Quand Shiny Entertainment présenta ce drôle de personnage dans le courant de l’année 94, les joueurs du monde entier se demandèrent un peu ce qui passait par la tête de l’équipe américaine, pourtant menée par le talentueux David Perry (responsable de nombre de hits pour Virgin Games au cours des deux années précédentes : Global Gladiators, Cool Spot, Aladdin, …). Cette histoire de lombric devenu inopinément un super-héros galactique grâce à son incroyable « cyber combinaison ultra high tech super spatiale et indestructible » avait laissé suscité beaucoup d’interrogations. Un concept aussi farfelu allait-il aboutir à quelque chose de probant ? Le gameplay suivrait-il ou Earthworm Jim ne serait-il qu’un jeu de plates-formes bancal de plus, avec pour seul originalité son personnage principal ? On ignorait alors que Earthworm Jim allait complètement décoincer l’univers des jeux de plates-formes, en démontrant qu’on pouvait injecter les idées les plus loufoques et imbéciles dans un jeu tout en faisant en sorte que ce même jeu devienne l’un des plus gros hits de l’année. Après un premier épisode unanimement acclamé par la presse et les joueurs, Jim revint deux ans plus tard dans une seconde fournée de péripéties galactique sous psychotropes, une aventure plus belle, plus grande et surtout, encore plus stupide qu’auparavant ! Une fois de plus, le ver justicier doit pourchasser l’infâme Psy-Crow à travers la galaxie afin de l’empêcher d’épouser la belle princesse What’s-her-name. En vérité, on se fiche complètement du scénario puisque les différentes planètes que visitera Jim ne seront qu’un prétexte pour que les programmeurs se lâchent complètement et laissent libre cours à leur imagination débridée.
Le premier stage répond au doux nom de « Anything but tangerines ». Ne me demandez pas la signification de cette appellation, elle n’a du avoir de sens que pour une poignée de personnes rassemblées un soir autour de la machine à café de chez Shiny Entertainement. Sur cette planète aux couleurs pimpantes, on retrouve les principaux éléments de gameplay du premier épisode : Jim évolue dans des décors surréalistes, abat des adversaires non moins surréalistes avec son pistolet mitrailleur et se sert de son corps de lombric comme d’un fouet, dans un but létal mais aussi pour jouer à l’Indiana Jones version annelidé en s’accrochant à certaines surfaces tapissées de fluide gluant. L’ennemi du coin est le terrifiant, le redoutable, l’impitoyable Bob, le poisson rouge tueur et son fidèle esclave félin décérébré numéro 4. Pour arriver jusqu’à l’aquarium de ce maître des ténèbres, Jim devra explorer l’entièreté de ce monde rocheux, faire du toboggan en compagnie de joyeux gorets, et piloter un fauteuil roulant en évitant une pluie de grand-mères ! Oui oui, ça dérape très vite avec Earthworm Jim ! Changement de décor pour le deuxième stage : Jim a retrouvé son élément d’origine, la terre meuble. A l’aide d’un pistolet électrique, il devra creuser des galeries et littéralement façonner un passage vers la sortie du stage. Le troisième stage est un chef-d’œuvre à lui seul. Psy-Crow est planqué dans une maison et balance d’innocents chiots roses par la fenêtre. Comme dans ce petit game & watch dont j’ai oublié le nom, Jim doit courir de gauche à droite pour que les minuscules mammifères rebondissent sur le coussin qu’il porte et, de rebondissements en rebondissements, les emmener jusqu’à la niche de leur maman à l’autre bout de l’écran. Parfois, Psy-Crow balancera une bombe. Si la bombe suit le même itinéraire que les chiots, maman chien renverra la bombe sur Psy-Crow, et lui fera perdre de l’énergie. Mais attention ! Si trois petits chiots s’écrasent au sol, la douce maman se transformera en mutant psychotique et réglera son compte à Jim en un bref claquement de mâchoires ! Evidemment, expliqué comme ça, ça n’a pas l’air de grand chose, mais quand vous verrez les petites bêtes valser en l’air, et quand vous entendrez leur pathétiques petits « wif » de terreur et surtout, les célèbres « Tarentella» et « Funiculi Funicula » revisitées en fond sonore, vous comprendrez sans doute mieux ce que cette séquence possède d’inoubliable ! Par la suite, Jim participera aussi à un jeu télévisé déguisé en « salamandre aveugle des abysses », détruira le redoutable major Mucus dans un petit shoot them up en 3D isométrique, sauvera des vaches menacées par des pingouins mutants et explorera le monde fascinant de l’administration. Non, ne cherchez pas à comprendre… Ou bien, prenez un truc illégal avant.
Réalisation technique :
Fidèle à sa réputation, Shiny Entertainment a bétonné la réalisation de ce deuxième opus du ver le plus cinglé de la galaxie. Toutes les caractéristiques techniques du jeu sont excellentes, exceptionnelles même pour une Megadrive. Couleurs agencées avec soin, décors psychédéliques avec des dégradés de couleurs impressionnants, sprites déjantés et objets bizarres à tous les étages, Earthworm Jim II est au moins aussi réussi que son prédécesseur sur la forme (ce qui signifie que la barre est véritablement placée très haut). Les arrière-plans me semblent même supérieurs à ceux du premier épisode, quoique la nuance reste assez mince. Inutile de tergiverser, on tient ici un des softs les plus époustouflants graphiquement de la Megadrive. Mais plus encore que les graphismes, c’est surtout l’animation des différents personnages qui est extraordinaire : jamais sur 16-bits on n’avait vu un personnage doté d’autant de mouvements et d’attitudes différentes. Earthworm Jim est un véritable cartoon interactif, il n’y a pas d’autre mots pour décrire cet exploit qui ravale Aladdin au rang de dessin animé roumain mal fichu. Si les bruitages restent un tout petit peu crachotants, les musiques sont de véritables chef-d’œuvres de folie furieuse, des mélodies complètement décalées par rapport à l’atmosphère des différentes planètes. La jouabilité est un tout petit peu en deçà de la magnificence du reste : elle demeure très bonne la plupart du temps, mais certains sauts et balancements au « fouet » restent un chouïa imprécis.
En bref : 18/20
Earthworm Jim II se montre largement à la hauteur de la réputation de la série. Plus que par ses qualités techniques et ludiques propres (qui suffisent déjà à en faire un jeu mémorable), c’est surtout par son esprit complètement barré qu’Earthworm Jim II se distingue de tous ses concurrents. Alors qu’on aurait pu craindre un certain essoufflement dès le second volet, ou une incapacité des programmeurs à réitérer la folie furieuse du premier jeu, Earthworm Jim II vient rassurer les chaumières : oui, le fournisseur officiel de David Perry attend toujours en bas de l’immeuble de chez Shiny et son matos produit toujours son petit effet ! Présentant une succession de stages encore plus éclectique, des idées toujours aussi fondues du bulbe et un humour ravageur, Earthworm Jim II est une petite merveille qu’il faut absolument essayer, que vous connaissiez le premier jeu ou pas !