General Chaos
The Arcade Action Battlegame of Paramilitary Pandemonium
D’emblée, tout est dit dans le sous-titre, et celui-ci pourrait bien constituer la meilleure critique du jeu qui soit. On pourrait s’arrêter un instant sur le terme Pandemonium : voilà que cette capitale des enfers, habituellement utilisée pour désigner dans le jeu vidéo des environnements aussi fantastiques qu’inquiétants, est employée pour qualifier un jeu de guerre contemporain aux graphismes cartoonesques. Il y a de quoi se poser des questions.
Lorsqu’il est mis en relation avec le nom des deux généraux du jeu : Général Chaos et Général Havoc, on comprend alors que Pandemonium n’est pas à prendre dans son sens premier, mais plutôt dans le sens d’entropie, de confusion, d’anarchie, de débâcle…
Et c’est précisément ce dont il est question ici.
General Chaos est un jeu de tactique en temps réel. On y dirige une petite escouade paramilitaire qui a pour but de triompher d’une autre petite escouade paramilitaire. Oui, le scénario se résume à ça : le Général Chaos (vous) et le Général Havoc (l’autre) se livrent une guerre de territoire ; le premier qui parvient à prendre le contrôle de la base de l’autre remporte la victoire, jusqu’à la prochaine guerre. Pas de dialogue, pas de cutscenes, si ce ne sont les debriefings après chaque bataille ; General Chaos est incontestablement un jeu de bourrin. Mais peut-être pas au sens où vous l’entendez.
Procédons dans l’ordre, et découvrons l’écran de menu. Quatre options s’offrent alors à nous : un mode solo, un mode multi en coopération, un mode multi face à face et… un tutoriel, habilement renommé « Boot Camp ». Vous avez bien lu, un tutoriel ! Combien de jeux de l’ère 16-bit s’offrent-ils le luxe d’un tutoriel ? J’ai beau passer en revue ma ludothèque, je n’en vois pas d’autres. Il y a bien les jeux de combat qui bénéficient généralement d’un mode entraînement, mais ça s’arrête là. Nous sommes en 1994, l’époque où les développeurs croyaient encore naïvement que les joueurs lisaient les manuels, et n’imaginaient pas une seule seconde que plus de quinze ans plus tard, leurs jeux ne se trouveraient qu’en « loose » sur les marchés aux puces.
Le Boot Camp de General Chaos est un vrai tutoriel, on y apprend les caractéristiques des cinq types de personnages : le mitrailleur, qui tire vite, précisément et loin, mais inflige peu de dégâts ; le grenadier, qui tire lentement, précisément et loin, mais inflige des dégâts considérables ; le bazooka, lent, peu précis, mais qui peut tirer sur toute la longueur de l’écran et griller un ennemi en un seul tir ; le lance-flamme, qui crame ses adversaires au corps à corps ; et enfin l’artificier, qui doit être le neveu du général pour être entré dans cette escouade car il ne sert strictement à rien.
On apprend également dans ce tutoriel les différentes fonctions et commandes du jeu : se déplacer, tirer, combattre aux poings au corps à corps, et appeler les médecins.
Puis, on réapprend les mêmes fonctions avec un système de commandes complètement différent.
Hein ?
Oui, car General Chaos dispose de deux modes de jeux distincts : le mode Normal, dans lequel on déplace chacun de ses cinq soldats en différé en sélectionnant le point d’arrivée avec un curseur, et le mode Commandos, où l’on ne contrôle que deux soldats mais directement, en les déplaçant avec la crois directionnelle. Ce deuxième mode est évidemment bien plus pratique, mais souffre, pour équilibrer, de l’infériorité numérique.
Allez, assez potassé, il est temps de rentrer dans l’action. Après avoir choisi son équipe parmi les huit disponibles (proposées quatre par quatre), nous voilà sur le champ de bataille. On commence alors par élaborer une stratégie : les lance-flammes en avant, le grenadier et le bazooka pour les couvrir, le mitrailleur qui reste mobile… et très vite, on réalise que cela ne sert strictement à rien. Dix secondes se sont écoulées, et c’est déjà le chaos : les grenades volent dans tous les sens, les médecins s’affairent, les soldats pataugent dans des flaques de boue, d’autres lâchent leurs armes pour se lancer dans des corps à corps que les autres observent patiemment, respectueux de cet art noble, et ne s’offusquant pas de voir un coup de pied s’échouer dans les parties, ou l’un des deux combattant sortir un révolver pour finalement mettre fin à ces enfantillages… On nous l’avait promis, on l’a obtenu : le Pandémonium.
On voudrait prendre le temps de respirer, on presse le bouton start pour mettre le jeu en pause, mais le jeu ne s’immobilise pas ; les soldats s’arrêtent simplement, comme si on avait ordonné une trêve, mais cela n’empêchera pas les grenades et explosifs déjà lancés d’atteindre leur cible et de les réduire en tas d’os. C’est injuste, ouais, mais vous étiez prévenu, les paramilitaires ne connaissent pas de règle.
Deux minutes plus tard, c’est plié. Vous avez gagné, ou alors vous avez perdu. D’ailleurs, vous ne savez pas très bien ce qui a mené à cette conclusion. Difficile d’analyser un combat lorsqu’il se déroule aussi rapidement, mais une chose est certaine : sans bien comprendre pourquoi, de bataille en bataille, vous vous améliorez.
Heureusement, chaque base ennemie conquise vous mènera à une nouvelle guerre, dans laquelle les ennemis seront plus difficile à vaincre, allongeant ainsi considérablement l’expérience de jeu. De plus, certaines batailles disposent d’objectifs bonus (détruire un tank, protéger un château d’eau…) qui ajoutent encore un peu de piment à la sauce.
Mais comme beaucoup de jeux de l’époque, c’est en mode multi que General Chaos prend toute sa dimension. À noter qu’avec l’adaptateur multipad, il est jouable jusqu’à quatre (jamais testé, mais j’ose imaginer la pagaille).
Le mode Face-à-face reprend l’esprit du mode solo (mais en face-à-face… évidemment), tandis que le mode Coopération est nettement plus intéressant. Dans celui-ci, les deux joueurs contrôlent chacun une équipe de commandos, avec les contrôles liés à ce mode de jeu. Comme je l’ai dit plus haut, les contrôles commandos sont beaucoup plus jouissifs et plus faciles à prendre en main, mais difficiles à jouer en mode solo à cause de l’infériorité numérique. À quatre contre cinq, c’est enfin acceptable. À cela s’ajoute évidemment l’effervescence apportée par le fait d’avoir un compagnon à ses côtés. Ainsi fuseront les « Vite ! Viens me soigner ! », les « Je t’ai sauvé la vie ! », les « Retraite ! Retraite ! » et bien sûr, les insultes en tout genre à l’encontre d’une intelligence artificielle qui n’a pas été conçue pour les entendre.
General Chaos semble tellement avoir été conçu pour le mode multi que même ses cheat codes sont à effectuer en coopération sur les deux manettes. Mais bon… vous n’utilisez pas de cheat codes pas vrai ?
Comme il semble être de rigueur, et pour résumer, je vais désormais me prêter au décorticage des différents aspects de General Chaos.
Graphismes : General Chaos dispose de graphismes de type cartoon assez exceptionnels pour l’époque, parfaitement adaptés à l’humour qui lui est inhérent. En contrepartie, le jeu n’est pas un des plus riches, avec seulement une douzaine de décors et cinq personnages distincts (dix si on compte les sosies de l’autre couleur). C’est cependant amplement suffisant pour ce que le jeu propose.
Animation : Parfaite. Rien à signaler.
Jouabilité : Un calvaire ! Mais dans le bon sens du terme. On est très rapidement débordé, on voit nos soldats glisser dans la boue, trébucher sur des barbelés, on ne parvient pas à viser un ennemi pourtant à bout portant, et c’est justement tout ce qui fait le charme de ce jeu : un agréable chaos qu’on se plaît à reproduire encore et encore.
Son : Pas de musique, si ce n’est celle de l’écran de briefing, qui rappellera avec ironie les bon gros films de guerre américains. Les effets sonores en revanche sont tout à fait honorables.
Intérêt : 9/10
Vous vous en douterez, je suis entièrement convaincu par General Chaos, un des jeux les plus injustement méconnus de la Mega Drive. C’est un jeu intemporel que je n’aurais pas été surpris de découvrir tel quel sur un portail de jeux flash aujourd’hui. Idéal pour des petites parties rapides à plusieurs.
General Chaos, c’est un peu le film The Expandables, mais avec un humour maîtrisé et volontaire.