katana, un clone de Jason Vorheese (NdSigfrodi : le « héros » des Vendredi 13 pour les ignares :p) lanceur de hachettes, un lézard cornu capable de détruire les murs à coup de tête, un skateur volant, une mouche adhésive ou même un char d’assaut coiffé d’un casque à pointes. Ces différents costumes, que l’on trouvera en heurtant de la tête certains des blocs à items qui parsèment l’univers, seront à utiliser de la manière la plus adaptée possible, en fonction des différents obstacles qui se présenteront sur la route. Inutile d’espérer franchir un précipice avec le chevalier ou combattre un adversaire particulièrement coriace avec le déguisement de mouche. La progression n’étant pas linéaire, plusieurs itinéraires seront possibles pour arriver au terme des différents niveaux, certains d’entre eux conduisant à des niveaux secrets.
Fidèle à son habitude, Sega souhaitait se démarquer de l’esprit Nintendo, considéré comme trop enfantin pour toucher le public adolescent que l’entreprise japonaise avait en ligne de mire. On ne sera donc pas surpris de trouver, en lieu et place du plombier mycophage, un blouson noir miniature, Raybans vissées sur les yeux et hardccore gamer à ses heures. La trame est simple : notre petite frappe, légende incontestée de la ville en matière de soumission de bornes d’arcade, s’attaque à un nouveau jeu à la difficulté redoutable, bien décidé à ne pas laisser cette nouvelle borne ternir sa réputation. Malheureusement, la borne d’arcade est magique, voire même maléfique, et le Kid se retrouve plongé au coeur de l’univers virtuel du jeu, forcé de lutter non pour la gloriole mais pour sa survie.
Cette optique artistique se paye malheureusement au prix fort au niveau de ce qui est difficilement prévisible lors de la mise en chantier d’un nouveau logiciel : l’atmosphère.
Ennemis mécaniques ou reptiliens pas très sexy, décors vagues et austères, on ne peut pas dire que les premiers pas dans l’univers de Kid Chameleon procurent une sensation d’émerveillement. Plus tard, on traversera également des usines, des cités glaciales, des ruines antiques ou des grottes volcaniques, sans qu’il ressorte quoi que ce soit de particulier de ces niveaux. Finalement, si ce n’était la difficulté du jeu qui procure un challenge intéressant, même aux joueurs confirmés, on ne peut pas dire que l’on déborde d’excitation à l’idée de découvrir de nouveaux paysages et de nouveaux adversaires.
Graphismes : Comme pour Mario, la réalisation est sobre, réussie mais sans effets spéciaux extraordinaires. Il n’empêche : l’univers assez austère de Kid Chameleon reste moins séduisant.
Animation : Fluide et sans défauts, même si la vitesse n’est pas vraiment ce qui caractérise le jeu.
Jouabilité : Rien à signaler, on prend le jeu en main très facilement, et le Kid ne vous trahira pas dans les moments délicats.
Son : Thèmes musicaux assez anecdotiques. Bruitages classiques.
Intérêt 13/20 : Kid Chameleon devait être la réponse du berger à la bergère, et concurrencer Mario sur son propre terrain. Sur le papier, le jeu a tout pour plaire, avec sa réalisation sans reproches et sa difficulté élevée quoique bien dosée. La durée de vie est conséquente, renforcée par la présence de nombreux niveaux secrets. Il faudra de longues heures de jeu pour explorer ce monde dans son ensemble. Mais malheureusement, le personnage n’est guère charismatique, la progression souffre d’un léger manque de rythme et le tout manque franchement de fantaisie. De ce point de vue, l’univers plein de bonhomie du plombier reste définitivement plus attachant. Kid Chameleon demeure un jeu intéressant, mais pas le classique immortel auquel on était en droit de s’attendre.