2001. Alors que le monde entier a les yeux tournés vers le deuxième volet de la fameuse série Shenmue, SEGA développe un projet un peu fou. Enfin, SEGA, c’est vite dit : à l’époque toutes les équipes sont concentrées sur le titre de Yu Suzuki, et il ne reste finalement que peu d’hommes et de moyens pour épauler Tez Okano. Alors Segagaga se fera avec les moyens du bord.
MISE EN ABYME
Nous sommes en 2025, et SEGA est au plus mal. Ne détenant plus que 3% de parts de marché du jeu vidéo, la firme se retrouve au bord de l’asphyxie alors que son principal concurrent, la DOGMA, possède tout le reste du gâteau. Alors, le président de SEGA va confier une mission impossible à deux jeunes recrues, Taro Sega (vous) et Yayoi Haneda : grappiller des points sur son grand ennemi. Le projet Segagaga vient de voir le jour.
MA PETITE ENTREPRISE NE CONNAÎT PAS LA CRISE
Segagaga est entre autres un RPG. Segagaga est aussi un jeu de simulation. Segagaga c’est un peu tout ça, plus une palanquée de mini-jeux. Le but du jeu ? Vous avez trois ans pour ressusciter SEGA, en mettant au boulot les départements de Recherche & Développement A, B et C (et D un peu plus tard) de l’entreprise.
Simple ? Pas tant que ça. Tout d’abord, sachez qu’il va falloir vous battre. La partie RPG représente le gros du jeu. Vous errerez à travers des donjons en vue de dessus (ou à la première personne dans le cas du quatrième R&D, comme dans le premier Phantasy Star) où se déclenchent des combats aléatoires, bien souvent contre des personnages connus de la firme. Par exemple vous affronterez le singe Amigo de Samba de Amigo, l’elfette de Phantasy Star II ou encore des personnages de Virtua Fighter, entre autres (incroyablement nombreuses) auto-références. D’ailleurs, le jeu va loin dans le délire puisque même les personnages non-jouables (Alex Kidd est caissier !) ou les objets proviennent de titres SEGA. Et que dire des boss ?
Ce sont tout simplement les développeurs de la société, qu’il faudra convaincre à coups de poing ! Et parfois ça ne suffira même pas : au terme du combat, vous devrez répondre aux questions du développeur pour finir de le convaincre. Ah, ils sont pas pressés de bosser, chez SEGA ! Bref, quoi qu’il en soit les combats se déroulent au tour par tour, avec un menu où choisir votre action parmi les classiques Attaque, Spécial, Objet ou Fuite. En fin de baston, vous gagnez des points d’expérience et du pognon, et parfois vous déclencherez un mini-jeu bien débile. Vous visiterez ainsi les départements de recherche, mais aussi le légendaire quartier d’Akihabara (la Mecque du jeu vidéo) ou encore le rassemblement du Comic-Con. Vous pourrez également accéder à un magasin où faire vos emplettes.
Une fois que vous aurez recruté vos développeurs, vous les mettrez au boulot. Le jeu passe alors en mode gestion. Basiquement, vous voyez trois pourcentages : la complétion, la qualité et la coopération. Le but est alors de faire augmenter le pourcentage de qualité le plus possible avant que le jeu soit complété. Votre studio de développement comprend au minimum sept personnes de trois types : le chef de projet, les designers et les programmeurs. Le plus important est le premier, et il en existe de trois sortes : certains font des jeux en deux-deux mais de piètre qualité, d’autres de super bons jeux mais en prenant leur temps, et les derniers des jeux moyens en un temps moyen. Il va alors falloir les « coacher » en insistant sur le temps ou la qualité selon les cas, en sachant que le dernier des trois pourcentages précités (la coopération) influe sur la réactivité de vos gars à vos injonctions. Dans la pratique c’est un peu plus compliqué que cela, mais comme je peux pas me permettre de vous en tartiner un roman (et que le jeu est en japonais en plus, un langage que je ne pratique toujours pas, à mon grand dam), on va s’arrêter aux bases.
PACO RABANNE À LA SAUCE NEM
Objectivement, Segagaga ressemble à un titre amateur. Les graphismes sont laids, les décors minimalistes, les sprites collés dessus comme des figurines en papier mâché… Il n’y a quasiment pas d’animations en dehors des très sympathiques scènes cinématiques en dessin animé, et la bande-son ne donne pas envie de se relever la nuit.
Toujours en gardant l’esprit frais, on peut dire que Segagaga n’est pas non plus renversant d’originalité. Après tout, c’est un bête RPG tour par tour mâtiné de gestion simpliste. Rien qui vaille la peine d’insister plus que de raison. Alors ouatte ze phoque ?
La grande force de Segagaga, c’est bien entendu son humour. Et encore, le joueur qui ne pratique pas la langue passera à côté d’un grand nombre de facéties. Mais même comme cela, le titre de Hitmaker (anciennement studio AM3 chez SEGA, Crazy Taxi ou Sega Rally, c’est eux) reste une grosse farce auto-parodique, avec des personnages poilants dans leur design comme dans leurs mimiques. Et en même temps, Tez Okano se permet une espèce de vision prémonitoire digne d’un Nostradamus sous acides, en transportant SEGA à la fin de sa gloire alors qu’à l’époque, la société est encore l’un des trois géants du jeu vidéo. Sur le déclin, certes, mais pas coulé.