Sous titré L’épopée des Elus, Dragon Quest IV est le second épisode de la licence à parvenir jusque chez nous. Dans une version toute belle toute neuve, qui nous permet d’en profiter enfin en français, dix-huit ans après !
Le jeu est sorti aujourd’hui, j’y joue depuis ce matin et il est testé à chaud. Eh oui, c’est ça Emunova : du très très vieux, et du très très neuf.
PULP FICTION
A la manière du film culte, le jeu est composé de cinq histoires distinctes, et on ne comprend le rapport qu’à la fin.
Lors du premier chapitre, vous incarnez Ragnar McRyan, capitaine de la garde du royaume de Bastione, lancé à la poursuite d’enfants mystérieusement disparus.
Le deuxième chapitre nous met dans la peau attrayante d’Alina, tsarine de Zamoksva, qui s’enfuit de sa cage dorée pour participer à un tournoi contre la volonté de son roi de père.
Dans le troisième chapitre, on retrouve Torneko Taloon, le fameux marchand ambulant présent dans tous les premiers épisodes et héros officieux des Slime Morimori Dragon Quest. Il veut comme d’hab’ devenir le plus grand marchand du monde.
Le quatrième chapitre met en scène les sœurs Mina et Maya, deux enfants de la balle (dans le sens « spectacle itinérant / cirque » hein, pas dans le sens « ouaich, zyva, c’est trop d’la balle ») qui veulent venger l’assassinat de leur père alchimiste par un inconnu.
Enfin, le cinquième chapitre vous propose d’incarner le Héros, celui qui n’a pas d’autre nom que celui que vous lui donnez. Tout commence dans un paisible village, mais…
RETOUR AUX BASES
Après une courte intro, juste le temps de voir à quoi ressemble le Héros, de lui donner un nom et un genre - oui, vous pouvez incarner une Héroïne si vous voulez - et de se familiariser aux commandes, vous entrez dans le premier chapitre.
Pour ce qui est de ces commandes, elles sont fort simples : vous dirigez votre personnage principal (les autres le suivant comme des chiens) sur toute la surface de jeu vue de trois quarts haut, le bouton A sert à ramasser des objets, parler, lire, etc. Le bouton X permet d’entrer dans le menu de jeu, où vous validez vos choix avec A et les annulez avec B.
Et donc vous prenez en main Ragnar, et vous découvrez ou redécouvrez le bon vieux principe des DraQue, qui n’a pas varié d’un pouce en huit épisodes. Dans chaque village ou presque, vous trouverez des habitants à qui parler, qui vous donneront des indices sur votre quête ou se contenteront de déblatérer sur la pluie et le beau temps, une auberge pour dormir et soigner votre équipe, une église pour sauvegarder, ressusciter un allié mort, ou vous libérer d’une malédiction, et des échoppes.
Dans n’importe quel DraQue, les magasins sont de trois types : objets (herbes curatives et divers objets vous permettant de vous débarrasser d’un état gênant), armures et armes. Pour ce qui est de ces dernières, que ceux qui ont connu la saga avec le huitième épisode soient rassurés : il n’y a plus de notion de maîtrise d’armes. Ce qui signifie que peu importe le type d’arme, si une lance est plus forte que l’épée que vous possédez, alors vous serez plus fort en l’équipant.
Les autres points d’intérêt de la carte du monde, hors villes et villages donc, sont des donjons. Là, pas de surprise, vous combattez des streums lors de rencontres aléatoires, vous ramassez le plus de trésors possible, parfois bien cachés (lorsque c’est possible, faîtes pivoter la caméra avec les gâchettes L et R), et généralement vous affrontez un boss, ce qui vous permet de résoudre la quête en cours, et donc de pouvoir entamer la suivante.
Pour passer d’un endroit à l’autre, il vous faudra parcourir l’atlas du monde, dont la carte se révèlera sur l’écran du haut à mesure que vous visiterez des portions du monde. Ici encore, de nombreuses rencontres alternatives vous attendent.
Ce qui m’amène naturellement à vous parler des combats. Ceux qui connaissent la série ne seront pas surpris, ceux qui sont habitués aux RPG new age un peu plus. Dans DraQue, quel que soit le numéro derrière, le système est le même : vous choisissez tout d’abord si vous voulez affronter l’ennemi ou fuir, puis vous avez le choix entre très peu d’options.
Frapper à la main, utiliser un sort, consommer un objet, ou vous défendre. Pas d’invocations, pas de trucs genre limites ou autres, pas de surprises : le principe est roots et ne variera pas d’un gramme de tout le jeu.
Lorsque vous attaquez, il vous faut choisir une cible bien entendu. Certains ennemis sont regroupés par paquet de deux ou trois, et si vous possédez une arme ou un sort capable de frapper un groupe, c’est tout bon pour vous. Bon, bien sûr, le mieux est encore une arme ou un sort qui frappe tout le monde hein, ça va plus vite.
En fin de combat, vous gagnez un peu d’or (une denrée rare dans n’importe quel DraQue), parfois un objet laissé par un monstre mort, et des points d’expérience. En cumulant ces derniers, vous finirez par grimper en niveaux. Ceci améliore vos points de vie et de magie (sauf pour les guerriers qui resteront à zéro quoi qu’il se passe), vos statistiques (force, défense, agilité, vitesse, etc.) et vos magots pourraient gagner un nouveau sort, c’est le seul moyen d’obtenir de nouvelles magies.
QUELQUES GRAMMES DE FINESSE DANS UN MONDE DE BRUTES
Une heure et demi plus tard, vous avez terminé le premier chapitre et entamez le second, et je ne vous ai toujours pas parlé du menu. L’erreur est réparée puisque j’y viens.
Il se compose de six icônes. Deux d’entre elles, Parler et Examiner, sont inutiles puisqu’il vous suffit d’appuyer sur A devant une personne ou un objet pour obtenir le même résultat.
L’icône Magie vous permet d’utiliser un de vos sorts hors combat, y compris ceux des persos secondaires. En effet, il n’est pas rare dans le jeu que vous recrutiez des persos un peu particuliers, qui rejoignent votre équipe de cogneurs et participent au combat sans que vous ne puissiez choisir quoi leur faire faire : ils jouent tous seuls. Du coup, leurs magies sont utilisées au hasard durant les bastons, mais vous pouvez les utiliser à loisir hors combat.
L’icône de cœur vous permet de vérifier les statistiques de vos combattants.
L’icône d’objets vous permet d’accéder à votre inventaire. Celui-ci est éparpillé entre les différents membres de l’équipe (jusqu’à quatre persos), avec une limite de douze items transportables par perso. Une fois la limite atteinte, le reste des objets que vous gagnez est placé dans votre sac qui, lui, est inaccessible en combat. Alors choisissez bien. Mais même le sac a une limite. Heureusement, lorsque Torneko fera partie de votre équipe, vous pourrez stocker des objets dans sa carriole, mais vous devrez à chaque fois aller les y chercher si vous en avez besoin.
Dans le menu d’inventaire, vous pouvez utiliser un objet, mais aussi le transférer (à un autre perso ou dans votre sac), l’abandonner pour faire de la place ou l’équiper / le déséquiper, dans le cas des armes et armures.
L’icône Divers, enfin, vous ouvre un sous-menu dans lequel vous pourrez :
soigner toute l’équipe d’un coup,
équiper vos combattants, mais l’interface est moins claire qu’en passant par l’inventaire,
aligner vos persos, donc choisir quelle place ils vont prendre sachant que la première reçoit en général le plus de dégâts,
organiser vos objets, c’est-à-dire mettre dans le sac ce qui vous semble inutile,
trier vos objets, par type ou ordre alphabétique,
voir vos stats de combat,
créer une sauvegarde rapide (notez que vous pouvez mettre le jeu en veille en refermant la DS),
et régler deux-trois paramètres.
D’autres subtilités issues de la version originale ou des épisodes ultérieurs viendront se greffer à tout ça, mais je dois vous laisser découvrir ça par vous mêmes.
PLUS CA CHANGE, PLUS C’EST PAREIL
N’ayant jamais joué à la version Playstation, je ne saurais la comparer à celle-ci. Donc je vais me contenter d’un DS versus NES.
Au niveau du scénario, pas de miracle : on est bien dans un DraQue. C’est assez insipide au regard des productions actuelles, mais c’est le meilleur que l’on puisse trouver dans la saga. Le système de chapitrage est génial, il permet de s’attacher à chaque perso annexe du chapitre final, alors que dans la plupart des RPG leurs histoires respectives ne nous sont comptées qu’à travers une ou deux phrases, voire au mieux un flashback.
Quelques scènes de dialogues ont été rajoutées dans cette version (notamment l’intro), ainsi qu’une explication sur « Pourquoi les marchands nous rachètent-ils notre équipement vétuste ? ». La réponse est simple, et tous les commerçants donnent la même : « Justement, je cherchais à mettre la main sur une vieille épée en bois toute pourrie, merci. ».
Mais surtout, la traduction intégrale en français, très correcte et dotée de petits passages humoristiques comme l’accent russe avec les R inversés, permet enfin de profiter réellement du jeu.
Visuellement, c’est époustouflant. L’original avait souffert de sa comparaison avec Final Fantasy IV, justement parce qu’il sortait sur la NES pré-retraitée. Désormais, DraQue IV n’a plus à rougir de la comparaison : de superbes décors en 3D sur deux écrans, des couleurs vives, des persos SD mignons à croquer et les artworks de Toriyama lors des combats, cette conversion est bien supérieure à celle de FF IV.
Côté animations, même si on reste dans un RPG, avec tout ce que cela comporte de persos statiques, la version DS est une nouvelle fois supérieure à son aînée. Les ennemis bougent enfin en combat, et de manière vive et réaliste qui plus est. Par contre, on ne voit pas les héros. C’était déjà le cas à l’époque, mais Dragon Quest VIII m’avait fait espérer du changement de ce côté-là. Le plus gros morceau de bravoure, c’est les nombreux décors en full 3D, avec une caméra orientable à souhait, et SUR LES DEUX ECRANS ! Alors, qui c’est qui disait que ça n’existerait jamais sur DS, hein ?
Musicalement là encore, avantage à la Dual Screen. Comparées aux thèmes huit bits épuisants, les nouvelles réorchestrations permettent de profiter du talent de Sugiyama. Malheureusement, la variété n’est pas de mise puisque l’on retrouve en intégralité des morceaux déjà connus. Simplement, ce remix est de bien meilleure qualité, c’est même totalement incomparable.
La jouabilité est la même que celle des sept premiers opus originaux. C’est là la force et la faiblesse de n’importe quel DraQue. Le gameplay extrêmement simpliste impose une discipline de fer et une certaine rébarbativité (ça se dit ?) dans les combats. Ce qui implique le succès constant de la série auprès des fans, et son imperméabilité à un nouveau public, adepte de plus de fantaisie.
Malgré tout, cette version bénéficie de la nouvelle traduction des objets et magies apparue lors de la sortie européenne de DraQue VIII, et qui rend réellement l’inventaire plus simple d’accès. D’autant que les objets s’accompagnent de gros icônes facilement reconnaissables désormais.
Malgré un enrobage plus doux, DraQue IV DS reste un DraQue, et donc il reste difficile. Le levelling est obligatoire. Il est long et fastidieux, les objets coûtent cher et la simplicité du gameplay implique un bon sens tactique lors des combats.
Malgré tout là encore, Square / Enix a arrondi les angles. Par rapport à la version NES, la montée en niveaux est plus simple, les ennemis sont moins virulents et rapportent plus d’argent, l’équipement est moins cher à l’achat, plus cher à la revente, les cadeaux apportés par les Médailles (objet de la quête secondaire la plus importante dans n’importe quel DraQue) sont plus nombreux et plus faciles d’accès…
Qui plus est, le double écran permet une exploration plus facile des donjons, et le sac apparaît dès le début du jeu. Oui, parce qu’il y a un truc que je vous ai pas dit à propos du sac : si vous y placez un objet, mettons dans le premier chapitre, vous le retrouverez dans le second et les suivants. C’est chouette la vie, hein ? Bref, là où DraQue IV NES était limite infinissable, DraQue IV DS est juste un peu plus difficile que les RPG pour Kevin que l’on a actuellement.
Du point de vue durée de vie, l’aventure originelle est déjà fort raisonnable. Ce n’est pas parce que le premier chapitre est très court que les autres le sont aussi, et on progresse à petits pas dans un DraQue.
En plus de ça, un chapitre bonus a été rajouté, avec tout ce que cela comprend de donjons bonus et de quêtes secondaires.
Dragon Quest IV est une nouvelle fois une franche réussite. Dépassé lors de son arrivée sur Famicom, il s’est offert un lifting de luxe, lors duquel ArtePiazza nous montre une fois encore, si jamais on en doutait, toute l’étendue de son talent.
Ce n’est qu’un remake, mais un qui prend en compte les défauts du modèle pour en faire quelque chose de mieux. Et puis de toute façon il y a peu de chances que vous ayez déjà goûté à la version NES, donc ce sera une nouveauté pour beaucoup d’entre vous, à la différence des FF qui se paient un dégraissage tous les ans.
Malgré tout, je sais que ce jeu ne remportera pas tous les suffrages. Il n’innove pas, il reste dans les balises du genre imposées par le premier DraQue et semble dépassé aujourd’hui, en terme de gameplay. Bref, il est roots à fond, et déplaira probablement à ceux qui ne se sont mis aux RPG qu’avec FF7, c’est-à-dire à la majorité des joueurs européens. Mais qu’à cela ne tienne, si vous êtes fans de la saga ou avec simplement adoré le huitième opus, venez goûter aux charmes du meilleur épisode de la série.