Lorsque je suis arrivé sur Emu Nova, je me suis rapidement intéressé au Projet Veda, qui me permettait de tester moi-même, et peut-être de faire découvrir aux autres, des jeux que j’aimais. Ou que j’aimais pas, d’ailleurs. Hélas, je me rendis vite compte que les jeux les plus connus étaient déjà testés. Adieu mon test de Street Fighter II, tout le monde était passé par là et avait testé toutes les versions possibles. Toutes ? Non. Car un petit jeu japonais résiste encore et toujours au joueur occidental. Aujourd’hui, il est temps de me venger.
MAGNÉTO, SERGE
Je ne vais pas vous faire l’affront de vous seriner encore et encore avec le scénario sensé et profond de Street Fighter II, d’autres s’en sont chargés avant moi et de bien meilleure manière. Au lieu de cela, j’ai décidé d’utiliser une technique que je réserve traditionnellement aux jeux qui ne méritent pas que l’on s’attarde sur leur synopsis : la rétrospective.
Le premier Street Fighter est sorti en 1987 et n’a pas énormément fait parler de lui, la faute peut-être à un système de jeu encore imparfait. Par contre il en fut tout autre pour sa suite, Street Fighter II, sortie pour sa part en 1991. Là pour le coup, le succès a été phénoménal, à tel point que la concurrence s’est engouffrée dans la brèche, que des adaptations ont été faites sur quasiment tous les supports de l’époque… et que le jeu a eu droit à plusieurs mises à jour.
La Champion Edition (Street Fighter II’ de son petit nom) sort l’année suivante et permet de jouer avec les boss. La même année sort Street Fighter II Turbo, qui permet de jouer en accéléré. Super Street Fighter II sort un an plus tard et propose quatre nouveaux personnages et quelques remaniements d’ordre graphique, principalement. Enfin, il ne faut de nouveau pas attendre plus d’un an avant de voir apparaître Super Street Fighter II Turbo en arcade, intégrant un nouveau personnage secret et un système de jauges pour déclencher les coups spéciaux.
LE JEU DES SEPT ERREURS
Là, le public ne suit plus. Cinq versions en quatre ans, c’est plus que ne peut en supporter le porte-monnaie du joueur lambda. Capcom est prié de revoir sa copie, et cela donnera naissance aux Street Fighter Zero. Hyper Street Fighter II, pour sa part, est sorti bien après, afin de répondre au quinzième anniversaire de la franchise.
Le titre n’est sorti qu’au Japon et en Asie du sud-est, même si certains affirment qu’il a connu une localisation en Amérique du nord sur une très courte période. Le but de HSF2, comme nous l’appelerons désormais, était de permettre de jouer avec n’importe quelle version des personnages.
Ainsi, bien que tout nous semble familier - pour peu que l’on ait joué à Super Street Fighter II, dont le titre reprend l’esthétique -, quelques différences vont faire leur apparition. Par petites touches au départ. À l’écran de sélection des personnages, tout juste se rend-on compte que le drapeau de Fei Long, le hong-kongais clone de Bruce Lee, n’est plus celui de Hong-Kong mais celui de la Chine, la province ayant été rétrocédée entretemps.
Cependant, lorsqu’on sélectionne l’un des seize personnages présents, on doit ensuite choisir la version avec laquelle on souhaite jouer. On peut donc prendre la version SF2, SF2’, SF2 turbo, super SF2 ou super SF2 turbo. HSF2 respecte tout de même la logique historique : par exemple on ne pourra choisir qu’entre super SF2 et super SF2 turbo pour T. Hawk, puisqu’il n’existait pas dans les versions antérieures ; de même, impossible de jouer Vega en mode SF2 puisque dans ce jeu, il ne faisait office que de boss.
Quoi qu’il en soit, il est donc possible de faire son choix entre toutes ces versions, et il est même possible de faire s’affronter un Ken version SF2’ et un Dhalsim version super SF2 turbo, ce qui reste un combat gravement déséquilibré malgré tout. Chaque version d’un même personnage dispose de la même couleur, et surtout de la même panoplie d’attaques, que ce à quoi il avait droit dans le jeu originel. Par exemple, Chun Li ne dispose pas de sa boule de feu en version SF2. Plus précis encore, chaque version d’un même personnage possède exactement le même set d’animations que dans le jeu dont elle est tirée, si tant est qu’il en ait changé entre deux.
DONNEZ, DONNEZ-MOI
Nous voilà donc devant une énième mouture d’un jeu que l’on connaît par coeur. Il y a donc deux manières d’aborder Hyper Street Fighter II : la première consiste à crier au scandale devant un recyclage facile (du moins admettra-t-on difficilement que plus de trois personnes aient été nécessaires pour réaliser ce jeu), la seconde à le considérer comme la version ultime d’un chef d’oeuvre.
En se replaçant dans le contexte, il est clair que c’est la première qui prédomine. En 2003, non seulement SF2 est défraîchi par rapport à ses descendants, qui ont emmené dans leurs bagages une refonte graphique moderne et une technicité accrue - on pensera notamment aux Street Fighter III -, mais en outre il est complètement mis au rebut par une concurrence qui ne s’est pas contentée de plagier. SNK y est allé de ses perles, KOF en tête, et des studios comme ARC System Works, pour ne citer qu’eux, ont proposé leur propre vision des choses.
Bref, HSF2 ressemble à un document antidaté perdu au fond d’un placard. D’un autre côté, à l’heure actuelle où il n’est plus question de mettre de l’argent dans une borne et où de nouveaux joueurs entrent en piste, qui n’ont pas connu la légende du temps de son vivant, cette dernière folie sonne un ultime appel : venez découvrir pourquoi Street Fighter II est aussi mythique, sans avoir à récupérer chaque rom pour voir la différence.
C’est peut-être ça, en définitive. En mettant de côté l’aspect outrancièrement mercantile d’une « Edition Anniversaire » jouant sur la nostalgie des vieux briscards et sur la notion de découverte d’une nouvelle génération de joueurs, Capcom a peut-être conçu Hyper Street Fighter II comme un legs à l’humanité, ou autre. Je le verrais bien encodé dans une capsule partant pour l’espace, comme on a inséré le discours de Martin Luther King et les chansons des Beatles dans des objets à destination des petits hommes verts. Une sorte de « eh les gars, regardez ce que l’être humain est capable de faire ».