Diversification. Tel est le maître-mot qui a permis à la saga Final Fantasy d’accoucher de son principal spin-off : la sous-saga des Chocobos, du nom de la mascotte emplumée de Square. Outre le Chocobo World destiné à la Pocketstation et accompagnant Final Fantasy VIII, le gros poussin a connu une brillante carrière sur PlayStation (dungeon-RPG, jeux de course, jeu de plateau…), puis a migré sur les portables de l’époque, la WonderSwan Color et le Game Boy Advance. C’est sur DS qu’il nous revient plus en forme que jamais, dans un titre qui n’hésite pas à mélanger les genres.
CONFLIT D’INTÉRÊT
Le scénario du jeu est relativement basique, mais le message sous-jacent est plus important. L’histoire débute alors que le Chocobo répondant au doux nom de Boco vit paisiblement avec de nombreux congénères ainsi qu’avec la magicienne blanche Sherma et le mage noir Croma. Ce dernier vient de trouver un vieux livre que Sherma s’empresse d’ouvrir. Mal lui en prend, puisque ce faisant, elle libère le seigneur démoniaque Bebuzzu et tous les Chocobos, à l’exception de notre héros, sont aspirés à travers l’ouvrage.
L’idée que semble vouloir nous faire parvenir Square-Enix, idée d’ailleurs identique ou presque à celle des récents Final Fantasy Tactics Advance, est que la lecture est une distraction dangereuse ! Le géant du jeu vidéo prêcherait donc pour sa paroisse, un peu comme lorsque les reportages télévisés nous affirment que le jeu vidéo rend fou ? Cette thématique est en tout cas une sorte de leitmotiv des productions récentes de la firme, chose d’autant plus dommageable que les trois jeux cités (celui-ci et les deux FFTA) sont clairement destinés à une clientèle jeune, déjà peu friande de lecture en règle générale.
POT POURRI
Bref, foin d’analyses bancales, le mystère reste entier. Quoi qu’il en soit, Final Fantasy Fables : Chocobo Tales est un titre difficile à classifier, puisqu’il propose à la fois des phases d’exploration à la Zelda, des mini-jeux à la Wario Ware et du RPG light à la Baten Kaitos. Un étrange mélange pas toujours digeste.
Concrètement, l’aventure se découpe en six chapitres durant lesquels nous allons suivre les pérégrinations de Boco, alors qu’il tente de délivrer ses malheureux compagnons. Pour ce faire, il devra entrer dans les différents livres d’images et y relever plusieurs challenges. La partie exploration est assez minimaliste et consiste donc surtout à trouver ces livres, mais le joueur peu avare de son temps peut aussi partir à la recherche de nouveaux mini-jeux, optionnels : ceux-là n’impactent pas le scénario, il n’est pas obligatoire de les terminer pour conclure l’aventure.
Une fois entré dans un livre, le joueur a droit à un petit conte lui expliquant le contexte du mini-jeu auquel il va devoir participer. Ce n’est qu’à partir de là que les choses sérieuses débutent enfin. Les épreuves sont diverses : il peut s’agir de « piloter » un Adamankhelone (les espèces de tortues) lors d’une course, de faire rebondir notre héros jusqu’aux sommets, de jouer de la musique ou encore de nager sous l’eau. Tout ceci au moyen exclusif du stylet. D’ailleurs, la majeure partie du jeu s’effectue uniquement via l’écran tactile de la machine.
Outre l’exploration et les mini-jeux, vous aurez également à faire valoir vos droits sur les quelques boss du jeu. Les combats s’apparentent à un duel de cartes façon Yu-Gi-Oh / Baten Kaitos. Les cartes sont obtenues auprès de certains personnages, lors de vos explorations, ou en cadeau pour avoir remporté les mini-jeux (ceux de la quête principale ou les épreuves annexes). Il existe en tout cent vingt-deux cartes normales plus cinq secrètes. Charge à vous de constituer votre paquet en fonction de votre adversaire (pour combattre Ifrit, évitez les cartes à base de feu par exemple), puis place au combat. Les duels de cartes sont basés sur deux principes simples : la supériorité de tel type de cartes sur tel autre type, et la rapidité d’exécution. En effet, même s’il s’agit de tour par tour, le premier qui dégaine sa carte attaque en premier.
Notez qu’il est possible de se défier en local ou via le wifi, sur les mini-jeux comme sur les duels de cartes.
IDENTITÉ FRAGMENTÉE
L’intérêt d’un jeu tel que Final Fantasy Fables : Chocobo Tales reste difficilement quantifiable. Soyons honnête, il ne s’agit sans doute pour Square-Enix que d’un ticket d’entrée pour une cible pas forcément acquise. Les plus jeunes peuvent en effet être un peu rebutés par les univers bizarroïdes développés dans les autres titres de la firme, et ce Chocobo Tales leur permet de découvrir l’éditeur par le petit bout de la lorgnette.
Ainsi, le jeu est plutôt mignon. La 3D est de qualité, l’univers est très coloré, l’ambiance sonore joue la carte de la féérie, les personnages sont à croquer et ne lésinent pas en matière de mimiques humoristiques, encore renforcées par les dialogues à la limite de la niaiserie. Si le joueur lambda avait encore un doute, non : cette aventure n’est clairement plus de son âge.
En outre, et c’est une tare commune à de nombreux jeux pour enfants, le principe des mini-jeux est à la fois d’une simplicité extrême et d’une grande répétitivité. Là où un Wario Ware propose un nombre invraisemblable d’épreuves très courtes mais très variées, celles de Chocobo Tales se répètent ad nauseam. La difficulté est au ras des pâquerettes, et sorti de quelques duels de cartes (et encore, je bloque surtout parce que je n’en ai pas bien compris les règles et que j’ai donc surtout joué au pif), il est compliqué de faillir à sa mission. Une mission en outre fort courte, qui ne vous retiendra qu’une poignée de minutes.
Un propos malhabile, un enrobage tout en guimauve, une manière de jouer redondante et un challenge quasi-nul. Nous sommes ici dans ce que le casual gaming peut faire de pire. Les voies du marketing sont bien sûr impénétrables, mais on peut se demander malgré tout si cette approche rend vraiment service à Square-Enix, au-delà de l’argent facile qu’a dû rapporter le jeu à sa sortie. Ce n’est pas en s’aliénant sa principale cible que la firme qui tourne carré en sortira grandie.