Il arrive des fois où on a envie de dépaysement total, mais un vrai dépaysement. On a envie parfois de prolonger un rêve, qu’on ne saurait décrire, mais dans lequel on s’est senti bien. On a parfois envie de vivre dans l’infiniment petit, et de se demander de quoi il est peuplé, ou plutôt d’imaginer de quoi il est peuplé. On peut se demander ce que ça fait de vivre dans la peau d’un microbe, d’une bestiole, d’un insecte, voir d’un animal. En somme, on n’aimerait bien des fois sortir complètement de ce qu’on a connu jusque là, de vivre des sensations inexplicables, perdre ses repères avec notre monde, ne plus faire de lien, un monde parallèle en somme, qui n’a pas de liens quelconque avec le notre, un monde qu’on ne saurait situer avant ou après le notre dans le temps. L.O.L ne signifie pas ici Lot Of Laugh, mais Lack Of Love, « manque d’amour » en français. Manque d’amour ? Je vous arrête tout de suite, il n’est pas question ici d’un jeu coquin, mais d’un truc que vous ne connaissiez pas.
O L'histoire O
La terre est surpeuplée, si bien qu’on envoie au plus vite une fusée pilotée par un robot, HALUMI, qui devra trouver à l’espèce humaine une nouvelle planète habitable. L’intro commence ici. La petite fusée traverse l’espace, et la musique d’un certain Ryuichi Sakamoto laisse installer en nous un sentiment de mélancolie. Les écrans de contrôle indiquent que cette planète ne va pas, celle-ci non plus, celle toujours pas…Ha ! Celle là va ! On y atterrit, et on sort les robots, les machines, et autre machins .
Mais nous, on n’incarne pas le robot, mais une bactérie je dirais, quelque chose de plus petit qu’une fourmi. On se retrouve dans une bulle en plein milieu de l’eau. Pour commencer, on doit sortir de là et rejoindre la surface. Ca va être le premier contact avec le jeu. La vue est de trois quarts, et on se promène dans les environs. Une petite scène cinématique nous montre une créature similaire à nous en train de faire un truc avec des cristaux, et se transformer en cocon. Le jeu peut enfin commencer. On appuie sur les boutons, la créature réagit, mais on ne sait pas très bien ce qu’elle fait. Il y a un bouton pour uriner, un autre pour attaquer ou interagir avec quelque chose, un autre pour communiquer, et un autre pour dormir (qui fait aussi apparaître un petit radar). On essaye de faire quelque chose de concret avec mais pas grand-chose vient. Alors on explore les environs. On explore une faune et une flore extraordinaire. Apparemment, on est dans une grotte. Oui, on peut manger certaines fleurs, ce qui sera très important, car on doit se nourrir. La petite boule en haut à gauche représente notre vie, et les anneaux autour notre bouclier vital. Si on n’a plus d’anneau, on perd de la vie. C’est pourquoi il faut se nourrir avec les fleurs, voire partir à la chasse, et se nourrir de ses proies. Mais on ne peut pas rester comme un misérable microbe. Il faut évoluer, et pour cela, il faut faire comme l’autre bête nous avait montré. Mais de quoi a-t-on besoin ? On a besoin de cadeau offert par la faune, et pour cela, il faudra le mériter. Si on appuie sur start, on peut voir la carte du lieu et son emplacement. Si on appuie encore sur start, c’est les commandes en japonais. Encore sur start, et c’est les espèces d’insectes qui possèdent les cadeaux dont on a besoin, avec en dessous leur nom toujours écrit en japonais. Mais que faire ? Le leur voler en les tuant tous ? Pas du tout ! Il faudra les observer, comprendre leurs gestes, et subvenir à leurs besoins qui ne peuvent se manifester qu’à un certains moments de la journée. Et oui, il y a un cycle jour/nuit dans le jeu, de douze minutes environ. Il ne s’agira pas d’aller subvenir à leurs besoins en allant leur chercher à manger, mais bien à chaque fois de comprendre leurs soucis, et de les régler. Par exemple, ces insectes semblent se lamenter sur ces champignons. Si on tape sur ces champignons, ils s’ouvrent, mais se referme aussitôt ! Il semble qu’ils manquent d’eau. On va donc attendre la rosée qui se manifestera la nuit, pour qu’il pleuve sur ces champignons. Maintenant, on tape sur tous les champignons, ils restent ouverts, et les insectes qui se lamentaient sont contents, et nous offre le cadeau. Et ces insectes là ? Hmmm ! Cette espèce de grosse chenille semble les attaquer ! Il faut alors leur montrer comment se défendre en attaquant cette grosse chenille, et en s’assurant qu’ils regardent. Pif paf, la chenille fléchit, et les insectes ont compris ! On a encore droit à un cadeau. Une fois qu’on aura rassemblé 3 cadeaux, on pourra aller là où les cristaux noirs se trouvent et les activer avec nos cadeaux. On se transforme en cocon, on évolue, on brise la coquille, nous voilà plus gros. Les insectes qui faisaient notre taille sont maintenant de petites souris comparées à nous. On peut maintenant atteindre des passages qui étaient bien trop élevés, et on peut ainsi sortir dehors, et par la même occasion, passer au niveau suivant.
La grande partie du jeu consistera à observer la faune, et à aider les bestioles qui nous sont présentées lorsqu’on appuie sur start. Pour tout vous avouer, c’est très déroutant. Alors que la plupart des jeux nous demandent de faire les missions qui nous sont demandées, L.O.L nous demande d’abord de les trouver…si ça nous chante, d’ailleurs. Il y a plus de missions et donc de cadeaux que nécessaire pour évoluer en général. Les missions sont très variées, et les actions qui leurs seront liées aussi. Je n’ai pas le souvenir de mission qui soit pareille qu’une autre. Un jeu sorti de nulle part et qui propose des missions aussi variées qu’un GTA III ? Nouveau, mais bien vrai ! Le jeu a beau être en japonais, ce n’est pas ça qui gênera. D’ailleurs, il pourrait être en n’importe quelle langue, ce n’est pas ça qui gênera. Et oui, il n’y a aucun dialogue dans tout le jeu. Le seul langage qu’il y a, c’est le langage insecte, le langage des signes, des émotions, des sentiments, des impressions… Tout va se jouer avec ça. Et je dois dire que ça met en place une ambiance envoûtante.
Le jeu sera donc une succession de diverses énigmes, basées sur des missions très diverses, voir des mini jeux, le tout à travers des paysages bucoliques. Après l’avoir fini, je peux vous dire que c’est surtout au début qu’on rame, au niveau 1 et 2, mais après qu’on a compris le truc, ça va presque tout seul (faut toujours bien réfléchir). Certaines énigmes sont vraiment dures à comprendre, certaines sont plutôt à tirer par les cheveux, mais dans l’ensemble, il y a une grande majorité de missions que j’ai pu trouver tout seul. Si j’aurais un reproche à faire au jeu, c’est de ne pas être toujours cohérent avec lui-même. J’entends par là qu’il n’y a qu’une façon de résoudre les énigmes, alors que pour certaines (une ou deux en fait), on aurait bien vu une autre solution qui aurait très bien pu marcher, mais non. Je dois aussi avouer que le jeu est assez prise de tête, surtout au début, et qu’il n’est pas axé sur le fun ou l’action, mais plus sur l’immersion, le dépaysement, le songe psychédélique. Enfin, je regrette qu’il n’y ait pas d’options, et qu’une fois fini, on ne débloque rien, et qu’on ne puisse pas se refaire un niveau en particulier. Il faudra alors penser à faire une copie de sauvegarde sur une autre carte si jamais un niveau vous plaît bien. Pas pratique.
O Techniquement O
Le jeu est en vue de trois quart, avec un mélange de 2D et de 3D. Le design est très particulier, vu que les bestioles sont le fruit d’une imagination. Insectoïde bizarre, plante du même acabit, c’est sûr, on est sur une autre planète. Le rendu est très particulier. Si le jeu n’est pas impressionnant de ce côté-là, il n’en est pas moins beau. Les sprites sont jolis, très fins, certains même ont un aspect aquarelle du plus bel effet. La 3D est assez bien utilisée, on remarque très peu de contours anguleux ou d’arêtes. Les décors sont très variés, tout comme la faune et la flore, sans jamais faire dans le ridicule, ou dans le machin qui ne ressemble à rien. Le jeu est assez agréable à l’œil, surtout le niveau 8 (celui pris en photo). Dommage que le dernier niveau soit en retrait de ce coté, mais c’est justifié par le scénario, alors on comprendra. L’ambiance sonore n’est pas sans reste. Pas de musique la plupart du temps, on est livré à notre entourage, et on entendra que lui. On entendra le vent qui souffle, le bruit de la rivière, les bestioles, qu’on reconnaîtra ainsi de plus loin, ce qui nous permettra de nous cacher si il s’agit d’un prédateur. Et tout ça changera en fonction de la période jour/nuit. Et oui, on reconnaîtra la nuit le bruit des insectes qui ronflent. Les quelques musiques peuvent se faire entendre lors d’un temps de chargement ou lorsqu’on est au menu. Ces petites musiques là sont en fait des petites notes jouées très discrètement par un piano, ou plutôt des petits tubes de métal sur lesquels on tape, le bruit produit est assez proche de celui d’une goutte d’eau. Les vraies musiques témoignent aussi de la présence d’Halumi, le petit robot qui doit rendre habitable cette planète. Ces musiques sont très sympas, surtout celle du matin, qui peut faire penser à celle de Peer Gynt, en plus poétique. Il s’agit après tout de Ryuichi Sakamoto*, qui a déjà fait les musiques de films tels que « Les Ailes d’Honneamise », « Le Dernier Empereur » ou encore « Little Buddha ». L’animation du jeu est très bonne, avec de rares ralentissements vers la fin, mais on reste la plupart du temps dans les 60 images par secondes. Parlons maintenant DES animations. Tout ce petit monde bouge bien, chacun a sa démarche, sa mimique, ses expressions… Remarquons aussi que votre personnage a deux animations : marche et course, qui se produisent grâce à l’analogie du joystick, animation qui ira plus ou moins vite si vous pousser plus ou moins. A peu près tous les jeux le font, mais on aurait pu croire que celui-ci n’allait pas se fatiguer à faire dans ce détail. On aurait eu tort, vu que le jeu fait beaucoup dans les petits détails. D’ailleurs, on peut même donner le tournis à notre bestiole en la faisant tourner comme un malade. Parvenir à la fin de ce jeu est un exercice assez difficile, certains seront découragés par le début, mais le jeu sans ça a une bonne durée de vie.
O Conclusion O
L.O.L fait office de véritable ovni dans le monde du jeu vidéo. On aurait pu croire impensable un jeu d’une telle originalité en 2000, d’une telle audace surtout, on aurait pu croire aussi que les jeux d’auteurs façon Isabelle ne se feront plus, mais L.O.L fait bel et bien preuve du contraire, et se révèle complètement planant, surtout à l’heure du photo réalisme. L.O.L est donc bel est bien un ovni disponible sur Dreamcast, tout comme REZ ou Cosmic Smash. Difficile de noter ce jeu, qui s’éloigne le plus possible de tout ce qui est connu. Mais vu que je le trouve tellement particulier, je vais approfondir cet article, afin d’essayer de tirer de ce jeu un maximum, et de dire mes impressions de ce jeu dans sa globalité, vu que je l’ai fini.
O Etude O
En cette année 2005, le jeu vidéo est devenu quelque chose de presque industriel. Le jeu vidéo se doit d’être rentable au maximum, et de rapporter un maximum d’argent, et ce, en respectant un « cahier des charges ». A la grande majorité de la presse de suivre le pas. On note « l’in-notable » (les graphismes de REZ par exemple), on compare l’incomparable (Outrun 2 avec Burnout 3 par exemple), et on se doit d’avoir un avis le plus proche possible du joueur moyen, et d’avoir ses goûts. Je me rappelle d’une news sur un site dont je tairais le nom, qui parlait avec un ton méprisant du nouveau jeu de shoot qui s’apprête à sortir sur Dreamcast : Radirgy. « Peuh ! Un jeu qui ne concerne qu’une niche de joueurs ! Lamentable ! J’espère qu’ils vont crever ». Je caricature à peine. Que vient faire L.O.L dans toute cette salade ? L.O.L fait partie de ces jeux qui ne correspondent pas à une envie particulière des joueurs consommateurs, qui va chercher à plaire à travers ce jeu « parce qu’il est trop cool » et que eux ils l’ont, mais bel et bien de ces jeux qui nous proposent quelque chose qu’on n’avait pas idée de demander, mais qui vont nous plaire malgré cela. Un jeu tiré des références pseudo cool des consommateurs, ou un jeu tiré de l’imagination d’un auteur, qui va la faire partager aux autre ? Ce n’est pas l’envie du joueur qui a fait L.O.L, mais l’envie de son créateur, qui s’y est impliqué jusqu’au bout. L.O.L est un jeu d’auteur, un jeu qui a été rêvé. Que vaut il mieux ? Plein de jeux qui plairont beaucoup à différents groupes de personnes et pour les différents goûts, ou bien quelques jeux qui plairont moyennement mais à beaucoup de monde ? L.O.L tente de répondre à cette question, tout comme REZ, Cosmic Smash, ou bien The Dark Eye. C’est de ces jeux qui veulent nous faire découvrir quelque chose de nouveaux, et pas à mimer ce qui existe déjà, et à satisfaire les envies de la plus grande majorité de gens possible. Je suppose que les auteurs voulaient tout faire, sauf quelque chose comme les autres. En créant ce jeu, ils savent à qui ils s’adressent : aux joueurs qui sont un peu fatigués de jouer tout le temps à la même chose, et qui se mettent en quête d’ovnis vidéoludiques et qui pourront leur plaire.
L’ambiance créée pour l’occasion est vraiment très particulière, il n’y a qu’à voir l’intro**. Prédominance du blanc, avec quelques ombres et reflets pour faire du relief. Techniquement, ce n’est pas grandiose, mais artistiquement, c’est une autre paire de manche. Que ce soit au niveau visuel ou auditif (grâce à la musique), cette intro nous fait ressentir sa mélancolie. Les auteurs avaient quelque chose à nous faire ressentir, et quelque chose à nous dire avec. Dans la même veine, les écrans de chargements. Un « just a moment » au couleur du logo de L.O.L. Quelques notes se font entendre. C’est tout. On prolonge le coté bizarre du jeu jusque dans les écrans de chargements. Dans le jeu, on ne fait qu’interagir avec une faune et une flore qu’on ne connaît pas, et qui n’a pas de langage. On ne parle qu’à travers des mimiques, des manifestations de tristesse, de joie, ou d’envie de quelque chose de particulier… oublier votre train-train quotidien, plonger dans un univers qui semble être l’aube d’un nouveau monde, qui se devra d’être un Eden, un paradis. On sent que l’auteur doit prendre son temps à s’allonger dans l’herbe et à observer toute ces petites bêtes et leur comportement. Il veut nous faire partager ces moments et nous pond ce jeu, sans doute issu d’un rêve qu’il a fait, un rêve rempli de petits insectes et autres bestioles. La grosse impression qu’on ressent à travers ce jeu, c’est bien la naissance d’un nouveau monde. Au fur et à mesure qu’on évolue dans le jeu, on rencontrera des bestioles au comportement de plus en plus évolué, jusqu’à rencontrer des mini sociétés. Le cycle jour/nuit renforce encore plus cette sensation. Le soir tombe, les bestioles s’apprêtent à dormir, rentrent chez elles si elles ont une maison. La nuit, dodo avec leurs ronflements. Le jour, elles vaquent à leurs occupations. Certains niveaux se voient bouleversés par l’arrivée de Halumi. Alors, on entendra une musique qui accompagnera les moments de la journée, comme je le disais plus haut. Je dois vous avouer que c’est particulièrement grisant, lorsque l’aube se lève, que la couleur passe du noir/bleu, au rouge du matin, la musique symbolisant le matin avec les divers sons des insectes, de leurs chants, et du bruit du vent. Les auteurs nous changent la banalité du matin qu’on connaît en quelque chose de poétique, enivrant et dépaysant. Il est bien question de cela, de nous changer du quotidien. On sentirait presque une amertume de l’auteur envers le monde de la ville, et de l’industrialisation. D’ailleurs, le jeu, à travers son scénario, critique ce monde de l’industrialisation, de mécanisation, de bétonnage, etc… Bref, il nous fait l’éloge de la nature, que trop peu de gens connaît et apprécie, au profit d’un univers plus stressant et pollué.
Il semblerait que Lovedelic ait fait deux autres jeux sur Playstation : UFO a day in the life et MOON.*** Je n’ai pas réussi a avoir la moindre information sur ces jeux. L.O.L semble être encore leur jeu le plus connu.****
Qu’est ce qu’on retient finalement de L.O.L ? Un ovni vidéo ludique, avec une ambiance très marquée, et qui nous fait passer un message là où on ne l’attend pas. Un jeu à connaître car il n’y a pas réellement d’équivalent dans quoique ce soit, que ce soit dans le cinéma ou dans le jeu vidéo (au pire, E.V.O Search for EDEN sur SNES ou 7th Cross sur Dreamcast pour l’idée d’incarner une bestiole qui va évoluer, mais c’est tout). On cite cependant des fois à propos de ce jeu Joël Fajerman : les inventions de la vie. On pourrait croire que le jeu en lui-même est ennuyeux, mais il se fera passionnant si l’on s’immerge un minimum dans l’univers, très travaillé. On aura vraiment envie de voir la fin, et de ce coté là, on est amplement récompensé. Je vous invite donc à vous procurer ce jeu, surtout si vous cherchez quelque chose de dépaysant. Je pense qu’on peut aussi y faire une recherche artistique. Si jamais vous êtes bloqué, n’hésitez pas à me demander conseil ou à aller voir le site http://www.gamefaqs.com/console/dreamcast/game/577293.html
*Interview à propos des musiques du jeu:
http://www.sitesakamoto.com/whatsnew/lol.html
**On peut en télécharger un extrait ici, tout comme d’autres vidéos du jeu :
http://dreamcast.ign.com/objects/013/013514.html
***site officiel de Lovedelic :
Aie, le site semble être mort.
****autres tests (je n’ai pris que ceux en français) :
http://www.yaronet.com/posts.php?sl=172&s=69422
http://www.cf-network.com/cfan/article_cfan.php3?id_article=1197
Vidéo du jeu:
http://www.youtube.com/watch?v=bsPQjuqU9qg
http://www.dailymotion.com/video/x2w3u5_lol-lack-of-love_videogames