C’est au cour d’un voyage scolaire en Angleterre que j’ai eu l’occasion de voir tourner pour la première fois la Master System (et oui, que voulez vous, mon bahut était un bastion de nintendomaniaques, d’Amigagas et de Stistes). Il y en a qui lors des voyages à l’étranger s’affairent à remplir leurs calepins des adresses et numéros de téléphone de leurs conquêtes féminines (n’y a t’il pas d’ailleurs un formidable navet nommé à ce titre « A nous les petites Anglaises »?), d’autres qui découvrent un pan du patrimoine vidéo-ludique… On fait ce qu’on peut avec ce qu’on a comme dit le proverbe. Brève remémoration furtive de ma trépidante vie (dont, avec raison, la plupart d’entre vous se moque éperdument, mais comme c’est moi le rédacteur, je fais ce que je veux, na! :p) pour introduire donc ce poétique jeu qu’est Rastan Saga, adaptation très libre (comprenez pas fidèle à l’original) d’un hit de l’arcade, puisqu’il me fit découvrir cette machine…
Un jeu plein de poésie épique, certes puisqu’on y retrouve tous les ingrédients d’un jeu de plates-formes médiéval-fantastique classique : un royaume en danger à cause d’un dragon ayant eu la fâcheuse idée de s’installer à proximité, une foultitude de monstres plus hideux les uns que les autres rodant sur les routes, empêchant ainsi le paysan de cultiver, le marchand de faire transiter ses victuailles par les routes et les nobles de brûler et de piétiner les champs lors de leurs stupides guéguerres de roitelets et de leurs parties de chasse. N’oublions pas le plus important : la beauté d’une jeune princesse prisonnière du vicieux reptile. Beauté resplendissante comme un lever de soleil, vive telle un champs de coquelicot agité par un doux vent estival… Oui, Rastan Saga a tout au départ pour une chanson de geste digne des plus grands troubadours et aux minnesängers que le Moyen-Age a, pour notre enchantement, enfanté. Enfin tout… tout si le héros était un noble héros Wagnérien comme Perceval ou Tristan… Mais en l’occurrence, le héros n’est autre que Rastan (d’où le titre, pour ceux qui sont lents :p), qui n’a ma foi pas grand chose d’un raffiné noble de sang bleu. Ce serait plutôt le gros barbare avec les cheveux hirsutes et des muscles faisant passer le Conan scharzennegerien pour un coiffeur efféminé… Du coup, exit les petits oiseaux, les violons et la poésie, place aux coups de tatane et autres distributions gratuites de pains (le pain de campagne étant en promotion pour tout achat de reblochon :p).
Et des coups de tatane, notre brave cimmérien aura l’occasion d’en distribuer au sein des cinq niveaux qui composent le jeu. Cinq niveaux aux décors hétéroclites tels que les profondeurs d’une forêt luxuriante ou la chaleur d’un paysage volcanique désolé. Chaque niveau est d’ailleurs divisé en deux parties : l’extérieur tel que je viens de le décrire puis l’intérieur de la demeure du gros bill à dégommer. On retrouve de ce fait les difficultés classiques du genre : plates-formes mobiles ou immobiles, lianes surplombant un précipice, redoutables pics sortant des murs à l’approche du guerrier ou encore blocs flottant sur de vénéneuses surfaces inondées… Bref tout pour regretter le fait que la zone ne soit pas desservie par le RER… Dans certains cas, il faudra user de l’aptitude de Rastan à sauter contre un mur : rebondissant de paroi en paroi, on peut ainsi atteindre des zones autrement inaccessibles. Une idée qui ajoute beaucoup au gameplay et qui s’avère très appréciable quand on a prit le coup. Evidemment, chaque niveau se termine par le sempiternel boss prêt à vaillamment affronter son pathétique destin, puisque dans toute bonne histoire, le méchant se doit de mourir. C’est pas que le boss n’a pas autre chose à faire, comme s’occuper de ses bégonias ou encore monter les étagères suédoises qu’il a acheté le week end dernier mais bon, sans sa présence, le niveau n’a plus de sens, non? Toujours est-il que si les deux premiers sont d’une inaptitude à se battre totalement consternante, les suivants sont un peu plus volontaires, sans toutefois être infaisables.
Avant de latter du gros méchant, Rastan devra, outre franchir les embûches parsemant les niveaux, se débarrasser des forts peu causants laquais du dragon. Ainsi on affrontera un bestiaire relativement varié comportant guerriers verdâtres, magiciens, manticores et autre pixies. Heureusement, Rastan a pris ses précautions, sachant que sa sandale serait tout à fait insuffisante face à ce type d’adversaire, d’autant qu’il a besoin de sa sandale pour ne pas abîmer ses jolis petits pieds en sautant au-dessus du vide! Il a prévu son épée en acier léguée par son père. A l’occasion, il pourra temporairement la troquer de manière avantageuse contre une arme traînant ici ou là. Celles-ci sont au nombre de trois : la masse d’arme a la même puissance que votre épée mais une portée légèrement supérieure, la hache présente le même avantage, avec un pouvoir de destruction augmenté. Enfin, la Furie, arme ultime, est une lame à deux mains dévastatrice permettant de projeter des boules de feu, de quoi semer la terreur parmi la horde qui vous assaille. De temps à autre, un ennemi tué a la générosité lâchee son magot : bijoux, bonus de vie… A noter qu’à chaque niveau terminé, Rastan voit sa barre de vie rallongée, lui permettant ainsi de mieux appréhender la suite des événements et ce ne sera pas du luxe.
Si la réalisation ne vaut pas un Golden Axe, elle reste toutefois très honorable, eût égard à l’âge du logiciel. Ainsi les graphismes sont franchement jolis : les décors ne manquent pas de variété, en dehors des intérieurs montrant un fond de briques uniforme. Les sprites sont correctement dessinés et assez variés. Dans l’ensemble, l’animation est des plus satisfaisantes : un scrolling très fluide ne souffrant d’aucun ralentissement, malgré une action qui n’est certes pas d’une rapidité monstrueuse. Les sons sont classiques et assez discrets, se fondant dans les musiques, au nombre de trois (une pour les extérieurs, une pour les intérieurs et une dernière pour les boss). Celles-ci sont heureusement agréables et pas trop répétitives. Le jeu présente une jouabilité très agréable : même s’il faudra un temps d’adaptation pour se faire aux sauts de parois en parois, le héros répond très bien aux commandes. Malgré la présence de simplement 3 crédits (une vie chacun), Rastan Saga n’est ni un jeu facile, ni un jeu trop dur. En aucun moment on ne sera frustré par la difficulté d’une phase et si le jeu ne résistera pas longtemps aux joueurs chevronnés, les joueurs moyens y trouveront leur compte sans que les débutants soient dégoûtés.
Au final, je considère Rastan Saga comme un classique de la 8 bit de Sega : on a droit à une réalisation plus que correcte pour un jeu simple dans son déroulement, classique mais très efficace et équilibré. Une valeur sûre!