Gyakuten Saiban 4
Développé et publié par Capcom, paru en Europe le 9 mai 2008.
Et c’est reparti pour un tour, votre honneur ! La série des jeux d’enquêtes et de joutes de prétoire Ace Attorney revient, avec un quatrième opus spécialement conçu pour la portable aux deux écrans de Big N (les trois précédents étant des portages du Game Boy Advance). Et il y a du changement puisque Phœnix Wright, protagoniste principal des trois autres volets et désormais pianiste amateur et joueur de poker, cède ici sa place d’avocat de la défense à un novice, le bien nommé Apollo Justice. Cela pour quatre affaires se déroulant sept ans après Trials and Tribulations, et qui au fil des enquêtes dévoileront des liens étroits avec la dernière affaire de Phœnix, qui lui coûta son badge à l’époque.
Rassurez-vous toutefois : Apollo est aussi bien coiffé que son prédécesseur !
Un principe immuable
Soyons bien clair d’entrée de jeu : les règles qui régissent ce nouvel épisode ne diffèrent pas drastiquement de celles des précédents ; elles s’inscrivent même plutôt dans la continuité, et on ne s’en plaindra pas au vu de la qualité de ces derniers.
Par contre, les affaires présentes ici étoffent encore davantage la « cosmologie » des Ace Attorney, et les révélations qui se feront jour progressivement (notamment dans la dernière affaire) auront des relents du passé…
Outre Apollo, au début peu sûr de lui et plutôt maladroit, on retrouve une galerie de personnages hauts en couleurs dont le procureur Konrad Gavin, beau gosse charismatique également leader du groupe de rock à succès The Gavinners, qui n’hésitera toutefois pas à aider Apollo dans l’intérêt de la justice, et son frère Kristoph, mentor d’Apollo au début du jeu. Il y a aussi Vérité, fille adoptive de Phœnix et apprentie-magicienne, qui secondera Apollo et lui fournira le support moral dont il a bien besoin, et dont l’histoire familiale (la troupe de magiciens Grimoire) se précisera petit à petit, jusqu’à une apothéose bien sentie. On retrouve aussi avec plaisir (ou pas) Ema Skye, sœur cadette du procureur Lana Skye que l’on était amené à défendre dans le premier épisode de la série, et qui ici vous fera profiter de son intérêt pour l’aspect scientifique des enquêtes (ainsi que de son sale caractère), notamment le relevé d’empreintes. Sans oublier l’habituelle ribambelle de témoins excentriques et menteurs, le détective gaffeur Dick Gumshoe (Tektiv), le procureur « tueur de bleus » Winston Payne (Boulay), et bien sûr ce bon vieux juge barbu, ahuri et influençable.
Du neuf avec du vieux
Nouveauté : Apollo apprendra rapidement à déceler les tics nerveux des témoins à la barre, ce qui lui permettra de leur mettre la pression afin d’obtenir d’eux la vérité. Lorsque cette méthode peut s’appliquer, une icône deviendra sélectionnable et, en la touchant, on passera dans une sorte de « slow motion » avec gros-plan sur le témoin ; il faudra alors scruter attentivement ses gestes et expressions faciales et toucher l’endroit adéquat sur l’écran pour le confondre.
Les verrous-psychés font leur retour. Il s’agit toujours de serrures qui apparaissent parfois lors des phases d’enquête, lorsqu’un personnage refuse de répondre à nos questions sur un point en particulier. Il s’agit alors de récolter suffisamment d’indices d’autres sources pour ensuite revenir à la charge et détruire ses réticences.
Les séquences d’enquête consistent toujours à se rendre en différents lieux (scène du crime, zone de détention, etc.) et à récolter des informations de deux façons : en interrogeant tout personnage disponible (accusé, témoins, etc.) et en récoltant des indices variés. Cette partie ne peut être quittée sans que l’on ait trouvé tout ce que l’on peut ; aucun risque donc de se retrouver au tribunal avec un dossier incomplet (bien que les procès se déroulant sur trois jours, on alternera entre enquête et salle d’audience, avec de nouvelles choses à faire / trouver les différents jours).
Ensuite viennent les séquences de procès proprement dites, où l’on devra réfuter les thèses de l’accusation et déterminer ce qui s’est réellement passé en interrogeant les témoins. Pour ce faire, on dispose toujours des deux options « attaquer » et « présenter » ; la première permet d’amener un témoin à affiner son témoignage, souvent en précisant des faits quelque peu obscurs voire en modifiant sa déposition. La seconde, elle, n’est à utiliser que lorsqu’on est certain d’avoir mis le doigt sur une contradiction flagrante (enfin, pas toujours tant que ça… il faut souvent s’accrocher pour trouver le petit détail qui fera la différence) et devra toujours être étayée par la présentation d’une preuve ou du profil d’un individu particulier, afin de mettre le témoin devant ses mensonges.
Le procureur n’aura de cesse de prouver la culpabilité de notre client, bien entendu (bien que Konrad Gavin vous surprendra à ce sujet), et le juge veillera (rire) au bon déroulement de la procédure… en ajoutant ses réflexions uniques et parfaitement incongrues. Et il vous retirera une portion de votre barre de vie à chaque accusation infondée. Celle-ci une fois vidée, votre client sera déclaré coupable. Faites gaffe, donc !
Technique d’avocat
La navigation dans le jeu s’effectue aussi bien au stylet qu’avec les touches. Lors de l’enquête on se déplace d’un lieu à l’autre en touchant la commande ad hoc (se déplacer, présenter, parler…) puis en sélectionnant un endroit en particulier dans la liste. Pour présenter un objet ou un profil d’individu à l’interlocuteur on opte pareillement pour l’action correspondante, avant de choisir ce que l’on souhaite mettre en avant. Pour examiner un endroit particulier sur un écran, on y touche simplement la zone qui nous intéresse. Les objets trouvés susceptibles de nous servir sont automatiquement ajoutés au dossier, de même que le profil des personnes rencontrées et interrogées, dossier qui est du reste accessible à n’importe quel moment si on désire retrouver une information particulière. C’est très bien pensé et simple d’usage.
Des petites cinématiques en images fixes introduisent chaque affaire, ce qui permet de se mettre dans le bain (comme dans les Colombo !) et, parfois, d’obtenir quelques indices d’entrée de jeu.
Par ailleurs, avec l’aide d’Ema Skye on devra en quelques occasions souffler dans le microphone après avoir déposé une poudre sur un objet, cela afin de révéler les éventuelles empreintes digitales, ou bien remplir une trace de pas avec du plâtre pour en faire un moule. De quoi se prendre pour la bande à Grissom dans Les Experts ! ;-)
Le style visuel « bande dessinée » demeure inchangé, et on retrouve donc des décors bien détaillés et colorés, facilement lisibles. Les animations des protagonistes restent « hachées », à savoir que la décomposition des mouvements s’effectue toujours de manière rudimentaire, avec quelques étapes seulement, ce qui ne choquera point l’habitué de la série. Quant au novice qui débuterait cette série avec cet épisode (ce que je ne conseille pas), il ne devrait pas tarder à être conquis. On retrouve aussi avec plaisir les mimiques des divers intervenants, puériles, égocentriques, exagérées, toujours dans l’esprit manga.
Au tribunal, il arrivera qu’un schéma de la scène du crime soit affiché afin de bien visualiser où se trouvaient la victime, le suspect, les meubles, les issues, etc. C’est très lisible aussi et on devra fréquemment s’y référer pour progresser dans le jeu.
L’aspect sonore comprend des plages musicales qui installent une atmosphère, sans se faire envahissantes. Honnêtement je ne m’en souviens guère ; elles ne m’ont vraisemblablement pas autant marqué que celles du premier opus, mais elles font leur boulot. Les bruitages sont eux beaucoup plus remarquables (les coups de marteau du juge, les riffs de guitare électrique du procureur Gavin, etc.) et puis les « bang », « clac » et autres « tchac » ponctuant une révélation fracassante faite par un témoin, par exemple, visage déformé et posture ridicule à l’appui ! Du tout bon.
En bref
Apollo Justice, à l’instar des opus précédents, est très linéaire. A ce titre, on n’y rejouera sans doute pas énormément une fois qu’on l’aura terminé. Le style du jeu même l’impose d’une certaine façon. Pourrait-on imaginer plus de liberté dans un Ace Attorney ? Le débat est ouvert. Il n’empêche qu’il reste un jeu de qualité, bien réalisé, facile à prendre en main et surtout, au scénario bétonné ; on a bien du mal à interrompre une partie, tellement on se retrouve pris dans l’intrigue, et rien que cela en vaut la peine.
Verdict : 8/10