Je ne connais ni l’éditeur, ni le développeur du jeu.
Comment vous expliquer la solitude du mec qui s’est engagé à tester un jeu comme Hugo : Magic in the Troll Woods ? Ils sont cons aussi, ces Danois, avec leurs sirènes et leurs trolls. Peuvent pas avoir des chiens, comme tout le monde ? Hugo, c’est une franchise créée en 1989 et importée en France en 1992. Au départ, il s’agissait d’un concept assez bizarre, un jeu vidéo « interactif » lors duquel les enfants dirigeaient le héros éponyme avec leur télécommande, derrière leur téléphone (sic). Un piège à cons qui permettait à France 3 (FR3 à l’époque) d’engranger un pognon monstre sur le dos de nos chères têtes blondes de ce temps-là - autrement dit, les trentenaires d’aujourd’hui - mais qui avait au moins l’avantage d’afficher la plastique avantageuse de Karen Cheryl, beaucoup plus avenante en ces temps reculés.
A POILS DANS LA FORET
Bon, Hugo à la base, c’est un gentil troll marié à Hugoline et père de Rit, Rat et Rut, un nom pas facile à porter en France mais qui signifie peut-être Rayon-de-Soleil-du-Fond-de-mon-Cœur en danois, pour ce que ça peut foutre. Ceci étant, la famille vit dans la forêt des trolls et se retrouve régulièrement en prise avec les machinations diaboliques de la sorcière Scylla. Je vous raconte tout ça en paraphrasant le Wikipedia anglais, parce que pour tout vous dire, je n’ai absolument pas la moindre idée de quoi cause le jeu, vu que j’ai bêtement zappé les écrans d’introduction. Mais comme de toute façon tout le monde s’en secoue les jumelles, autant passer à la suite.
ET SI ON SE FAISAIT CHIER ?
Hugo : Magic in the Troll Woods est un jeu de plates-formes, parait-il. Un jeu de plates-formes en deux dimensions, vu de profil, mais avec une caméra mobile, un peu comme Pandemonium ! ou Nights… Into Dreams. Il vous demande, si vous acceptez la mission, de traverser plusieurs mondes composés chacun de quatre niveaux et gardés par un boss.
Les environnements ne sont pas excessivement variés, et qu’il s’agisse du village des trolls, du temple ou de la forêt par exemple, il sera toujours question des mêmes arbres, cascades et planches de bois. Les adversaires sont eux aussi d’une banalité confondante, entre poulets, lapins et taupes maléfiques. Les bestioles redeviennent de gentils animaux une fois qu’ils se sont pris quelques coups de bâton dans la gueule.
Parce que Hugo, pour pacifiste et infantile qu’il soit, n’en reste pas moins un fier gaillard. Il peut bondir (bouton B), donner des coups de bâton (bouton A), interagir avec son environnement (bouton Y), et même faire de la magie (bouton X). Cependant, toutes ces choses incroyables sur le papier se révèlent limitées dans la pratique. Les sauts sont courts, les coups ne portent pas loin, la magie ne sert pas à grand chose et les interactions sont limitées : déplacer une plate-forme ou déclencher un mécanisme.
Ceci fait, il vous faudra dégainer votre stylet pour, selon les cas, abaisser un levier (dans le but de déclencher l’apparition d’une plate-forme), tourner un moulinet (pour déplacer une plate-forme mobile), dessiner les contours d’une forme animale (afin d’ouvrir une porte) ou encore trouver une combinaison de symboles (dans le cas où vous vous retrouveriez enfermé dans un piège). La magie fait aussi appel au stylet puisque, une fois que vous aurez appuyé sur le bouton X, vous devrez encore déplacer l’objet à faire léviter, par exemple.
Le but du jeu est d’atteindre la fin du niveau bien entendu, mais plusieurs objectifs annexes existent. Vous pourrez tenter de trouver toutes les pièces du niveau (qui ne servent absolument à rien), découvrir les orbes bleus (sensés améliorer votre niveau de magie, mais dans la pratique ça ne sert à rien non plus) ou encore tuer les démons roulants - je ne peux mieux les décrire - qui infestent les niveaux et qui font office de super-ennemis.
En outre, si vous battez le boss d’un monde, vous obtiendrez une nouvelle magie (la possibilité d’interagir avec les plantes et ainsi de faire pousser les lianes ou de transformer les champignons vénéneux en champignons comestibles, par exemple) et une nouvelle capacité (le double-saut dans le premier monde, par exemple).
TRAGIC IN THE MOLL WOODS
En toute franchise, les graphismes du jeu pourraient passer pour tout à fait acceptables à l’orée des standards… d’il y a quinze ans. Disons pour être plus clairs que Hugo : Magic in the Troll Woods ne dépareillerait pas sur Nintendo 64. Après, esthétiquement parlant, il faut bien avouer que le héros comme les ennemis ont le charisme d’un balai-brosse. Les animations sont comme on peut s’y attendre assez hachées, les décors sont statiques à l’exception d’yeux qui apparaissent un peu n’importe où et sans trop de logique, comme s’il allait nous tomber quelque chose sur le coin de la gueule, sauf qu’il ne se passe rien.
C’est bien là le problème d’ailleurs. Il ne se passe rien. Rien ne vient tirer le joueur de sa lente torpeur. Pas même une note musicale pour enchanter l’oreille. Juste une litanie de niveaux plans-plans où l’opposition est aussi désorganisée que le parti socialiste. Il s’en faudrait de peu pour que l’on tombe en catalepsie devant tant de vide.
Heureusement, les développeurs ont pensé à nous. Ils ont imaginé un plan incroyable pour faire réagir le joueur : le mettre en colère. Et ils n’y sont pas allés de main morte. Entre les sauts rabougris, les coups qui ne portent pas plus loin que le bout du pixel et qui mettent douze frames avant de toucher au but, les déplacements de plates-formes au stylet teeeeeeeeeeeeeellement longs et les lianes…
Ah, les lianes. N’importe quel Tarzan du dimanche connait le principe des lianes dans un jeu de plates-formes : on saute sur une liane, le héros s’accroche tout seul, on se tourne vers la prochaine et on saute. Eh bien dans Hugo : Magic in the Troll Woods, les règles sont bouleversées. Déjà le héros ne s’accroche pas de lui-même, il faut appuyer vers le haut. Ensuite, il faut se balancer (bouton Y) pour espérer trouver suffisamment d’élan. Et là, on se tourne vers la prochaine liane, on saute… Et par un miracle de programmation qui relève de la transformation de l’eau en bière par le regretté J-C., Hugo saute non pas là où on s’est tourné, mais pile à l’opposé. Admettez que ça méritait bien un saut de ligne juste pour expliquer le principe.
Si l’on devait décerner une médaille aux singes savants, les développeurs de Hugo : Magic in the Troll Woods gagneraient au minimum l’argent. Mais nul doute qu’il se feraient ravir l’or par ceux qui ont trouvé intelligent d’acheter le jeu à leur petit neveu pour Noël. Et dire que c’est pour payer la retraite à ces gens-là qu’on va devoir cotiser jusqu’à soixante-sept ans…