Notez tout d’abord que de manière assez amusante, le jeu tourne très bien sous la version 0.9.6 de DesMume, et pas du tout sous la version 0.9.7 !
Développé par Studio Archcraft, édité par Graffiti Entertainment
Lorsqu’on pense au Canada, on s’imagine volontiers les bucherons, le patois local avec un accent à couper au couteau voire, au pire, les caribous. Ou Celine Dion pour les plus atteints. On en oublie souvent que des villes comme Toronto ou Montréal sont devenues en quelques années des capitales du jeu vidéo, avec des mastodontes comme Ubisoft ou Electronic Arts qui y ont posé leurs valises, crédits d’impôts aidant. A mille lieues - financièrement parlant - de ces poids lourds, le petit studio québécois Archcraft a conçu son premier jeu tout seul dans son coin, avec pour seul mot d’ordre de rendre hommage aux gloires du passé. Et ça le fait, pour le meilleur et pour le pire.
L’HISTOIRE EST UNE BOUCLE SANS FIN
Le joueur de RPG est plutôt habitué aux mondes où la magie est proscrite. Dernier exemple en date : Dragon Age. Les magots sont en général décrits comme des salopards qui usent de leur science impie pour contrôler le monde, et de braves chevaliers sont obligés de se sacrifier pour conjurer ces mauvais esprits. Black Sigil nous prend à contre-pied.
Fondé il y a des millénaires par le sage Zodiat, le royaume de Bel Lenora fut longtemps un havre de paix pour les magiciens de tout poil. Tout le monde y pratiquait la thaumaturgie et personne ne s’en plaignait. Hélas, cent ans plus tôt, le général Vai, incapable de maîtriser quelque magie que ce soit, pénétra les défenses de Bel Lenora et y sema mort et destruction avec l’aide de ses Porteurs de Maléfices. L’un des généraux du royaume, le duc Averay, parvint à vaincre l’oppresseur, mais à quel prix ?
Aujourd’hui encore, Bel Lenora panse ses plaies. Et lorsqu’il est avéré que le fils adoptif du duc, Kairu, est lui aussi incapable de maîtriser la magie, la vindicte de la populace prend des allures de chasse aux sorcières (ou aux non-sorcières en l’occurrence). Averay préfère exiler son enfant plutôt que de le perdre. C’est le début des emmerdes.
TOUT EST DANS LE PLACEMENT DE JAMBES
Black Sigil : Blade of the Exiled est un RPG dans la plus pure tradition des jeux de rôles nippons de l’époque seize bits. Il vous guide tout au long d’une histoire balisée de A à Z et se divise comme tous ses pairs en trois phases de jeu : la visite de villes et villages dans lesquels vous pouvez vous reposer et acheter de meilleurs équipements, le parcours de l’atlas sur lequel vous rencontrerez des monstres lors de combats qui se déclenchent aléatoirement, et l’exploration de donjons qui abritent généralement un boss, triompher de ce genre de monstres autorisant à poursuivre l’histoire.
A vrai dire, le titre d’Archcraft est très classique dans sa forme, en dehors peut-être de ses combats. Vous y dirigez un groupe de trois guerriers maximum sur une équipe qui compte au total huit membres (six qui vous rejoignent au cours du scénario principal et deux à débloquer au moyen de quêtes annexes). Pour ce qui est de la manière de jouer, il s’agit d’un mélange assez improbable entre Final Fantasy, Chrono Trigger et Star Ocean. Pour commencer, vous ne pouvez attaquer que lorsque votre jauge d’action est remplie, principe semblable à la jauge d’ATB des premiers Final Fantasy. Ensuite, lorsque vient votre tour, un menu en forme de roue (à la Chrono Trigger) apparait au dessus de votre personnage. Vous pourrez y sélectionner une action parmi quatre (attaquer, utiliser une capacité spéciale, consommer un objet ou passer votre tour), ce qui fera éventuellement apparaître une seconde roue d’options. Par exemple, si vous choisissez une capacité spéciale, la deuxième roue vous fait part des différentes techniques disponibles.
Mais ce n’est pas tout : de Star Ocean, Black Sigil reprend le système de placement sur l’écran de combat. Concrètement, les alliés et les adversaires peuvent se déplacer lors des joutes, et ne pourront pas forcément avoir accès à toutes leurs capacités. Par exemple, un gars équipé d’une arme à courte portée ne pourra pas attaquer s’il est bloqué derrière un autre personnage. Il faudra donc au préalable le « décoincer ». Certaines techniques affectent d’ailleurs le mouvement des jambes : les attaques de glace par exemple, peuvent vous empêcher de bouger quand bien même rien ne vous gêne.
En fin de combat, vous gagnez des points d’expérience et de l’argent. Les premiers vous permettront de grimper dans les niveaux d’expérience et ainsi d’améliorer vos statistiques. La plupart du temps, vous apprendrez aussi de nouvelles techniques en atteignant certains paliers d’expérience. Ce n’est pour autant pas toujours vrai, puisqu’un personnage comme Doll n’acquiert de nouvelles compétences que selon son équipement.
Le menu principal (accessible au moyen du bouton X) vous permet, dans l’ordre, de gérer vos objets (notez qu’il faut aussi équiper ses objets pour pouvoir les utiliser en combat, et que les quantités que chaque personnage peut transporter sont très limitées), de visualiser vos techniques spéciales, de vous équiper, de vérifier le statut de vos personnages (les afflictions contractées lors des combats sont dissipées après la victoire, y compris la mort : vous repartez avec un HP), de changer d’équipiers, de regarder les encyclopédies du jeu ou encore de sauvegarder (uniquement sur un point de sauvegarde ou sur l’atlas, tant pis pour vous si votre batterie vous lâche au milieu d’un combat).
Un mot enfin sur les dernières particularités du jeu. Tout d’abord, sachez qu’il est praticable aussi bien au stylet qu’à la croix et aux boutons, et pour une fois, les deux sont aussi efficaces. Ensuite, vous noterez qu’il est possible, sur l’écran d’exploration, d’intervertir l’ordre de vos personnages au moyen de la gâchette R. Ceci a son importance puisque, selon qui mène le groupe lorsque vous parlez à un autochtone, vous n’obtiendrez pas la même réponse. Il s’agit d’une référence directe à Breath of Fire, cette fois-ci.
LE MIEUX EST L’ENNEMI DU BIEN
On a longtemps glosé sur la DS, ses jeux faciles et son manque d’intérêt pour les « hardcore gamers » ou autre néologisme pédant. Visiblement, Archcraft a bien compris le message, et c’est avant tout à cette frange de joueurs que s’adresse Black Sigil.
Aux yeux du studio, ce joueur compulsif est tout d’abord assez âgé et relativement nostalgique. De fait, le jeu constitue un véritable hommage aux titres qui faisaient la gloire de la Super NES. Qu’il s’agisse de son scénario riche mais déjà vu ou de ses graphismes tout en pixels de la bonne époque, il est bien évident que Black Sigil ne joue pas dans la même cour que ses contemporains. Ultime dédicace à la seize bits de Nintendo, l’atlas se présente en simili-Mode 7, avec ses fameuses distorsions de sprites censés restituer la 3D. La larme à l’œil, l’esprit revenu vingt ans en arrière, le joueur notera tout de même les problèmes de détection des collisions lors des phases d’exploration et l’extrême lenteur des déplacements sur l’atlas. Un peu de fantaisie dans les effets des sorts ou dans les thèmes musicaux aurait aussi été bienvenu : on peut vénérer les antiquités sans forcément avoir envie de se faire mettre par un titre aussi daté, techniquement parlant.
Concernant la maniabilité, nous l’avons vu, le titre accumule les références et tente d’homogénéiser l’ensemble. Le résultat n’est pas vraiment probant, les joutes se montrant particulièrement lentes et souvent plus ardues qu’elles ne devraient l’être. Ce qui ne serait qu’un demi-problème si ces combats n’étaient pas aussi nombreux. Difficile de faire plus de trois pas sans se faire agresser par un groupe de streums qui mettront douze tours pour mourir.
Autant dire que la difficulté est au rendez-vous, mais à un point tel qu’elle en devient frustrante. Rien de plus agaçant que de perdre le fil de l’aventure parce que l’histoire est complètement hachée par les combats. Arriver au bout du scénario n’a donc rien d’une sinécure, et nombreux seront ceux à s’arrêter en chemin. C’est d’autant plus dommageable que l’on sent les efforts des auteurs en matière de construction de l’intrigue. Ils n’ont pas non plus pleuré les heures sups’, et il y a énormément de choses à faire en dehors de la quête principale. Hélas, passés les vingt-mille premiers combats, l’envie n’y est plus.