Je vous avoue que je suis bien embêté. Je me suis lancé comme défi de tester Miles Edgeworth : Ace Attorney Investigations. Le problème, c’est que je ne sais pas du tout comment aborder ce test.
Pourquoi ? Tout simplement parce que ce jeu est une honte infâme… Normalement ce n’est pas un problème. Là où cela devient problématique, c’est que cette « honte infâme » est un des meilleurs jeux auxquels j’ai joué. Dans ces conditions, la rédaction s’avère assez… comment dire… schizophrénique.
Si « Capcom » et « Intelligent » n’ont pas de lettre en commun, c’est normal.
Mais bon, commençons par le commencement.
Miles Edgeworth : Ace Attorney Investigations est un jeu d’aventure/enquête. Le nom devrait peut-être vous rappeler « Phoenix Wright : Ace Attorney », voire « Appolo Justice : Ace Attorney, Justice for All ». C’est normal, les jeux se déroulent dans le même milieu, le monde de la justice et des avocats, et surtout dans le même univers.
Contrairement aux autres opus, qui vous plaçaient dans la peau d’un avocat de la défense, ME:AAI, lui, vous met dans la peau d’un procureur… et pas n’importe lequel, puisque vous aurez reconnu le nom : Miles Edgeworth est en effet l’ami d’enfance de Phoenix Wright, et son principal adversaire lors du premier opus.
Et voilà, c’est dit… j’entends déjà des voix qui murmurent « Il est gentil Hankroyd, mais là il raconte un peu n’importe quoi. Dans le premier opus le procureur s’appelle Benjamin Hunter et non pas Milou Machintruc ».
Hélas, vous avez raison, mais moi aussi : Benjamin Hunter est le nom français du personnage et Miles Edgeworth, son nom anglais. Le souci est que je ne peux pas vous parler de la version française du soft, car elle n’existe pas.
Oui, le jeu est bien sorti en France, mais sans bénéficier de traduction ! Ce qui est totalement honteux ! Il s’agit d’un jeu où il faut lire énormément et comprendre parfaitement les textes. Donc un fan de la série non anglophone sera coincé. Même avec la DS dans une main et le Harrap’s dans l’autre, ce n’est pas la peine. Un anglais approximatif ne sert à rien non plus. Non, si vous voulez profiter de ce jeu, vous devez avoir un excellent niveau d’anglais.
Pour être honnête, lorsque j’ai le choix entre français et anglais dans un jeu, je prends toujours l’anglais. Les deux derniers volets de la série m’avaient un peu déçu en ne proposant pas cette langue, mais cela ne gênait pas le déroulement du jeu. Mais là, grâce à ce choix, Capcom prive 80% des fans français de la série de ce cinquième opus. Et comme la sortie des prochains jeux de la série en Europe est conditionnée par les ventes des précédents… il y a fort à parier que l’on risque de ne pas les voir.
Je suis sûr que Capcom a un raisonnement clair, cohérent et rationnel derrière cette politique ultra-conne visant à empêcher les fans de la série d’acheter ME:AAI. Mais en tant que joueur, je m’en moque royalement. Je constate juste que Capcom traite ses clients non-anglophones avec mépris, et j’espère qu’un jour cette société obtiendra la juste récompense de cette action.
En bref pour les non-anglophones
Note : 0/10
Fans de la série, vous pouvez arrêter de lire et passer votre chemin, ce jeu n’est pas pour vous. Vous n’aviez qu’à bosser votre anglais à l’école.
Votre dernier espoir reste dans l’émulation ; si une team francophone fait un patch pour traduire le jeu un jour, dans ce cas n’hésitez pas à vous le procurer. D’ici là, si vous voulez boycotter les autres jeux Capcom pour les remercier, vous avez tout mon soutien.
…
C’est bon ? Les non-anglophones sont partis ?
Well, let’s go test the best episode of the Ace Attorney franchise so far.
And now for something completely different
Bon, reprenons le test où nous l’avions laissé avant d’être interrompu par la stupidité de Capcom.
Cette fois-ci, vous n’incarnez pas un avocat de la défense, mais un procureur. Votre but n’est donc pas de sauver votre client accusé à tort, mais de trouver le vrai coupable afin de le faire comparaître devant la justice.
Globalement, le déroulement du jeu est le même que dans n’importe quel autre « Ace Attorney » : dans une première phase, vous explorez la ou les scènes du crime, discutez avec les témoins et récoltez des indices afin de comprendre ce qui c’est passé. Dans une seconde partie, le témoignage d’une personne se dresse entre vous et la vérité. Vous devez trouver la ou les contradictions de ce témoignage afin de le discréditer et faire progresser l’affaire. Répétez ces deux phases autant de fois que nécessaire pour trouver le coupable, et voilà !
Bien entendu, au cours de vos pérégrinations vous ne serez pas seul. Le fidèle inspecteur Gumshoe vous… humm… comment dire cela diplomatiquement ? Ah oui : il vous aidera au mieux de ses capacités. Franziska von Karma viendra aussi jouer du fouet (et de la cravache !) pour faire avancer les affaires… et le pauvre inspecteur. Vous aurez aussi la surprise d’être assisté par une petite nouvelle, Kay Faraday, une adolescente dont le but dans la vie est de devenir… voleuse.
The times they are a-changin’
Bien sûr, passer dans le camp d’en face implique quelques changements dans le gameplay.
Le principal changement est la disparition des procès. Ici, le procureur mène l’enquête et traque le coupable. Une fois celui-ci trouvé, il serait bête, d’un point de vue jouabilité, de répéter les mêmes raisonnements et dialogues devant le juge.
Bon OK, dans Ace Attorney premier du nom, à chaque fois, le coupable qu’il trouvait finissait par s’avérer innocent, ce qui devrait logiquement soulever de sérieux doutes quant à ses compétences d’enquêteur. Ce doute est levé dès le début du jeu. Dans le premier opus, Edgeworth laissait la police faire le travail seule et ne s’intéressait qu’à l’obtention d’un verdict de culpabilité. Mais suite à ses contacts prolongés avec un certain avocat de la défense, désormais ce n’est plus le verdict qui le motive, mais la recherche de la VÉrité (oui, non seulement avec un ‘V’ majuscule, mais aussi un ‘É’ majuscule, tellement c’est devenu sa raison de vivre).
Le second changement est d’ordre technique : fini les décors statiques ; ils sont à présent vus du dessus en 2D (comme dans « Chrono Trigger » sur le même support ; à la Zelda, quoi), et vous déplacez le héros pour parler à quelqu’un ou examiner un endroit. Mine de rien, cela apporte pas mal.
Miles Edgeworth compte aussi sur ses capacités de déduction pour trouver le coupable. Au fur et à mesure de l’enquête, en plus des indices, il récupère aussi des informations. Celles-ci peuvent être des questions qu’il se pose ou des faits qui, apparemment, ne sont pas explicables. Si vous pensez que l’une des informations que Miles détient peut en expliquer une autre, il vous suffit d’ouvrir le menu « Déduction » et, à l’aide du stylet, de relier les deux informations. Si vous avez raison, Miles se lancera dans un petit laïus permettant de faire progresser l’affaire.
Rassurez-vous, pas besoin d’avoir 200 de QI pour voir quelle information s’emboîte avec quelle autre : les liens sont assez évidents. Par contre, attention, la moindre erreur est sanctionnée par la perte d’une partie de votre jauge de vérité.
La jauge de vérité est ce qui vous sépare de la défaite. Elle se présente comme une barre de vie dans un jeu de combat, et diminue à chaque fois que vous faites un mauvais raisonnement ou que vous présentez la mauvaise preuve lors d’un contre-interrogatoire. En effet, plus Miles commet d’erreurs et plus il s’éloigne de la vérité, jusqu’au moment où la jauge se vide totalement : le procureur n’a plus de moyen de déterminer la vérité et un innocent est arrêté à cause de l’incompétence de notre héros. Fin de l’histoire… ou pas ; car c’est là une grosse différence d’avec les précédents volets : perdre sa « barre d’énergie » y amenait une fin unique, le juge déclarant l’accusé coupable.
Ici, la fin peut survenir à n’importe quel moment de l’investigation et donc, chaque scène possède sa petite histoire de fin montrant notre échec. Cela va de l’arrêt, à contrecœur, d’une personne que l’on sait innocente à la fanfaronnade du vrai coupable, qui réussit à s’échapper à la fin de l’investigation à cause de la petite erreur de trop. Bref, une fois le jeu fini on se prend à le refaire depuis le début, mais en faisant exprès d’échouer pour voir les différentes mauvaises fins.
We are the world
En tant que cinquième épisode se déroulant dans cet univers, celui-ci se lâche complètement au niveau des références et des allusions aux précédents épisodes : quasiment tous les personnages récurrents réapparaissent ici, soit en tant que personnages principaux (Larry Butz, Wendy Oldbag et… the Blue Badger entre autre), soit en tant que caméo plus ou moins discret (Lotta Hart, The Gavinners, le procureur Payne (dans la première affaire, bien sûr)… et si vous avez de la chance, vous verrez peut-être même « l’homme en bleu »).
Les références aux précédents opus se retrouvent largement aussi dans les dialogues. De la peur des tremblements de terre d’Edgeworth au fait que les crimes impliquant des personnes apparemment capables de voler se produisent trop souvent, en passant par la première baisse de salaire du détective Gumshoe… on se régale du début à la fin.
Les dialogues sont rendus extrêmement dynamiques grâce à une nouvelle représentation des personnages. Avant, ceux-ci étaient affichés en gros plan de face lorsqu’ils parlaient ; désormais il apparaissent de trois-quarts. Lorsque deux personnages discutent et que l’on passe de l’un à l’autre, on a vraiment l’impression qu’ils se font face. De plus, quand le débat se fait trop intense, les deux interlocuteurs se retrouvent face à face sur le même écran… la tension est quasi palpable, on s’y croirait !
Ce ne sont que quelques sprites retravaillés et quelques effets de mise en scène, mais cela sublime encore plus les dialogues, déjà quasi-parfaits.
En outre, au niveau sonore, les thèmes musicaux des protagonistes restent les mêmes (avec bien sûr de nouvelles musiques pour les nouveaux venus).
Bref, c’est du pur bonheur pour les fans que de voir ces allusions, et cela aide vraiment l’univers à former un tout cohérent. Bien sûr, un joueur commençant ce jeu sans avoir fait les précédents loupera 90% des allusions, mais devrait quand même y trouver son compte tant les dialogues sont drôles et rythmés. Pouvoir « lire » les pensés de Miles Edgeworth n’a pas de prix.
Au niveau des scénarios, s’ils sont en dessous de ceux où Phoenix Wright est le héros, ils restent quand même très intéressants à jouer, grâce à une excellente narration et à des personnages au mieux de leur forme. Seule petit regret : les capacités de la DS sont beaucoup trop sous-exploitées.
Malgré tout, en tant que fan, je dois avouer que c’est pour moi le meilleur épisode de la série jusqu’à présent. Les précédents opus m’ont forcé à passer des nuits très courtes… celui-ci m’a carrément forcé à passer des nuits blanches !
You’re my heart. You’re my soul.
Graphismes : Ils se sont renouvelés. Les décors sont plus interactifs et les discussions ont un rendu bien plus dynamique.
Son : Les musiques, anciennes comme nouvelles, exploitent au mieux les capacités de la DS. Les bruitages eux, sont corrects sans plus.
Animations : Tout bouge parfaitement, c’est du pur bonheur à la fois lorsque l’on enquête et lorsque l’on parle à quelqu’un.
Difficulté : Le jeu n’est pas très difficile, Edgeworth est un procureur compétent et sait ce qu’il doit faire et guide le joueur tout au long des enquêtes.
Richesse : Les enquêtes sont toujours aussi « capillotractées ». Le système de déduction me laissait dubitatif au début, mais finalement s’intègre parfaitement.
Scénario : Ace Attorney Investigation reste dans la ligné de ses ancêtres. J’ai trouvé quand même les scénarios un peu moins bons, non pas à cause d’un manque de qualité, mais parce que la trame principale (qui relie tous les scénarios entre eux) est vraiment très abstraite et jamais réellement exploitée.
Ergonomie : Rien de nouveau par rapport aux précédents volet sur DS. Jouable au stylet ou avec les touches, il n’y a rien à lui reprocher.
Longévité : Comptez entre 25 et 30 heures pour le finir. C’est tout à fait honnête.
En bref pour les anglophones
Note : 10/10
Si vous êtes fan de la série, achetez-le les yeux fermés.
Si vous ne connaissez pas la série, commencez par le premier Phoenix Wright, pour ne pas vous gâcher quelques belles surprises. Puis une fois les autres jeux de la série finis, jetez-vous sur celui-ci les yeux fermés.
En bref, la synthèse
Note : ?/10
Si seulement il y avait une traduction française, je mettrais 10/10 sans hésiter.
Mais là, par contre…
Faire la moyenne entre le zéro et le dix pour avoir 5/10 ?
Laisser le 0/10 en partant du principe que la majorité des joueurs francophones ne pourront y jouer ?
Mettre 10/10 en considérant qu’il n’est destiné qu’à une faible partie du public francophone ?
J’ai décidé de prendre cette dernière option, en mettant quand même un malus de deux points pour récompenser Capcom de son mépris envers ses clients.