Racheté au milieu des années 90 par Electronic Arts, le studio Tiburon Entertainment devient EA Tiburon. Grand spécialiste du jeu de sport, c’est à lui que l’on doit la série des Madden NFL, celle des NCAA Football ou les plus récents Tiger Woods PGA Tour et NASCAR. Mais le studio est aussi à l’œuvre sur des adaptations de licences telles que Superman Returns. Au milieu de toutes ces antithèses du jeu vidéo, on trouve un seul et unique titre original. Et je vais me faire fort de vous démontrer à quel point il en vaut la peine.
HENRY ATTRAPE SON PARAPLUIE
Henry Hatsworth est un aventurier, mais du style dandy jusqu’au bout des ongles. Colosse moustachu qui n’a rien à envier au colon de Jumanji, il porte un chapeau-melon, un monocle et une canne et ne boit que le thé que lui prépare son majordome. Le vieux beau est à la recherche du costume du Gentleman, ainsi nommé d’après son créateur, une entité quasiment divine aujourd’hui disparue. Le costume permet à son porteur de voyager dans le Royaume du Puzzle, qu’Henry va devoir restaurer après en avoir accidentellement brisé l’équilibre.
HENRY SE HÂTE, HENRY SE MÉFIE
À première vue, il ne fait nul doute qu’Henry Hatsworth : l’Incroyable Expédition est un bête jeu de plates-formes dans la veine d’un certain plombier moustachu bien connu. La quête qu’il propose se compose de cinq mondes, chacun constitué de plusieurs niveaux - dont certains bien cachés - et gardé par un boss. Jungle, îles flottantes, volcan sous-marins ou visite guidée de Londres, le programme semble alléchant.
Rien que de très classique jusque là, et le maniement d’Henry est sensiblement identique à celui de nombre de ses contemporains. Vous vous déplacez à la croix directionnelle et utilisez les boutons B pour sauter (y compris vers le bas avec bas plus B ou depuis un mur avec B plus l’une des gâchettes au choix) et Y pour frapper. Vous pouvez donner quatre coups de canne de suite ou réaliser une balayette (bas plus Y) ou une attaque haute (haut plus Y).
Ce sera à peu près tout durant le premier niveau. Ce n’est qu’à partir de là que le jeu dévoile sa fantastique trouvaille : lorsque vous tuez un ennemi, il ne meurt pas vraiment, il est transformé en bloc de couleur sur l’écran du bas, dans ce qui s’apparente à un puzzle-game ! Et si vous n’y faites rien, il reviendra vous hanter sur l’écran du haut !! Il est donc possible, à tout moment, de commuter entre les deux écrans.
La partie puzzle ne ressemble à rien de ce que je connais en la matière, mais n’étant pas expert, je ne saurais trop me prononcer sur la question. Concrètement, des lignes de blocs de différentes couleurs apparaissent continuellement depuis le bas de l’écran et remontent vers le haut. Lorsque les ennemis sont détruits par Hatsworth, ils viennent s’intégrer à ces blocs, soit sous forme de faces qu’il faudra détruire pour éviter que le monstre ne revienne nous hanter, soit sous forme de cœurs, qu’il faudra détruire aussi si l’on veut bénéficier des bonus qu’ils prodiguent (entre autres choses, des cœurs pour restaurer la jauge de santé).
Pour faire disparaître un bloc, il faut l’aligner avec deux autres blocs de la même couleur, horizontalement ou verticalement. Le truc, c’est que l’on ne peut déplacer les blocs que par groupes de deux horizontalement. Ce n’est donc pas la même chose qu’un Puyo-Puyo où l’on peut les faire tourner. En outre, ils sont déplacés, et pas intervertis comme dans un Bejeweled. Notez enfin que s’il y a une case vide en dessous d’un bloc, le bloc en question tombe d’un cran, soumis qu’il est à la gravité.
Autre point important, il n’est pas possible de rester ad vitam aeternam sur l’écran du bas : il y a une jauge de temps à gauche de l’écran, et lorsqu’elle est vide, vous êtes contraint de retourner sur l’écran du haut. Tant pis pour vous si vous n’avez pas éliminé tous les monstres durant le temps imparti. Et les lignes de l’écran du bas ne s’arrêtent jamais de monter, même lorsque vous jouez sur l’écran du haut !
Cependant, tout ne concourt pas à votre perte. Ainsi, plus vous réalisez d’enchaînements dans le casse-tête, et plus vous remplissez une jauge de super (qui est vachement moins cher que chez Total, on s’en doute). Une fois pleine, la jauge vous permet d’utiliser votre tromblon, en appuyant sur la touche A. Vous trouverez trois types de munitions pour le vieux fusil : des balles standard, des bombes et des boomerangs (sisi). Mieux, vous pourrez réaliser des super-attaques en adjoignant une direction au bouton A, super-attaques qui diffèrent selon la munition : haut plus A permet de projeter un gigantesque rayon laser si vous êtes armé de balles standard, ou de vous entourer d’un bouclier si vous êtes armé de boomerangs, par exemple.
Mieux encore, si vous parvenez à remplir doublement la jauge de super, vous pourrez, en appuyant sur le bouton qui apparaît à l’écran, déclencher le Tea Time. Contrairement au flegme anglais que cette appellation évoque, Henry revêt le costume imposant d’un puissant robot et se retrouve totalement invulnérable pour une courte période, façon Champignon Géant dans New Super Mario Bros. Une fois l’invincibilité terminée, votre jauge de super est entièrement vidée.
Notez enfin la possibilité de collecter des pièces d’or sur votre chemin. Vous vous en servirez ensuite auprès de votre majordome (le petit personnel coûte cher) pour obtenir de précieuses augmentations de vos capacités.
C’EST HENRY HATS’ C’EST BIEN LUI
Amateurs de jeux de plates-formes comme de puzzle-games, Henry Hatsworth : l’Incroyable Expédition est une véritable pépite qui réunit en une seule cartouche ces deux genres à priori pas fait pour se rencontrer. Et ce sous la bannière ô combien jouissive d’un humour sans faille bien amené par les savoureux dialogues.
L’humour n’est pas en reste non plus côté graphique, le titre se parant de visuels caricaturaux du plus bel effet, de couleurs chatoyantes et d’animations parfois bien loufoques, en témoigne la transformation en robot sur fond de Drapeau de l’Union (ou Union Flag, on ne l’appelle Union Jack qu’en mer, pour rappel). Et ce ne sont pas les mélodies entraînantes qui vont faire baisser le moral des troupes, pas plus que la grosse voix ridicule de notre héros so British.
Mais si tout cela vous donne du baume au cœur, c’est pour mieux vous le poignarder dans la foulée. Le système de jeu n’est pas des plus limpides, mais vous le dompterez sans trop de problèmes après quelques minutes de jeu. Non, ce qui pose vraiment problème, c’est l’écœurante difficulté que le jeu affiche passée la première moitié de l’aventure. Il faut quasiment apprendre le jeu par cœur et faire preuve de nerfs solides pour espérer voir la fin d’une quête il est vrai pas bien longue, ceci compensant cela.
Le titre d’EA Tiburon n’est donc pas exempt de défauts de jeunesse qui, on l’espère, seront corrigés lors d’une hypothétique prochaine aventure. Car à l’heure actuelle, si je ne dis pas de bêtises, le brave Henry savoure une retraite bien méritée. Une cup of tea à la main, bien entendu.