En l’an deux mille, tous les visages (du moins ceux des banquiers, inquiets de voir fondre leur parachute doré, et ceux des techos qui se frottaient les mains) étaient tournés vers le fameux bug, prêt à passer à l’attaque dès minuit, le premier janvier. Du coup, tout ce qui est arrivé après n’était que roupie de sansonnet, et ce King of Fighters serait sans doute passé inaperçu… s’il n’avait pas été aussi buggé. Eh merde, je vous ai encore cassé le suspens.
PETITES TRAHISONS ENTRE AMIS
À la suite des évènements du précédent tournoi, les clones de Kyo ne sont (presque) plus, mais le NESTS reste vivace. Heidern, le chef de l’équipe Ikari, compte bien démasquer les criminels et cela tombe bien, puisque son vieil ami Ling l’avertit que K’, le dernier clone, et son ami Maxima sont d’anciens membres de l’organisation. Heidern décide donc d’organiser un nouveau King of Fighters, dans l’espoir que les deux ex-agents se montreront et se feront capturer. Mais Ling n’a pas tout dit à son collègue, et dans l’ombre, le NESTS ourdit un complot de grande envergure.
THE DARK KNIGHT STRIKES AGAIN
Comme de bien entendu, The King of Fighters 2000 est un beat ‘em up en deux dimensions dans la longue tradition de ses aînés. Pour sa conversion Dreamcast, le titre propose le minimum syndical en matière de modes de jeu : solo, versus, matches en équipes et entraînement, voilà qui manque un peu de profondeur. Quant aux personnages, ils sont désormais au nombre de trente-six. Et KOF oblige, nous ne pouvons échapper à la présentation des petits nouveaux :
Hinako Shijou, sous ses allures d’écolière, est en réalité une lutteuse sumo. Maigrichonne certes, mais sumo quand même ; Kula Diamond est le pendant féminin de K’, dont les pouvoirs sont basés sur la glace (l’élément, pas le dessert) ; Lin est un assassin assez bizarre tant dans son comportement que dans la manière de le jouer ; Ramon est, malgré son allure de danseuse, un praticant de la lucha libre, l’équivalent mexicain du catch ; Seth, uniquement sélectionnable en tant que Striker dans le dernier épisode, est une grosse brute avec une tête de Mr. T ; Vanessa, elle aussi Striker dans l’épisode précédent, est sa collègue et elle est juste surpuissante ; Zero enfin, est le boss final, bien abusé à souhait.
Cette étape étant franchie (avec brio, cela va sans dire), passons au système de jeu. Sur le papier, cette cuvée 2000 n’est qu’une évolution du précédent cru. Dans les faits elle représente un peu plus que cela. Au chapitre des différences mineures, on notera que les esquives ont disparu et que les roulades font leur retour. On notera aussi que la jauge de furie ne redémarre plus à zéro à chaque fois qu’un personnage meurt, mais que le deuxième personnage à entrer en piste la conserve telle quelle. À propos de la jauge justement, souvenez-vous que l’année précédente, elle permettait de se mettre en modes Counter (où l’on peut déclencher des Desperation Moves à outrance) ou Armor (où votre personnage ne recule plus lorsqu’il encaisse un coup). Rassurez-vous, vous n’aurez pas besoin de tout réapprendre : ces modes ont été conservés. Mieux encore (ou pire, selon votre passion pour le verre à moitié vide ou à moitié plein), ils durent désormais plus longtemps. Quant aux Super Desperation Moves, il n’y a plus besoin d’attendre que votre jauge de vie soit dans le rouge pour les déclencher. D’ailleurs, il n’y a plus de zone rouge. Désormais, pour déclencher un SDM, il suffit de remplir complètement la jauge de furie sur trois niveaux.
Mais le principal n’est pas là. KOF 2000 reprend le principe des Strikers apparu dans le volet ‘99. Concrètement, les équipes ne comprennent plus trois combattants mais quatre. Le dernier ne se bat pas vraiment, mais peut intervenir dans le combat d’un de ses équipiers pour l’aider. Et c’est là que KOF 2000 tombe dans l’abus. Désormais vous pouvez déclencher votre Striker à n’importe quel moment, sauf lors des Desperation Moves. Ceci entraîne des possibilités d’enchaînements quasiment infinies, mais aussi la possibilité d’éviter une punition en déclenchant un Striker lorsqu’on a raté sa manip’. Pire encore : vous pouvez sacrifier une jauge de furie (en défiant l’adversaire) pour gagner un Striker de rechange. Chaque personnage dispose de deux Strikers propres, sans compter quelques personnages cachés.
TRUE MEN DON’T KILL COYOTES
En lisant quelques avis ça et là sur la Toile, je me rends compte que je suis l’un des rares à ne pas aimer The King of Fighters 2000. Ça doit être mon syndrome Street Fighter Alpha qui ressort.
Pour commencer, cette mouture 2000 est laide. Non, pour être tout à fait franc, KOF 2000 faisait honneur à la Neo-Geo avec ses graphismes tout en finesse et sa palette de couleurs presque photoréaliste. Mais d’une, les décors sont bien moins variés que lors de la précédente itération, et de deux, on est sur Dreamcast, bordel ! KOF ‘99 avait sauté le pas avec des décors en presque 3D superbes, là c’est juste un bête portage.
Mais passons. Après tout le principal reste le système de jeu dans un beat ‘em up, non ? Si. Et c’est bien là que le bât blesse. Pour en revenir à mon analogie avec Street Fighter Alpha, c’est exactement le même problème : ça devient du grand n’importe quoi. Des modes Counter/Armor qui durent des plombes, des Super Desperation Moves quasiment gratuits et surtout, un système de Strikers complètement abusif… La trahison est peut-être encore plus grande que chez Capcom, parce que jusque là, les King of Fighters étaient considérés comme plus techniques que leurs concurrents. Ici ça tourne au grand spectacle et c’est l’essence même du jeu qui s’envole.
Parce qu’au-delà du scénario indigent, au-delà des nouveaux personnages aussi intéressants qu’un taille-crayon, au-delà d’une conversion facile sur une bécane qui aurait mérité plus de soin, le fait est que ce revirement de position est dramatique pour l’amateur de toujours. Alors je sais, ça fait encore une fois discours de vieil aigri. Mais ça dénote aussi une volonté de la part de SNK de sortir sa franchise de la niche des joueurs acharnés avec lesquels elle vivait jusque là en harmonie, et ça fait légèrement chier.