Avec un titre pareil, Square Enix a fait le pari de toucher les vieux briscards, ceux qui ont connu la série Final Fantasy à l’époque où l’on incarnait encore des héros noname. Une époque où les scenarii tarabiscotés ne faisaient pas la loi en matière de RPG, où tout était simple : un méchant faisait régner la terreur, et on partait la fleur au bout du fusil pour lui botter le cul. Simplicité que l’on retrouvait jusque dans le système de jeu, qui se voulait le plus basique et répétitif possible. Bref, un temps où il faisait bon explorer les mondes merveilleux du RPG nippon, et c’est précisément ce temps-là que Square Enix nous propose de revisiter. Préparez vos balluchons, astiquez vos épées (non, pas celle-là) et chaussez vos bottes, on est parti.
RECHERCHE HÉROS DÉSESPÉRÉMENT
Au début de la partie, vous devez nommer vos quatre héros. Vous pouvez aussi préférer les noms par défaut, auquel cas ils se nommeront Brandt (comme votre machine à laver), Jusqua (comme dans « jusqu’à quand ? » Ça passe mieux à l’oral), Yunita (comme dans… je ne sais pas) et Aire (comme « dans quel état j’erre ? » Ça passe définitivement mieux à l’oral). Pour les besoins de ce test, nous utiliserons les noms par défaut.
Brandt est un adolescent de quatorze ans à qui son roi, sans doute assez peu au fait de l’âge légal pour commencer à travailler, demande d’aller sauver la princesse sa fille, enlevée par une méchante sorcière. Chemin faisant, Brandt va rencontrer les trois autres, et triompher de tous les dangers avant de revenir au bercail… Un bercail qui a été transformé en pierre ! Les quatre nouveaux amis, qui vont devenir les quatre Héros de la Lumière du titre du jeu (c’est long, comme distinction), partent donc en quête pour tenter de sauver les leurs.
COLLUSIONS À RÉPÉTITIONS
Final Fantasy : The 4 Heroes of Light est un jeu de rôle à l’orientale. Comprenez par là qu’il nous impose un parcours scripté, contrairement aux titres occidentaux généralement plus ouverts. Il s’agit d’un RPG classique, avec des combats qui se déclenchent aléatoirement et se résolvent au tour par tour. Le jeu suit un schéma ville > donjon > atlas relativement linéaire. En gros, vous arrivez dans un bled, vous vous reposez, vous faites deux-trois emplettes et vous mettez la main sur le pékin qui a besoin de votre aide. Partant de là, vous trouvez le donjon où se trouve l’objet dont le gars a besoin, vous vous farcissez des pelletées de monstres, vous réglez son compte au boss de service et vous revenez en ville la tête haute et les poches bien remplies (enfin, pas trop remplies, nous verrons pourquoi plus loin). Il ne vous reste alors plus qu’à reprendre votre route jusqu’au prochain bled, où vous effectuerez les mêmes actions, mettant ainsi en œuvre le fameux mouvement perpétuel du jeu de rôle nippon.
Concrètement, le système de combat est trompeur. Au premier abord, on pourrait le croire d’une odieuse simplicité, mais en fait il se montre vite diaboliquement subtil. En fait, chacun de vos personnages dispose de points d’action, ou AP. Vous en aurez au grand maximum cinq, sachant qu’une attaque de base en consomme un tandis qu’une technique plus élaborée peut vous en griller cinq d’un coup. L’emmerde, c’est que vous ne récupérez qu’un AP à chaque tour de jeu. Mais si vous le souhaitez, vous pouvez sacrifier un tour d’attaque pour vous booster : vous regagnerez alors un AP supplémentaire, tout en étant protégé des attaques (comme si vous aviez effectué une garde dans un RPG traditionnel).
Le concept est déjà sympathique en lui-même, mais à ces bases s’ajoutent les couronnes. Les couronnes, c’est l’équivalent des jobs. En coiffant une couronne, vous endossez une nouvelle casquette, si je puis dire, et vos capacités vont de pair. Ainsi, n’importe qui peut réaliser un sort de soin pour peu qu’il possède le livre de magie blanche (comme dans le premier FF !), mais cela lui coûtera nettement moins cher en matière d’AP s’il possède la couronne de mage blanc.
Tout ceci est bel et bon, mais tout ceci n’est pas fini. En effet, vous pouvez améliorer l’efficacité de vos couronnes en y insérant des gemmes. Gemmes que vous ramasserez sur les cadavres fumants de vos adversaires, parce qu’ici les lapins agros et les concombres tueurs ne se baladent pas avec les bourses pleines (de pièces), mais avec des gemmes. Allez comprendre. Le truc c’est que du coup, cela introduit un dilemme : allez-vous utiliser les gemmes pour décorer vos couronnes, ou préfèrerez-vous les échanger contre des pépettes, histoire de vous payer cette cotte de mailles qui vous fait de l’œil dans la vitrine de l’armurier ? Et inutile d’espérer revendre les objets que vous avez glané dans les donjons, vu que votre inventaire est très limité et que plusieurs places sont déjà prises par votre équipement. Ou alors, si vous n’avez que ça à faire, vous pouvez faire des allers-retours dans les donjons, et stocker toutes vos trouvailles dans l’entrepôt de chaque ville. Mais c’est lourd.
JE VOUS PARLE D’UN TEMPS…
Ma première impression vis-à-vis de ce jeu n’a pas été des plus flatteuses : je l’ai trouvé moche, chiant et difficile. Mon premier game over est survenu après un petit quart d’heure de jeu, suite à quoi j’ai compris que je n’étais pas dans un RPG « moderne » comme on en trouve à présent, mais dans un vrai morceau de vieille école. Alors je me suis remis dans l’optique de pratiquer un RPG à l’ancienne, et bizarrement, mes vieux tics me sont vite revenus. Final Fantasy : The 4 Heroes of Light m’a ramené dans le temps !
Un temps où tout était d’une laideur infâme, et où cela nous convenait parfaitement. Bon, je dois reconnaître qu’ici ce n’est pas tout à fait la même impression qui prévaut. Enfin si, on trouve toujours ça très moche, mais à l’heure de la full HD, de la 3D relief et des 4000 dpi, il faut bien avouer que ces polygones rudimentaires, pas détourés, stylisés à l’extrême et badigeonnés de couleurs marronnasses font légèrement mal au cul une fois qu’on les a ôtés du prix de vente public, même si ledit prix public n’est que de trente euros.
En contrepartie, il s’agit d’un véritable petit dessin animé interactif, où tout bouge à la perfection, où même les champs de maïs ondulent sous le vent, et il se dégage finalement un certain charme bucolique à parcourir ces décors tellement classiques, comme figés dans le temps. Même la partie sonore se montre d’une qualité minimaliste et, là encore, on ne sait pas trop s’il s’agit d’un exercice de style ou si les limites techniques de la bécane se font jour.
Cependant, s’il est un point qui devrait mettre tout le monde d’accord, c’est le gameplay. Final Fantasy : The 4 Heroes of Light représente un véritable retour aux sources, alors que les épisodes principaux se noient dans du pseudo-temps réel et des systèmes de jeu tellement alambiqués que cela en devient ridicule. Ici il n’y a pas des milliards d’options, il n’y a qu’un jeu simple et accessible d’entrée, mais qui recèle malgré tout des trésors de profondeur insoupçonnés.
La difficulté est également au rendez-vous, et la durée de vie médiocre pour un jeu du genre, presque comme à la belle époque. Vous aurez besoin de faire des heures et des heures de charclage de mobs pour grimper de quelques niveaux, salutaires face aux boss. Vous aurez besoin de conserver précieusement votre argent pour espérer vous acheter les meilleurs équipements. Vous aurez besoin de parler douze fois à tous les autochtones pour trouver quelle est la suite à donner à vos aventures. Vous aurez besoin de dresser une carte des donjons pour éviter de vous y perdre. Bref, vous aurez besoin de reprendre vos bonnes vieilles habitudes, que les récents jeux de rôle vous avaient fait perdre.
Pari réussi. Si l’on fait abstraction du style graphique, Final Fantasy : The 4 Heroes of Light est une réussite pour tous les nostalgiques des années 80. Et pour ceux qui aiment ce genre de visuels, vous pouvez allègrement rajouter deux points. Sisi, allez-y, c’est pour moi.