La Nintendo DS est sans doute la console qui s’adresse à la tranche d’âge la plus large qui soit de l’histoire du jeu vidéo. Malgré cela, la majorité de ses titres sont « grand public », et surtout destinés aux plus jeunes. De ce fait, un genre est logiquement sous-représenté sur ce support : le survival-horror. Le studio Renegade Kids entend bien changer la donne, ou du moins y contribuer. Après un premier épisode de Dementium, figurant parmi les plus gros hits de la machine, ils récidivent dans une suite qui conserve les qualités de l’original, y ajoute quelques innovations, mais qui ne corrige malheureusement pas certains petits défauts. Dementium II sera-t-il la bombe tant attendue ? Voyons cela en détail…
On prend les mêmes et on recommence…
Prenons tout d’abord quelques lignes pour parler du premier jeu de la série. Dementium : The Ward (« l’Asile ») est un FPA (First Person Adventure) avec quelques séquences de shoot mêlées à de petites énigmes sympathiques, le tout enveloppé dans une magnifique ambiance glauque et morbide à souhait. Dementium II se révèle être une suite digne et fidèle à son prédécesseur, puisqu’il s’inscrit dans l’exacte continuité de ce dernier. Vous incarnez toujours William Redmoor et affrontez une nouvelle fois la folie sanguinaire et impitoyable de votre esprit schizophrène. Celui-ci est encore plus fourbe et brutal qu’auparavant ; vous n’êtes donc pas au bout de vos surprises. L’action se déroule au cœur d’un vieux pénitencier, reconverti en centre de traitement pour patients atteints de graves troubles psychotiques et psychosomatiques. Son nom ? « Nouvelle Aube ». Peu d’informations sont disponibles à propos des expériences qui y sont menées ; tout juste apprend-on au cours de l’aventure que certains patients en phase 2 ont parfois les os tellement saillants qu’ils se découpent la chair de l’intérieur… Charmant. Sont-ils vraiment en train de vous soigner ou mènent-ils des expérimentations biologiques sur vous ? Impossible, déjà, de savoir si cela n’est pas encore un mauvais tour que vous joue votre esprit dérangé. Toujours est-il que vous vous réveillez après avoir subi la première phase du « traitement », qui consiste en une opération au cerveau. Les circonstances laissent d’ailleurs imaginer que les évènements du premier opus n’étaient que le fruit de votre imagination, à travers un horrible cauchemar dont vous vous éveillez, enfin, suite à cette intervention. Le cadre qui vous entoure semble calme et sain. Encore un peu groggy, vous êtes reconduit à votre cellule pour vous y reposer. Tout juste avez-vous le temps d’observer les alentours que, déjà, votre esprit redisjoncte…
Tout un lot de nouveautés
L’aventure se déroule tout comme dans le premier : vous déambulez dans les couloirs et diverses pièces, fouillez chaque recoin, résolvez des petites énigmes et, bien entendu, vous tuez tout ce que vous rencontrez qui vous est hostile. Néanmoins, il arrivera souvent que vous soyez transporté dans… un monde alternatif. Une sorte de côté obscur de la réalité, dans lequel les niveaux possèdent la même architecture mais avec un chemin qui s’offre à vous différemment. Ainsi, alterner entre l’ombre et la lumière vous permettra de toujours progresser, même lorsque vous semblerez bloqué. Pour ceux craignant que ce système soit compliqué à utiliser, rassurez-vous : vous ne contrôlez rien et tout se fait de manière automatique le moment voulu, ou lorsque vous récupérez un objet en particulier. Justement, ces transpositions se produisant de façon souvent inattendue, certains regretteront que l’on ait plus l’impression de subir que d’agir ; mais ça ne vous empêchera pas d’être scotché à votre petite portable, tant ces phases de jeu rendent le titre prenant.
Certains ennemis sont directement importés de The Ward, mais de nouveaux font leur apparition, variés et diversifiés. Deux d’entre eux sont vraiment marquants : les colosses et les ombres. Les premiers sont des géants aussi larges que hauts qui chercheront à vous aplatir comme une crêpe ; les affronter ne sera pas une partie de plaisir. Les seconds quant à eux sont, comme leur nom l’indique, des ombres, qui vous poursuivent inlassablement lorsque vous vous trouvez dans la même pièce. Elles ne vous attaquent pas directement et vous ne pouvez pas les tuer, juste les esquiver ; car si elles vous touchent, elles vous téléportent dans une pièce située du côté obscur, dans laquelle il faudra faire le ménage et éliminer tous les ennemis présents pour pouvoir revenir au monde normal. Vous les rencontrerez essentiellement dans la chaufferie, là où le chemin est étroit et labyrinthique. Stress garanti.
Le gameplay a connu lui aussi quelques modifications. Votre progression est toujours sauvegardée à la fin de chaque niveau, mais il est maintenant possible de le faire en cours de partie par le biais de miroirs, situés généralement avant les boss ou des passages délicats. Un système d’inventaire a vu le jour, permettant d’emporter avec soi munitions, médicaments et divers objets importants. Limité en place, il vous faudra le gérer stratégiquement, au risque parfois de « consommer » vos objets de soin pour emporter plus de munitions, ou vice-versa. Puisque l’on en parle, deux nouveaux objets viendront vous rendre l’aventure plus facile : les kits de soin, qui vous soigneront intégralement, et les seringues de stimulant, qui augmenteront la vitesse de vos déplacements ; fort utile face aux boss, notamment le dernier. Autre nouveauté de taille, notre héros est désormais ambidextre. Si le charme de Dementium : The Ward venait du fait qu’il fallait éteindre votre lampe-torche au moment de sortir votre arme, et ainsi combattre dans l’obscurité, dans le II ce cher William est enfin capable de tenir sa lampe et une arme de poing en même temps, ce qui apparaît quand même plus logique et réaliste. Que les fans du premier épisode se rassurent, les armes nécessitant vos deux mains vous obligeront à vous séparer de votre source de lumière ; vous retrouverez alors avec joie les mêmes sensations fournies par les affrontements dans le noir. Affrontements auxquels vous pourrez désormais participer armé d’un lance-flamme, de bâtons de dynamite, d’un boomerang artéfact magique voire même d’un surprenant pistolet à clous dévastateur. À noter que la scie circulaire est toujours votre meilleure alliée, sauf que cette fois elle possède une jauge de température et qu’il faudra bien évidemment éviter de la faire surchauffer. Enfin, certains passages vous obligeront à vous baisser ou à sauter, actions réalisables via deux icônes de l’écran tactile.
Le jeu ne se cantonne plus qu’à un simple mode solo, puisqu’un second mode appelé « survie » se débloque petit à petit au fil de l’aventure principale. Il ne s’agit point de retraverser les niveaux normaux sans munitions et/ou sans soins, mais d’une succession de pièces fermées dans lesquelles il faudra éliminer tous les monstres présents avant de pouvoir accéder à la suivante. Dans certaines vous récupérerez des munitions, des soins et bien évidemment des armes. Le but est de tuer le maximum d’ennemis avant de trépasser.
Que c’est beau !
Le moteur 3D du studio Renegade Kids est incontestablement l’un des plus impressionnants à l’heure actuelle sur Nintendo DS. Encore amélioré pour ce nouvel opus, il permet d’afficher des graphismes magnifiques tout en gardant une fluidité optimale. Le soin apporté à la modélisation des différents décors et ennemis est tout simplement ahurissant. Que ce soit au niveau des décors ou du bestiaire, le nombre de détails sur chaque élément force le respect. Il n’y a qu’à comparer le rendu graphique des monstres importés du premier Dementium avec leur ancienne « apparence » pour se rendre compte de l’énorme évolution entre les deux jeux, notamment sur le plan de l’animation, encore plus belle et mieux décomposée. Les textures sont fines, réalistes et, malgré parfois une très grande profondeur de champ, l’image reste nette et agréable à regarder. Les scènes cinématiques sont d’une beauté rare, avec un léger grain qui renforce encore plus l’ambiance glauque et sombre, tel un vieux film d’horreur. L’un des principaux défauts du premier volet était la répétitivité des décors, puisque nous étions enfermé dans l’hôpital et que seuls quelques passages dans la cour extérieure venaient nous changer des couloirs étroits ou des pièces sombres et cloîtrées. On peut dire que les développeurs ont entendu ces critiques et travaillé pour corriger cela. Certes, une majeure partie de l’aventure se déroule dans le pénitencier, mais alors que l’on s’y balade dans les différentes zones, chacune nous donne l’impression d’être nouvelle et de ne ressembler à aucune autre. De plus, comme il vous arrivera souvent de faire demi-tour dans certaines, mais cette fois du côté de l’ombre, vous n’aurez vraiment pas l’impression que les environnements se répètent. Mais ce n’est pas tout : plus d’un tiers de l’aventure s’effectue à l’air libre, dans la petite ville de Pelf bordant le pénitencier de l’horreur. Recouverte d’un épais manteau neigeux, c’est en fait une ville fantôme dont il faudra visiter le port, l’église et la mine. Question diversité ils ont mis le paquet, et c’est précisément sur ce point que Dementium II s’avère bien plus palpitant que son prédécesseur.
Niveau sonore, c’est encore une fois une véritable claque que l’on se prend en pleine figure ! Déjà au top dans le premier, les musiques au piano sont toujours aussi belles et stressantes ; elles accompagnent parfaitement l’action et sans elles, la série Dementium ne serait pas ce qu’elle est. Les bruitages sont tout aussi excellents et réalistes : plancher qui craque, résonance dans la mine, bruits de pas différents selon le type du sol et j’en passe… Même les hurlements de certains monstres vous feront froid dans le dos, tant ils sont beaux et réussis. Les doublages en français sont d’excellente qualité et, au final, il suffit de jouer à Dementium avec les écouteurs pour se rendre compte à quel point l’ambiance sonore est somptueuse.
Enfin, ayant pu m’essayer à la version canadienne, un dernier petit détail m’a assez surpris. Plusieurs langues sont disponibles sur la cartouche, et certaines textures dans le jeu changent en fonction de celles-ci. Ainsi, dans la ville de Pelf, vous trouverez des messages écrits en français sur les murs tels que « Bienvenue » ou « Danger ». Un tel professionnalisme de la part des développeurs, je leur tire mon chapeau.
Et comment qu’on y joue ?
Les habitués des FPS sur DS ou les amateurs du premier ne seront pas dépaysés ; la maniabilité est identique à ce que l’on retrouve généralement sur la petite portable de Nintendo. Vous contrôlez vos déplacements à l’aide de la croix directionnelle et une double pression dans une direction vous permet de sprinter. L’écran tactile sert à viser tandis que le bouton L sert à utiliser vos armes. Conséquence des nouveautés du gameplay, de nouvelles icônes ont fait leur apparition sur l’écran inférieur de la petite Dual Screen. Une petite icône « lampe » située en bas à gauche permet d’allumer ou d’éteindre votre torche lorsque vous utilisez votre couteau ou votre révolver. Au milieu à droite se trouvent les icônes pour sauter ou s’accroupir. Celles du gestionnaire de vos armes et de votre inventaire d’objets se trouvent respectivement en bas et en haut de l’écran ; un simple « glisser » du stylet permet de sélectionner l’objet de votre choix. Enfin, une dernière petite icône située vers le bord inférieur droit servira à recharger vos armes. La jouabilité peut être inversée pour les gauchers et il est possible, via les options, d’attribuer le saut à un double tapotement de l’écran tactile. Les commandes répondent vite et bien, les déplacements sont rapides et précis, la prise en main est quasi immédiate et l’on savoure le titre dès les premiers instants.
Malheureusement, il est temps maintenant d’aborder ses points négatifs, peu nombreux mais assez problématiques. Tout d’abord, l’IA. Dois-je faire durer le suspense plus longtemps, ou l’avez-vous déjà aisément deviné puisque je n’en ai pas encore parlé jusqu’ici ? Je trouve personnellement que je me répète souvent à ce sujet-là, mais indubitablement, seul Metroid Prime Hunters a été en mesure, à ce jour, de nous offrir une IA digne de ce nom sur Nintendo DS. Celle de Dementium II est donc assez mauvaise, vos ennemis se contentant de vous foncer droit dessus sans chercher à esquiver la moindre action hostile de votre part. Le pire, c’est qu’ils restent parfois coincés dans un élément du décor situé entre eux et vous… Affligeant. Seuls certains gardes montreront un semblant d’intelligence en se cachant derrière une table. Et encore, c’est parce que vous les trouverez déjà planqués à cet endroit. D’ailleurs rien ne pourra les en déloger, ce qui n’est guère mieux que les autres, finalement. Principale conséquence de cette IA désastreuse, le jeu se révèle bien trop facile, un comble pour un survival-horror ! Attention toutefois, cette donnée est à relativiser : elle dépend en partie de votre niveau de jeu. Mais avec un minimum de jugeote et de méthode, vous ne devriez pas avoir trop de mal à arriver jusqu’au boss final sans utiliser le moindre kit de soin, et ce même dans la difficulté maximum. Lien de cause à effet évident, l’IA et la difficulté de Dementium II en font un jeu terriblement court. Comptez à peine 5 heures pour boucler l’aventure principale. En même temps, avec seulement 5 niveaux (3 de moins que dans le premier), cela n’a rien d’étonnant. Le mode « survie » augmente légèrement la durée de vie, mais il est tellement répétitif qu’il se révèle vite ennuyeux et dénué d’intérêt.
Un titre incontournable
Nombreuses sont les suites qui déçoivent. Fort heureusement pour nous, Dementium II n’est pas de celles-ci. Ayant su se renouveler et apporter quelques innovations intéressantes, ce nouveau volet comblera tous les amateurs du genre, ce qui nous fera encore plus regretter sa faible durée de vie. Quoi qu’il en soit, le titre remplit toutes les attentes qui avaient été placées en lui, et il ne fait aucun doute qu’une suite arrivera bientôt, tant la saga s’appuie sur un background solide et des jeux excellemment réalisés.