Venu de l’univers d’El Viento, Earnest Evans est un grand blond, non pas avec une chaussure noire mais avec un fouet. Ami, mentor de la jeune Annet et résistant de la dernière heure, Earnest Evans est un personnage à l’allure charismatique - Brad Pitt période Légende d’automne croisé avec David Coverdale, habillé par le fournisseur de Mickey Rourke et coiffé par son oreiller - …à défaut d’avoir eu énormément d’importance dans le scénario d’El Viento. Toujours est-il qu’un des tous premiers jeux d’action du Mega CD lui fut consacré, afin que l’aventurier bohème puisse tenir son rang dans la galaxie des Sega Heroes.
Quand il n’est pas occupé à fournir des conseils dispensables à sa copine Annet, Earnest se comporte en vulgaire pilleur de tombes partout dans le monde, sous prétexte que les précieux artefacts antiques qu’il fauche pourraient menacer l’équilibre du monde s’ils tombaient en de mauvaises mains. Y a un Américain dans les années 30 qui nous l’avait déjà sortie, celle là. De toute façon, malgré son look de grand blond nordique, Earnest ne parle que le japonais et le joueur occidental en sera réduit à de simples supputations sur le pourquoi du comment de toutes ces intrusions dans des ruines perdues. En tout cas, poussant le mimétisme à l’extrême, Earnest va explorer de nombreux endroits oubliés des hommes (temples en ruines, cavernes, canyons isolés, château-forts) - avec son fouet mais sans son chapeau – éviter des tonnes de pièges certifiés « Piège à aventuriers © S. Spielberg », latter des dizaines de créatures hostiles plus ou moins réelles (de la chauve-souris au ver carnassier de 20 mètres de long), jouer à Tarzan avec son fouet au-dessus de gouffres sans fond, trouver l’artefact et latter le boss qui le garde à coups de fouet, de cailloux ou de morgenstern.
Réalisation graphique :
Il y aurait beaucoup à redire sur la réalisation d’Earnest Evans et on ne va d’ailleurs pas s’en priver ! Globalement, on reste dans le ton d’El Viento : de grands sprites, des décors dont on peut voir qu’ils ont fait l’objet d’un certain souci du détail mais malheureusement, un côté très fouilli qui gâte un peu la sauce et une palette de couleurs résolument atroce à base de gris, de brun et de bleu terne. Le personnage a une allure peu crédible, son fouet ressemble plutôt à un intestin grêle sommairement représenté et les ennemis oscillent entre le truc gris aux contours indéfinissables (tous les petits ennemis en règle générale) et les adversaires de grande taille qui ne manquent pas d’allure (les vers géants, le premier boss tournoyant). Au final, Earnest Evans est un jeu qu’on peut sans trop de craintes qualifier de « moche ». Pourtant, tout comme dans El Viento, cette laideur est compensée par un style très particulier qui corrige un peu – mais pas beaucoup – la première impression désagréable. Le deuxième motif de surprise concerne l’animation. Dans l’optique d’obtenir les mouvements les plus réalistes possible, les membres et le torse d’Earnest sont animés séparément. Question réalisme, on est verni : Earnest se déplace comme un épouvantail ou en tout cas, comme une créature à peu près dépourvue d’ossature. Franchement ridicule. Sans compter que le jeu est envahi de ralentissements dès qu’il y a un peu trop de peuple à l’écran. Pour terminer sur une note plus positive, on notera tout de même pas mal d’effets spéciaux (zooms, déformations, etc.) plutôt impressionnants.
Jouabilité/difficulté :
Là aussi, on frôle la catastrophe totale. Le mode de déplacement aberrant d’Earnest complique épouvantablement les choses. Par exemple, si vous vous êtes abaissé pour ramper dans une galerie, Earnest ne se relèvera pas automatiquement. Il faudra d’abord le faire se redresser, puis seulement le faire avancer. Dans le cas contraire, il continue à ramper ou pire, exécute une culbute dont il est difficile de prédire le point de chute. Comme en outre, les commandes répondent très très mal, on se retrouve parfois à martyriser les commandes simplement pour que ce pantin se remette sur ses pieds. Réaliser un saut millimétré est une vraie gageure (c’est toujours au moment où il faut sauter pour ne pas se prendre les lames au fond du trou que les commandes se foutent en grève). Quant à s’accrocher à une aspérité avec le fouet, n’y songez même pas sans une boîte de xanax à portée de main…
Son :
D’excellentes musiques qui filent une pêche d’enfer mais des bruitages insipides.
En bref : 09/20
Earnest Evans possède le même atout qu’El Viento : un charisme qui le rend plus attachant qu’il n’est l’est en réalité. El Viento, malgré ses faiblesses, devenait un grand jeu, et Earnest Evans donne envie de s’accrocher quelque temps et de découvrir de nouvelles zones de jeu. Pourtant, tout autre soft avec des graphismes aussi brouillons, une animation aussi ridicule, des ralentissements à tire-larigot et une jouabilité aussi infâme, aurait été promptement sabré avec sévérité. Mais je me suis surpris à rester plusieurs heures sur Earnest Evans, en pestant contre ses nombreuses faiblesses mais en persistant tout de même à y jouer. Preuve que malgré les apparences, il y a tout de même quelque chose à tirer de ce soft à l’allure ingrate… !