Deux monstres sacrés du cinéma (et un figurant) qui s’affrontent dans une lutte à mort, c’est toujours une bonne idée de départ pour un film, un Comic ou un jeu vidéo. C’est d’autant plus appréciable que ces deux licences, certainement très cher payées, donnent lieu à un des meilleurs jeux Jaguar de la courte histoire de cette console (ceux que j’ai entendu chuchoter au fond de la salle « l’unique bon jeu Jaguar » sont priés de sortir : Jack Tramiel les attend dans l’arrière-salle avec une batte de baseball rouillée qui donne le tétanos). Cette noble « Battle Royale » prend place dans une base humaine établie sur une planète inconnue, avec des Aliens qui s’infiltrent depuis les soubassements et un vaisseau Predator qui a accosté quelque part à un des étages supérieurs. Selon le protagoniste sélectionné pour le massacre, le joueur débutera à un étage différent de la base, mais avec à chaque fois une mission particulière à remplir et des capacités différentes.
Ainsi, le Predator devra lutter pour la gloire et ramener le crâne de la reine Alien. Au départ, cette bonne vieille machine à tuer n’est pas armée (du moins, si on considère comme proche de la notion de « désarmé » le fait d’utiliser sa grosse patte griffue garnie de lames avec la force d’un buffle en colère). Plus il sera courageux, plus le Predator aura de chances de recevoir les armes sacrées de son peuple. Ce qui signifie qu’il est assez mal vu de profiter de ses capacités de camouflage pour zigouiller traîtreusement un ennemi dans le dos. Des mises à mort loyales signifient que le Predator pourra recevoir l’épieu ou le rotor lorsqu’il aura suffisamment prouvé sa valeur. En revanche, abuser des attaques sournoises risque de lui faire perdre son armement, symboliquement réservé au Grands Chasseurs. Le Predator peut également conserver les medikits récupérés et se soigner lorsqu’il le souhaite, contrairement au Marine qui se soigne automatiquement lorsqu’il en touche un.
L’Alien, lui, part à la recherche de sa maman, puisqu’aucun de ses 500 petits frères ne semble avoir la moindre fibre familiale. En bon xénomorphe, il peut utiliser ses griffes, son curieux appendice bucal garni de crocs, ainsi qu’un vigoureux coup de queue qui étourdit les ennemis durant quelques secondes. Sa vitesse de déplacement est également supérieure à celle de ses deux challengers mais, incapable d’utiliser les ascenseurs de la base, l’Alien devra se déplacer par les conduits d’aération. Il s’agit également du seul personnage à pouvoir bénéficier de plusieurs vies : l’Alien peut enfermer les ennemis tués dans ses fameux cocons, jusqu’à un maximum de trois en même temps. S’il est tué, un autre Alien naîtra pour autant qu’au moins un corps ait été conservé en sécurité quelque part. En tant qu’ennemis, les Aliens sont particulièrement pénibles à éliminer puisque leur rapidité les rend difficile à aligner avec précision. Une fois morts, leur carcasse suintante d’acide reste encore dangereuse puisque le joueur perdra de l’énergie s’il marche dessus.
Enfin, le Space Marine, cryogénisé en attendant de passer en cour martiale pour ne pas avoir porté de chaussettes réglementaires, a été inopinément libéré par l’invasion des deux autres affreux. Lui, son boulot, c’est de survivre et de foutre le camp, ce qui ne sera déjà pas si mal. Le Marine peut utiliser quatre armes différentes – dont un lance-flammes – et se recharge automatiquement en énergie lorsqu’il touche un medikit, mais il s’agit bien logiquement du moins costaud des trois protagonistes. Son seul avantage réel par rapport aux deux autres est de pouvoir se connecter aux terminaux de la base, et étudier de la sorte le plan de la zone ou obtenir quelques infos utiles sur la configuration et les spécificités du lieu.
Réalisation graphique :
Qualitativement – et pour le comparer à des références de la première moitié des années 90 – Alien vs. Predator se place quelque part entre Doom et Wolfenstein 3D. À l’instar de Doom, les textures sont relativement détaillées : très sobres lorsqu’il s’agit des couloirs de la base humaine, elles deviennent plus riches et fournies lorsqu’on explore les inimitables galeries creusées par les Aliens ou le quartier général des Predators. Cependant, on ne trouve ni étages, ni escaliers ni constructions un tant soi peu alambiquées en cours de jeu. La totalité des stages consiste en un dédale de couloirs plats et rectilignes, comme au bon vieux temps de Wolfenstein 3D. Bien qu’ils soient de simples images 2D un peu granuleuses dès qu’on s’approche d’eux, les adversaires ne manquent pas de prestance. Même techniquement daté comme c’est le cas ici, un Alien qui se rue sur vous en couinant ou un Predator qui surgit de nulle part produisent toujours leur petit effet. Seul regret : la fenêtre de statut du joueur, centrée en plein milieu de l’écran de jeu, pollue un peu la bonne visibilité de l’action. J’allais oublier la qualité des déplacements en 3D : pas de panique, tout est fluide et rapide… même si finalement, vu la simplicité architecturale de la base, j’aurais trouvé franchement saumâtre le moindre couac à ce niveau.
Jouabilité / difficulté
Trois personnages bien différents à contrôler, trois gameplay séparés et une bonne maîtrise de l’ensemble des personnages. Du très bon boulot, rien à signaler.
Son
Les musiques se font très discrètes : excepté à l’écran d’options, je ne suis même pas certain qu’il y en ait réellement en cours de partie. Mais les bruitages, très réussis, rattrapent amplement cette carence… juste ce qu’il faut pour qu’on flippe salement en traçant dans ces couloirs sans fin… y compris lorsqu’on est habitué à des FPS un rien plus modernes !
En bref : 16/20
Pour son époque, Alien vs. Predator était vraiment un très bon FPS. Bien que n’étant pas aussi efficace techniquement que les plus récents de ses congénères sur PC comme Doom ou Dark Forces (ce qui est quand même un poil décevant pour une console 64-bits), ce duel entre monstres spatiaux peut tabler sur une réalisation d’un niveau honorable, une ambiance très réussie et surtout, un triple gameplay qui allonge énormément sa durée de vie. Les trois personnages nécessitent des stratégies différentes et l’espace de jeu (finalement un peu restreint) ne s’explorera donc jamais de la même façon. Compte tenu des standards de qualité habituels des jeux Jaguar (personne ne se moque, Ok ?), Alien vs. Predator s’impose sans grandes difficultés comme un des rares hits dont cette console ait pu nous gratifier. Même s’il semble vieillot aujourd’hui, ce soft recèle tout de même quelques moments délicieusement stressants à destination de tous ceux qui aiment traîner dans des couloirs obscurs avec seulement deux cartouches en poche. À essayer sans hésiter : c’est peut-être bien le seul jeu à la fois original et intéressant auquel vous jouerez sur Jaguar.