S’il est un nom qui évoque probablement de nombreux souvenirs aux vieux amateurs de salles enfumées, c’est sans aucun doute Gauntlet. Premier véritable dungeon crawler en arcade, il permettait notamment à quatre joueurs de participer à l’exploration, moyennant quelques contorsions pour accéder aux boutons et au joystick (la borne était énorme, mais tenir à quatre dessus relevait tout de même de l’exploit). La suite ne tarda pas à voir le jour, Gauntlet II sortant à peine un an après son aîné. Pour le prochain épisode (en arcade hein, parce qu’entre-temps il est sorti une myriade d’épisodes consoles et micros), il faudra attendre douze ans ! Cent quarante-quatre mois ! Quatre mille trois cent quatre-vingt-trois jours ! Cent cinq mille cent quatre-vingt-douze heures ! Ça fait un paquet de raisons pour que la passion s’amenuise.
L’ARROSEUR ARROSÉ VERSION MEDFAN
Garm est un petit sorcier pathétique mais dont les dents sont presque aussi longues que celle de Xavier Bertrand (un autre sorcier, d’une autre époque). Comme tous les méchants de jeux vidéo, il aspire à une plus grande destinée, et donc à prendre la place de son frère Summer tout en haut de la hiérarchie des sorciers. Pour ce faire il utilise les Rulestones et invoque le démon Skorne. Manque de bol, la bestiole est assez farceuse et préfère plutôt tuer son maître et garder son âme prisonnière dans l’Underworld, comme ça, pour déconner. Suite à cela, Skorne éparpille les Rulestones aux quatre coins des Royaumes, histoire qu’aucun mortel n’ait les moyens de marcher dans les pas de Garm. Oui mais voilà : vous, vous êtes un aventurier vrai de vrai, vacciné, tatoué et certifié conforme. Vous bouffez du dragon au petit déj’ et les démons, vous vous en secouez la droite sans faire bouger la gauche. OK, vous avez le poste.
MON ROYAUME POUR UN BOUCHON !
Gauntlet Legends est un bon vieux hack ‘n slash comme on n’en fait (presque) plus. D’ailleurs, le titre d’Atari Games fait tout pour nous rappeler qu’il n’est rien de plus qu’une transposition en 3D des mécanismes de Gauntlet. Certes il n’y a pas cent dix-huit niveaux, mais il en existe tout de même vingt-six, ce qui promet quelques longues heures de balade. Vous commencez votre périple dans la tour de Summer, qui sert de lieu de rendez-vous : les téléporteurs vers chacune des localisations s’y trouvent.
Mais avant toute chose, il faudra d’abord vous créer un avatar. Gauntlet Legends est assez chiche en la matière, puisque vous ne pouvez pas créer ce que vous voulez. Vous êtes obligé de choisir un profil prédéfini parmi quatre (guerrier, valkyrie, archer et sorcier), auxquels s’adjoindront quatre autres types de personnages si vous parvenez à les débloquer. Vous choisissez ensuite une couleur, et place à l’action ! Une action qui peut heureusement être effectuée à quatre, comme dans les premiers Gauntlet.
Basiquement, le concept n’a pas changé d’un pouce. Il s’agit de traverser de vastes régions enclavées (histoire de ne pas dire « donjons à ciel ouvert ») en massacrant des légions d’ennemis qui sortent de téléporteurs (qu’il faudra détruire au passage, afin d’interrompre le flux de monstres) et en récupérant des clefs pour déverrouiller les portes bloquées. Bref, les connaisseurs ne seront pas dépaysés.
Que les autres se rassurent, il n’y a pas besoin d’avoir fait Polytechnique pour comprendre comment jouer à Gauntlet Legends. Concrètement, vous dirigez votre personnage dans toutes les directions grâce au stick analogique, la caméra suivant tant bien que mal vos pérégrinations. Vous disposez d’un bouton pour attaquer (quel que soit l’avatar choisi, votre personnage balance des projectiles), d’un autre pour utiliser vos objets et d’un dernier pour utiliser votre attaque spéciale.
Vous trouverez tout au long de votre parcours divers objets : de l’argent, de la nourriture pour vous soigner, des amulettes de protection ou de puissance, de quoi permettre à votre tir de partir dans de multiples directions, des clefs… Certains de ces objets se trouvent dans des coffres, d’autres doivent être achetés en magasin. Vous devrez aussi et surtout retrouver les Rulestones éparpillées au gré des niveaux, afin de pouvoir défier Skorne. En outre, à force de tuer des monstres, vos personnages augmenteront leurs statistiques de base (puissance, vitesse, résistance et magie) comme dans tout bon hack ‘n slash.
LES LÉGENDES MEURENT BIEN UN JOUR
S’il ne vole pas beaucoup plus haut que ses aînés, Gauntlet Legends a tout de même permis de transférer un concept un peu vieillot selon des normes modernes (à l’époque) : en gros, il s’agit d’une révision de Gauntlet en 3D. Oui mais voilà, il s’agit tout de même d’une 3D pas particulièrement bluffante. À l’origine, le jeu tourne sur le système Vegas d’Atari/Midway, un standard un peu limité, à peine plus puissant que le format Zn-2 de Sony. Concernant l’affichage, c’est une carte graphique Voodoo Banshee qui se charge du boulot, quasiment ce qu’a failli contenir la Dreamcast si SEGA ne s’était pas fâché avec 3DFX. Et au vu de la gueule du truc, on se dit que ce n’est pas plus mal.
Car Gauntlet Legends est franchement laid. Ses gros polygones renvoient aux tout débuts de la PlayStation, ses couleurs criardes piquent les yeux et ses décors font pâle figure par rapport à ceux d’un Draconus, sorti pourtant plus tôt. Pire encore, le jeu n’a pas été retravaillé pour sa conversion Dreamcast, qui reste donc aussi moche que la version N64. Aucune texture ou presque, des personnages à peu près aussi charismatiques qu’une tasse à café, des animations passées au hachoir et une bande-son grésillante, voilà pas mal de boulets aux pieds d’Atari et Midway.
Et puisqu’on parle de boulets, avouons que les personnages sont tout sauf maniables. Non, plus exactement, c’est l’angle de vue qui pose problème la plupart du temps, puisque votre avatar est tellement limité qu’il ne sait tirer que droit devant lui. Donc si l’angle de vue n’est pas bon, l’angle de tir ne l’est pas non plus. CQFD. Le jeu en devient donc rapidement délicat, et comme il est aussi rébarbatif que ses prédécesseurs, il y a de bonnes chances pour que vous ne trouviez pas la patience de subir vingt-six niveaux à ce tarif-là.
Vous qui insérez Gauntlet Legends dans le lecteur GD-Rom de votre Dreamcast, abandonnez tout espoir. Tout espoir de vous éclater sur un bon hack ‘n slash, tout espoir de découvrir LE jeu jouable à quatre sur la console… Ou plutôt non, n’abandonnez pas, parce qu’il reste un espoir : courir revendre ce jeu et vous pencher un peu plus sérieusement sur Draconus.