L’action d’El Viento prend place dans l’Amérique des années 30. Un prêtre dévoyé nommé Henry et Vincente DiMarco, un sinistre parrain de la mafia, complotent pour faire revenir sur terre le démon du vent Hashtur (que les amateurs de Lovecraft auront immédiatement reconnu). Restiana, une sorcière investie des pouvoirs du démon, a été choisie pour mener à bien le rituel d’invocation de la créature, mais Henri et DiMarco ont bien pris soin de lui cacher qu’elle sera purement et simplement sacrifiée à l’entité maléfique, en guise de cadeau d’accueil dans le monde des hommes. Vous, le joueur qui n’aviez pas demandé à être mêlé à tout ça, incarnerez Annet, une autre sorcière investie des pouvoirs d’Hashtur et donc quelque part, sur de sang de Restiana. Annet souhaite à la fois empêcher le retour sur terre d’Hashtur, mais également ramener sa collègue sorcière sur le droit chemin, en la persuadant qu’elle n’est qu’un pion entre les mains d’Henry. Notez que ce que je vous raconte a été trouvé sur Internet : les très chouettes scènes intermédiaires (d’accord, ce ne sont que de simples images fixes, mais leur style manga reste très appréciable) sont intégralement en japonais. Dommage, pour une fois qu’un scénario de jeu d’action semblait posséder un minimum de consistance (NdSigfrodi : il existe une version américaine du jeu.)
En tout cas, Annet aura à affronter les gangsters new-yorkais dans les rues de la ville, explorera un étrange parc d’attractions au pied du mont Rushmore, abordera un cargo de la mafia à dos de dauphin, visitera un vieux château en ruines peuplé de créatures terrifiantes ou investiguera une usine surprotégée à Détroit avant de filer vers l’Empire State Building pour tenter d’interrompre le rituel.
Pour mener à bien sa périlleuse mission, Annet dispose bien entendu de capacités physiques extraordinaires, qui lui permettent de se déplacer très rapidement ou de réaliser des sauts hors de portée de l’humain moyen, et elle combat à l’aide de boomerangs que les programmeurs ont eu la bonne idée de doter de ciblage automatique. Mais elle pourra également utiliser de nombreux pouvoirs magiques de plus en plus puissants qu’elle récupérera au fil de sa progression. La sélection du pouvoir que l’on souhaitera utiliser se fera en concentrant plus ou moins longtemps l’énergie avant de la libérer.
Réalisation technique :
El Viento est une production étrange, le genre de jeu qu’on a toute les raisons du monde de trouver mal fichu et qu’on ne peut pas s’empêcher d’aimer sincèrement. Au niveau de la réalisation, il n’y a, sur le papier, pas de quoi s’extasier. Si les sprites sont d’une taille plutôt honorable, ils ne sont pas particulièrement détaillés, tandis que les décors se révèlent très vides, ou au contraire surchargés en détails, ce que la Megadrive ne parvient pas vraiment à gérer de manière correcte. On a alors droit à des arrière-plans bourrés de structures alambiquées qui laissent une impression de fouillis plutôt déplaisante. Les quelques tentatives d’effets spéciaux (les explosions de véhicules, la pieuvre dans le niveau du port) se résument à de gros cubes de pixels bien moches. L’action est rapide, trop rapide même par moments tant certains mouvements s’effectuent avec une vivacité presque anormale, et de fâcheux ralentissements sont à dénoter dès qu’un trop grand nombre d’ennemis sont présents à l’écran. La bande sonore est constituée de thèmes endiablés comme seules les Japonais savent les composer, qui compensent heureusement de bien ternes bruitages.
La jouabilité, correcte pour les contrôles de base, souffre en plus de défauts fort irritants, comme le fait de rebondir sous l’impact d’un projectile lorsqu’on est en plein saut, ou la rapidité absolument illogique de certains adversaires, comme les rats ou les chauve-souris. On a à peine le temps de les voir arriver tant ils se déplacent à une vitesse supersonique. Pire, si Annet se retrouve coincée dans un cul-de-sac avec ces créatures en face d’elle, il est pratiquement impossible de s’en sortir sans perdre au minimum la moitié de sa barre d’énergie.
Du fait de ces quelques erreurs de programmation, El Viento est un jeu à la difficulté particulièrement redoutable, d’autant plus qu’on possède qu’une seule et unique vie pour terminer le jeu.
En bref : 17/20 :
Au vu de ces multiples remarques, on pourrait penser qu’El Viento est un quelconque jeu d’action sans originalité, souffrant en plus de multiples faiblesses techniques et d’une jouabilité défaillante.
Si les problèmes mentionnés sont bien réels, l’atmosphère unique d’El Viento parvient de manière surprenante à les faire oublier. En fait, il est difficile d’expliquer ce qui rend El Viento si agréable à jouer. Une subtile alchimie entre la bande sonore, le gameplay, la difficulté, l’atmosphère manga et les lieux visités, qui parvient à gommer d’un trait tous les points noirs de ces différents éléments considérés séparément. D’autres petits détails, tout aussi inexplicables, contribuent à donner un cachet unique à El Viento. Par exemple, le fait de courir à toute allure, jambes courbées et bras écartés comme dans les meilleurs mangas, n’a apparemment l’air de rien, mais il s’agit pourtant d’un de ces petits éléments qui apportent une plus-value indéniable à ce classique jeu d’action. De même, certains passages sortaient de l’ordinaire, surtout pour un jeu datant de 1991. On peut citer cette séquence d’équilibriste sur des plantes volantes dans le second niveau, plantes qui évoluent suivant de brusques déplacements en cloche à vous filer la nausée, ou ces dragons que l’on doit détruire en leur sautant sur le dos et en évitant de s’approcher trop de leurs mâchoires. Et on pourrait citer beaucoup de petites séquences originales de ce style des séquences qui procurent un réel plaisir à être négociées, et non le côté « fonctionnaire du pad » qu’on finit généralement par adopter face à de nombreux jeux, bien réalisés mais sans âme. Quoi qu’il en soit, El Viento est un jeu qui aurait du être mauvais et qui ne l’est pas du tout. Qui s’en plaindra ?