Quelle ne fut pas ma surprise de tomber sur une cartouche Game Boy estampillée Street Fighter II. Je dois bien avouer que j’ignorais son existence, malgré les nombreuses heures passées sur d’autres versions de ce mythe du jeu de baston, et que j’avais bien du mal à en croire mes yeux. Me sont ensuite venues des images verdâtres en tête, avec Ken et Ryu dessus, et puis un gros point d’interrogation sur la manière dont il faudrait jouer avec deux boutons. Oui deux, je le répète pour les jeunots qui rinochent en croyant que j’ai fait une faute de frappe. La Game Boy, l’authentique, la version dite « frigo », n’avait que deux boutons. A et B, et puis c’est tout. La tentation fut trop forte et je m’empressai de devenir propriétaire de ladite cartouche pour voir ce qu’un Street Fighter II sur Game Boy pouvait bien donner.
Fight !
Une fois la fameuse vieille Game Boy retrouvée et le jeu lancé, on se retrouve à l’écran de départ avec les sacrosaints modes Arcade et Versus. Le premier permet de choisir un des personnages (dont chacun a une histoire unique) et d’enchaîner les combats jusqu’au boss final qu’est Bison, et le second permet tout simplement d’affronter un ami. S’y rajoute un mode Survival qui est le même que le mode Arcade sauf que votre personnage ne récupère pas toute son énergie après chaque combat. Je vois déjà les blasés du mode 7 de la Super Nintendo (je parle du mode de difficulté hein, pas du vrai mode 7 de la console) se lécher les babines et se dire que ça n’aurait pas été un mal d’avoir le même mode de jeu sur la 16 bit de Nintendo. Puisqu’on parle de difficulté, sachez que 5 niveaux sont disponibles, le niveau 2 étant choisi par défaut. Là par contre, ça fait moins que sur Super Nintendo.
Un autre point différent de la version Super Nintendo est le nombre de personnages jouables. Ils sont en effet au nombre de neuf, et si j’allais vous dire que c’est moins que sur Super Nintendo puisque je joue à la version Turbo et ses douze persos, force est de reconnaître que cette version Game Boy propose un personnage de plus que son aînée. En fait, ce sont Dhalsim et Honda qui sont passés à la trappe côté persos « de base », et Vega côté boss, sans doute pour des problèmes de place sur la cartouche. Il reste donc bien Ken, Ryu, Zangief, Blanka, Bison, Balrog, Guile, Chun-Li et Sagat. Chaque personnage a trois coups spéciaux qui se déclenchent par une combinaison de croix directionnelle/touche spécifique. Côté graphisme, le jeu est plutôt joli et on retrouve le design des décors que l’on connaît si bien. Pour le son, on reste sur une version Game Boy donc il ne faut pas s’attendre à quelque chose d’extraordinaire, mais retrouver les thèmes du jeu avec ces sonorités si particulières donne quand même un sourire en coin. Les « round one, fight ! » et autres « hadoken » manqueront à l’appel, mais je crois que cette pauvre Game Boy n’en était tout simplement pas capable. Bref, sur papier on a un jeu qui a beaucoup pour plaire ; voyons ce que donne la pratique.
You lose
Et là c’est le shoryuken en pleine face, la déception incommensurable et définitive. Au bout de quelques secondes, il est clair que jouer à ce jeu n’apportera que peu de plaisir (pour ne pas dire pas du tout) et surtout de grosses frustrations. Déjà le premier saut pour commencer. Il faut le voir pour le croire, mais on voit la moitié de son personnage disparaître en dehors de l’écran. Comme si l’animation saccadée ne suffisait pas, tiens… Bon, le perso qui disparaît, passe encore, mais il est tout sauf facile d’estimer avec précision son point de chute à cause de la forme du saut (beaucoup trop haut), ce qui limite énormément la précision de frappe. De toute façon ce n’est pas bien grave, puisque la gestion des collisions est une catastrophe et qu’on se retrouve rapidement à essayer de taper dans tous les sens par frustration.
D’ailleurs, pour revenir à cette histoire de deux boutons, Capcom aurait dû réfléchir par deux fois avant de sortir ce jeu. L’équation est pourtant d’une simplicité évidente : jeu d’origine à six boutons + nouveau support à deux boutons = catastrophe annoncée. C’est pourtant simple non ? Comment est-ce que Capcom n’a pas pu voir une chose tellement évidente ? Je leur en veux terriblement, le mythe Street Fighter II a été sacrifié sur l’autel du dieu brouzouffes…
Capcom a quand même essayé de faire illusion avec un système de coup faible et rapide et de coup fort et lent, mais ça ne marche pas. Tout simplement parce que les deux coups sont sur le même bouton, et que c’est la durée de pression qui détermine le type de coup porté. Non mais vous vous voyez, en plein feu de l’action, devoir réfléchir à la manière dont vous allez appuyer sur le bouton ? Injouable je vous dis…
Du coup, tout ce qui semble réussi dans ce Street Fighter II devient bien terne, et on abandonne vite la cartouche pour revenir à des activités plus saines. J’ai lu ici et là que jouer sur Super Game Boy gratifie de magnifiques fonds d’écran et d’une barre d’énergie jaune et rouge, mais ma cartouche n’a jamais voulu démarrer sur Super Game Boy, et n’a plus donné signe de vie sur Game Boy après ça. Oui, ce test aura fait une victime, et ma cartouche va finir là où elle aurait déjà dû atterrir avant que je tombe dessus : à la poubelle…