Développé par Treasure, édité par D3.
Au départ, il y eut Bakuretsu Muteki Bangai-O, étrange créature sortie dans un relatif anonymat sur une Nintendo 64 aux abois. Les chanceux à avoir pu s’y essayer regrettaient la confidentialité et la rareté du jeu, aussi furent-ils sans doute agréablement surpris lorsque Bangai-O revint faire son baroud d’honneur sur Dreamcast. Là encore, les ventes ne furent pas mirobolantes, mais le titre y gagna un statut culte. L’on pensait alors que l’histoire s’arrêterait là, mais à la fin des années 2000, la franchise de Treasure nous revient plus en forme que jamais. En forme de quoi ? Là est la question.
MENS SANA IN CORPORE SANUM (ça faisait longtemps que j’avais pas placé du latin)
Comme son grand frère, Bangai-O Spirits ne s’embarrasse pas d’un quelconque scénario (encore que le premier épisode suivait une petite historiette débile, mais tellement légère que l’on ne pouvait pas la considérer raisonnablement comme un synopsis crédible). Ici, il n’y a d’ailleurs pas le moindre mode scénarisé. Nous arrivons d’entrée de jeu devant un premier écran de choix, où nous pouvons décider de pratiquer le tutoriel du jeu, de nous frotter directement au mode libre, de créer nos propres niveaux ou de régler de menues options.
DANS BANGAI-O Y’A DES BULLES, OUI, MAIS PAS TROP
Une fois n’est pas coutume, nous aborderons dans un premier temps le tutoriel, tant il est ici indispensable. Deux enfants y apprennent à se servir de leur gigantesque mecha (ces robots de combat que l’on peut croiser dans nombre de fictions nippones), sous la tutelle du vieux professeur fou qui l’a créé.
Nous pouvons raisonnablement nous imaginer aux commandes d’un monstre d’acier prenant la quasi-totalité de l’écran de la petite portable, mais dès le premier niveau (il y en a dix-sept dans le tuto) lancé, nous déchantons rapidement : notre fier guerrier ne mesure pas plus de trois pixels sur quatre ! La créature se dirige de la manière suivante : vous utilisez la croix directionnelle pour voler dans toutes les directions, sachant que la gravité vous rappellera à l’ordre si vous cessez d’appuyer (concrètement, vous retombez au sol dès que vous lâchez la croix), et utilisez les quatre boutons en façade pour ouvrir le feu sur vos adversaires. En plus de son arme à longue portée, votre mecha est également pourvu d’une arme de corps-à-corps, épée ou batte de base-ball. Enfin, les gâchettes L et R permettent de déclencher des super-attaques nommées EX Attacks, qui projettent des myriades de tirs sur vos adversaires depuis votre position.
Bangai-O Spirits tenant à la fois du shoot ‘em up et du jeu de réflexion, il faut un petit temps d’adaptation pour comprendre quoi faire. Dans le tutoriel, vous allez donc apprendre à vous servir correctement de votre arsenal, à utiliser correctement les quatre types de tirs (à tête chercheuse, rebondissants, explosifs ou absorbants) et les armes de mêlée à votre disposition, et à déclencher vos attaques EX au moment le plus juste puisque, si vous attendez que de nombreux tirs adverses vous entourent avant d’appuyer sur L ou R, votre attaque spéciale n’en sera que plus redoutable.
Une fois que vous aurez assimilé les règles de base, vous pourrez enfin vous lancer dans le mode libre. Trois choix s’offrent alors à vous : le mode Treasure’s Best comprend vingt-sept niveaux censés tester vos talents de pilote, le mode Puzzle Stages comprend dix-huit mondes qui demandent plus de réflexion que de bourrinage (mais de toute façon, vous ne pouvez pas espérer vous en sortir dans ce jeu si vous la jouez action directe), et le mode Other Stages, enfin, regroupe tous les stages « normaux », pourrait-on dire. Il y en a la bagatelle de cent vingt-deux (122 !), qui vous placent dans des tas de situations différentes.
Ainsi, vous pouvez tout aussi bien vous retrouver matraqué de toutes parts par des canons dont les balles semblent infinies, que vous trouver à la croisée des chemins de quatre boules à piquants qui foncent droit sur vous, ou pourchassé par un quatuor de gros (mais vraiment très gros, ceux-là) mechas adverses qui ne vous laissent pas une seconde de répit… Il faudra réagir vite et bien et mettre en pratique ce que vous aurez appris auparavant si vous comptez vous en sortir vivant. Cependant, à la différence de son aîné, Bangai-O Spirits vous permet non seulement de traverser les niveaux dans l’ordre de votre choix (tous les niveaux de tous les modes de jeu sont accessibles d’entrée), mais aussi de les recommencer à loisir, puisqu’il n’existe pas de game over.
Si l’on met bout à bout tous les niveaux, cela nous fait donc (en comptant les doublons, parce que les niveaux du tutoriel sont repris dans les Other Stages) cent quatre-vingt quatre mondes à parcourir. Autant dire qu’il y a de quoi faire mais, si cela ne vous suffit pas, vous avez encore la possibilité d’en créer vous-même. L’interface de création n’est pas des plus ergonomiques, mais vous pourrez ensuite avoir le plaisir de démontrer vos talents de level-designer à vos amis éberlués.
UN TRÉSOR MÉCONNU
Bangai-O Spirits n’est certes pas le jeu le plus beau que vous ayez connu, même selon les standards de la DS. Les personnages sont tout petits, les monstres (robots et canons pour la plupart) ne se renouvellent pas des masses, pas plus que les décors (ville, usine, fond marin, éruption solaire, voire simple fond noir), et si ce n’était quelques effets visuels impressionnants et le nombre incroyable d’objets que la console parvient à animer en même temps (parfois des centaines de tirs en même temps, plus des objets qui se brisent, plus les adversaires, plus vous…), vous pourriez raisonnablement vous montrer déçus. Même la partie sonore, plaisante mais qui se renouvelle trop peu elle aussi, ne parvient pas à remonter le niveau.
C’est qu’en vérité, Bangai-O Spirits n’est pas prévu pour flatter la rétine plus que de raison, parce qu’il ne s’agit pas d’un shmup pur et dur. Non, c’est avant tout un jeu de réflexion, et l’on ne saurait être aussi critique envers un Tetris ou un Chu Chu Rocket en matière de réalisation. Après tout, l’important dans ce genre de jeux, c’est qu’il fasse correctement chauffer notre matière grise, non ?
Et à ce titre, Bangai-O Spirits remplit son contrat. Le jeu est très technique, il faut du temps pour gérer convenablement les contrôles, encore (beaucoup) plus de temps pour appréhender les diverses situations et y trouver une solution, et les niveaux sont admirablement bien construits. La difficulté est intense par moments, la durée de vie gigantesque. Bref, voilà un jeu qui va mettre à mal vos neurones, vos réflexes et vos doigts. Et pour un sacré bout de temps, en plus !