Apparu en 1990 sur Laser Disk, Mad Dog McCree fut le premier opus d’une longue série de jeux de tir en FMV tous programmés par American Laser Games. Le principe est ultra-simple, à la portée de n’importe quel primate un tant soi peu évolué. Vous êtes « l’étranger » et vous débarquez dans une petite ville du Far-West. Un vieux chercheur d’or vous aborde et vous explique que la ville est sous la coupe du desperado Mad Dog McCree, qui a enlevé le maire et sa fille, et bouclé le shérif dans la cellule de sa propre prison. Immédiatement après cette brève conversation, un mal embouché débarque et essaye de trouer la couenne du vieux bonhomme. Une balle plus tard, le fâcheux est au tapis avec un troisième œil au milieu du front et le vieux mineur vous remercie chaleureusement. Vous voilà à présent sur la liste noire de l’infâme Mad Dog McCree. Ca tombe bien, vous vous sentiez justement une âme de redresseur de torts aujourd’hui. Vous voilà prêt à affronter plusieurs scènes retraçant le dur quotidien du Far-West d’antan (pillage de banque, saloon mal fréquenté, etc.) avec pour mission de tirer plus vite que votre ombre ou, à défaut, plus vite que les gars d’en face.
Dans le monde réel, vous étiez debout devant la borne d’arcade, le flingue en plastique en main, et vous assistiez à un petit western bien sympathique où vous teniez le premier rôle. Les gens du crû s’adressaient directement à vous, par la magie du cinématographe, les cow-boys vous apostrophaient grossièrement et dégainaient subitement leur arme pour mettre un terme à cette conversation intellectuellement inégale. Si vous vous sentiez d’humeur primesautière, vous pouviez même décider de leur répondre en prenant votre plus bel accent du Kentucky, tout en buvant un bourbon imaginaire et en crachant par terre. Du moins, jusqu’à ce que le patron de la salle d’arcade vous intime l’ordre d’arrêter immédiatement de faire l’abruti dans son établissement. Il ne vous restait plus alors qu’à tirer, puis à remettre une pièce puisque vous étiez mort. Sur émulateur Mega-CD, le principe est assez similaire : vous êtes avachi dans votre fauteuil Ikea, vous essayez vaguement de déterminer si le truc qui pixellise à l’écran est un bandit mexicain ou une portée de jeunes coyotes, et vous martyrisez les flèches de direction pour essayer d’avancer le viseur vers la cible. Il ne vous reste alors plus qu’à réappuyer sur le bouton start, puisque vous étes mort aussi. Pour une fois qu’une adaptation console est fidèle à l’original, on ne va pas s’en plaindre… !
Réalisation technique :
Si American Laser Games est incontestablement doué pour la mise en scène de ses films interactifs, il n’en va pas de même pour l’optimisation des capacités vidéo du Mega-CD. Ce portage a douloureusement souffert de la transition arcade / console de salon et la qualité technique des FMVs de Mad Dog McCree reste dans la moyenne de ce qu’on trouve sur Mega-CD, c’est à dire moche et granuleuse. Lorsque ces vidéos servent un objectif purement décoratif, ce n’est pas trop grave mais dans le cas présent, elles nuisent carrément à la bonne marche du jeu. Les ennemis qui apparaissent en arrière-plan sont tout simplement indécelables. Tout ce qu’on peut distinguer, c’est un pixel qui remue au milieu de blocs de couleurs baveux. Et dans ce cas, l’ambiance Far-West a beau être aguicheuse, les bruitages ont beau être crédibles, les personnages ont beau s’exprimer avec tout l’accent chuintant de rigueur, il y a vraiment de quoi piquer sa crise. De toute façon, avec ou sans cette fâcheuse contrariété, la jouabilité de Mad Dog McCree est lamentable. Jouer avec un pad est désespérant, même s’il est possible de déplacer le viseur à très grande vitesse. Le principe des ennemis intégralement en vidéo (sans phénomène d’incrustation malheureux) donne lieu à un anti-gameplay. Lorsque le desperado apparaît, il faut lui tirer dessus, mais attention… pas trop tôt. Avant qu’il n’ait dégainé son arme, il n’est pas une « cible » et vos tirs n’ont d’autre effet que de vider votre chargeur. Le moment où l’ennemi passe de « décor filmé » à « cible » se joue à une fraction de seconde près. Si vous tirez après que l’autre ait tiré, c’est évidemment trop tard, et vous perdez systématiquement une vie (ce qui entraînera une vidéo assez amusante où le croque-mort se fiche de votre pomme). Sans compter que même en cas de succès, il y a toujours un flottement d’une ou deux secondes entre le moment où vous tirez, et celui où le jeu se rend compte qu’il doit lancer la vidéo du desperado qui s’écroule…
En bref : 04/20
Mad Dog McCree était le type de jeu ultra-sympa à essayer en salle d’arcade à l’époque. Attention : j’ai bien dit « à essayer » et pas « à jouer ». Cette précision a toute son importance. Vous mettiez une pièce dans le monnayeur, et voilà qu’un film de très bonne qualité démarrait devant vos yeux émerveillés, avec toutes les promesses sous-jacentes de pouvoir flinguer de véritables humains et pas de misérables images 2D de bérets verts et de terroristes. Les premiers duels ne tardaient pas, et vous tentiez de faire comme Clint Eastwood dans Pale Rider. Puis, vous reposiez le pistolet sur la borne et vous partiez vous faire une partie de Street Fighter II juste à côté, parce que faut quand même pas vous prendre pour un pigeon : entre l’endroit où vous aviez tiré et celui où l’impact apparaissait à l’écran, il n’existait qu’un lointain rapport. N’empêche que dès qu’un autre jeu basé sur le même principe faisait son apparition, vous replongiez dans votre péché favori, avec les mêmes espoirs et les mêmes déceptions. Sur console, c’est la même chose. Sauf que la vidéo est loupée au possible et que tirer avec un paddle équivaut un peu à changer de vitesse en voiture avec les orteils. Mad Dog McCree semble être conçu pour générer de la frustration, et ce ne fut malheureusement pas la dernière tentative de portage d’American Laser Games.