Troisième et dernier portage Nintendo du célèbre jeu interactif des années 80, Dragon’s Lair version Game Boy est la plus atypique de toutes les versions disponibles du jeu. Ce portage est en effet le seul à n’entretenir pratiquement aucun lien de parenté – même scénaristique – avec le jeu d’origine. Oh, il y a bien une vague référence à la princesse Daphné mais on ne retrouve ni le château des ténèbres, ni le roi-lézard, ni même les diverses bestioles présentes dans la version arcade. Seul le petit sprite casqué offre une certaine ressemblance avec l’innénarable Dirk le Brave, encore que d’un grand échalas dégingandé, ce dernier soit devenu un liliputien trapu. Dans cette version, Dirk évoluera à travers des lieux aussi étranges qu’un village de champignons ou un ensemble de ruines égyptiennes. Le jeu n’est pas divisé en stages à proprement parler : on se retrouve face à une longue (enfin… je suppose, vu la difficulté du soft, je n’ai jamais réussi à aller bien loin) succession d’écrans que l’on parcourt à loisir dans les deux sens sans bien savoir où tout cela va mener Dirk. Deuxième particularité : Dirk ne sait pas attaquer. Mais ce n’est pas grave puisqu’on ne rencontre pas d’ennemis au sein des différents tableaux. Les rares créatures vivantes présentes à l’écran servent souvent de plates-formes mobiles. La progression est exclusivement centrée sur des pièges, des plates-formes mobiles et des mécanismes dangereux à esquiver. Ces pièges ne sont d’ailleurs pas toujours très compréhensibles. Que l’on perde une vie lorsqu’on touche une énorme aiguille plantée en plein milieu d’une salle, soit. Mais que le même sort attende Dirk s’il descend de son chariot mobile pour marcher sur le sable du désert reste pour le moins inexplicable. Une fois de plus, on n’avancera qu’en renouant avec cette saleté de système de progression « je foire / je prends des notes / je recommence ».
Dans chaque scène, on remarquera un certain nombre de gemmes, bien évidemment disposées à des endroits qui nécessiteront de savantes acrobaties pour être atteints. L’objectif supposé est de ramasser le plus possible de ces gemmes mais là aussi, la finalité de tout cela reste assez obscure. Il ne semble pas y avoir un nombre précis de gemmes à récupérer pour pouvoir avancer et, excepté le fait d’être accumulées, aucun de ces cailloux ne dote Dirk d’aptitudes spéciales. Mais qu’est ce que Dirk est allé fabriquer dans cette galère ?
La réponse est simple : Dragon’s Lair sur Game Boy est l’adaptation – sprites et décors hâtivement modifés mis à part – d’un vieux hit ZX Spectrum du nom de Rollercoaster. Dans ce dernier, on dirigeait un cambrioleur chargé de récupérer des sacs d’or dans une succession de tableaux bourrés de plates-formes mouvantes sensées figurer un parc d’attractions.
Réalisation technique :
Si le sprite principal demeure assez grossier, les décors sont inhabituellement fouillés pour une Game Boy. Si nombre d’arrière-plan sont tout simplement vides, la moindre statue égyptienne, le moindre intérieur de donjon regorge de détails et de dégradés de gris. De plus, malgré ce côté très travaillé, l’action reste parfaitement lisible, ce qui n’est pas rien. Les mélodies médiévales sont un peu énervantes mais n’en demeurent pas moins richement instrumentées pour le petit processeur sonore Game Boy. En ce qui concerne l’animation, il n’y a pas de scrolling à proprement parler puisqu’on passe d’écran en écran en une seule fois. Reste la jouabilité… hum… Dragon’s Lair… jouabilité… vous vous dites qu’il y a déjà quelque chose qui cloche, non ? Hé bien oui, pour clôturer en beauté la saga Dragon’s Lair sur les consoles Nintendo, la jouabilité de cette version Game Boy est effroyable. Le jeu, centré exclusivement sur la précision, est difficile, c’est un fait. Mais les sauts de Dirk sont affreusement difficiles à doser. C’est bien simple : si on souhaite simplement faire un saut en avant, on se retrouve une fois sur deux à sautiller stupidement sur place. Pour un jeu dont la finalité repose sur les acrobaties à réaliser au millimètre et à la seconde près, il est difficile de voir dans ce phénomène autre chose que de la malveillance pure et simple… !
En bref : 08/20
Intéressant dans un premier temps et séduisant par ses qualités graphiques, Dragon’s Lair sur Game Boy ne tarde pas à révéler sa nature profonde, celle d’un soft extrêmement difficile qui repose sur un gameplay daté et peu explicite. Le côté paresseux de l’équipe de programmation ne tarde pas à éclater au grand jour. Même s’il est certain que la précision, la patience et l’abnégation requises pour Dragon’s Lair séduiront les plus Hardcore des joueurs, les autres se retrouveront bien vite à s’arracher les cheveux face à ce spécimen gratuitement difficile et mal conçu.