Développé par ICOM Simulations Inc., édité par MindScape sur Mac (88), Amiga, Atari ST, Apple IIGS (89), MS-DOS (90), PC, Pocket PC, Game Boy Color.
MAMAN J’AI ENCORE PERDU LA MÉMOIRE ET JE SUIS PERDU À VEGAS
Quel boulet ce Ace Harding ! Il a encore perdu la mémoire, c’est incroyable ça.
Remarquez, ça peut être utile, pour les rendez-vous galants notamment : « je t’aime ma chérie, on fait un câlin ? » et le lendemain matin « mais ? t’es qui toi ?? ». Ouais, ça pourrait bien dépanner, je me souviens d’une fois où… enfin bon, Ace est encore dans le caca et il faut lui filer un coup de main.
Deux fois commençant à devenir une (sale) coutume, il se réveille dans une salle de bain sans savoir comment il est arrivé là, ni pourquoi il est en calebute. Encore plus grave que le pire de mes potes, le mec. Pourtant il s’en était bien sorti dans **Deja Vu : A Nightmare Comes True **. Il avait réussi de haute lutte à déjouer une machination visant à lui coller sur le dos le meurtre de son ex-manager de boxe, et son nom a été publiquement lavé. Il pensait donc être peinard pour un temps, mais quand on est marié avec les embrouilles…
Ah attendez ! On me signale dans l’oreillette que cette perte de mémoire n’est que passagère. Ouf. Elle n’était cette fois-ci pas due à l’absorption d’une substance chimique, mais à un violent coup sur la tête. Ace reprend rapidement ses esprits, et un mec d’allure patibulaire avec un cigare soudé aux lèvres se charge de lui rappeler la situation : le macchabée de Chicago, Joey Siegel, travaillait en fait pour le chef de la mafia de Las Vegas, le parrain Tony Malone. Or, il devait lui rendre un paquet de pognon qui s’est envolé dans la nature. Au vu de son implication dans le meurtre, Malone décrète que c’est à Ace de retrouver la jolie somme, qui se monte à 112 000$. Rien que ça. Il vous a même fait signer un contrat unilatéral stipulant qu’à défaut de restituer intégralement la somme, et fissa avec ça (une semaine maxi), ben vous acceptez de vous faire descendre. Le mec qui squatte votre chambre d’hôtel c’est Stogie Martin, le tueur à la solde de Malone. Il va vous pister pendant tout le jeu, et bien vous mettre la pression en vous rappelant que l’heure tourne. Greffier, veuillez rayer le « Ouf » susmentionné. N’empêche, tout ça ne nous dit pas pourquoi Ace est en calebute…
Bon, ben je pense que vous avez pigé la situation. Ace devra à nouveau collecter des indices le menant à l’argent disparu. La bonne nouvelle, c’est que cette fois seule la mafia lui en veut ; il peut circuler librement et même se balader à sa guise dans le pays (USA en 1942). La mauvaise c’est que la seule alternative à un échec, c’est la mort. Soyez sûr que la mafia vous retrouvera où que vous alliez.
DERNIER VOLET DE LA QUADRILOGIE MACVENTURE
Deja Vu 2 : Lost in Las Vegas est le dernier-né d’une série de 4 jeux d’aventure Point & click, les MacVenture games, développés par ICOM Simulations Inc., d’abord pour Macintosh puis pour les supports ordinateurs disponibles dans les années 80. A la différence des 3 premiers (**Deja Vu : A Nightmare Comes True **, Uninvited et Shadowgate), Deja Vu 2 n’a pas été porté pour la NES. L’histoire (ou la rumeur) nous dit qu’une version NES aurait été finalisée sans jamais avoir été éditée. Voilà pourquoi je me suis résolu à quitter ma plate-forme fétiche pour tester le jeu. J’ai d’abord lancé le jeu sur PC, mais un bug m’empêchait de passer le 2e écran. Bon soit, je n’ai pas examiné davantage le problème, j’ai ressorti mon émulateur Atari ST. On va pour une fois faire les choses en bonne et due forme, à savoir tester un P&C à la souris.
Ce jeu est donc la suite de Deja Vu : A Nightmare Comes True, considéré comme le tout premier jeu d’aventure P&C. Ce soft se déroulait à Chicago dans les années 40. Vous y incarniez un homme ayant perdu la mémoire et accusé d’un meurtre qu’il n’avait pas commis (comme Hulk). Cet homme se révéla être Ace Harding, détective privé au passé de boxeur. Après avoir retrouvé la mémoire, il a finalement réussi à déjouer le complot et démasquer ses auteurs, et obtenir un blanchiment inconditionnel de la justice.
Deja Vu étant un très bon jeu avec pour points forts ambiance, suspense, immersion, et disposant d’un héros charismatique, on peut légitimement attendre beaucoup de son successeur. Eh bien, sur tous les aspects cités, mission accomplie.
ON EST DEDANS !
Dès la première discute avec Stogie, le cadre est posé. On est d’emblée sous pression. Au moins ça nous évitera de penser qu’on est à Vegas en vacances, le jeu démarrant dans une chambre du « Lucky Dice Hotel ». Votre seul objectif c’est de retrouver le pognon. Ou en tout cas de savoir où il est passé. Vous avez toute liberté d’action et de mouvement pour y parvenir. Seule contrainte : un temps limité. N’oubliez pas que vous êtes sous étroite surveillance, et votre boss n’est pas un homme patient. Si vous traînez trop, la mort vous attend au tournant. Une nouvelle fois, votre quête consiste à trouver des indices, informations ou objets. Si le jeu part de Vegas, Ace est libre d’aller visiter d’autres lieux (en utilisant le train pour les grands trajets, le taxi pour les courtes distances). Puisque l’argent a été perdu à Chicago, cadre du 1er opus, ça peut être une bonne idée d’y retourner faire un tour.
Deja Vu 2 permet donc de revisiter des endroits connus, comme le bar de Joey, et d’en découvrir beaucoup de nouveaux (l’appart de Ace, une morgue, des gares…). Rencontrer des personnes également (vivantes ou mortes). Et pas que des ennemis comme dans le 1, mais aussi de vieilles connaissances amicales (votre ancien sparring-partner devenu croupier, un ancien client chauffeur de taxi…), ce qui vous sera bien utile financièrement parlant.
La progression n’est pas dirigiste, puisque vous disposez d’une large liberté de mouvement, mais on peut noter que dans cet opus, vous tournerez beaucoup moins en rond ; pas besoin de refaire les mêmes pièces 3 fois et de tout revisiter dès qu’on a trouvé une nouvelle clé. Tant mieux parce que les voyages en train c’est long, lourd et onéreux.
Au niveau des actions possibles, les fonctions standards sont reprises : Examiner, Ouvrir, Fermer, Parler, Aller, Taper, Actionner (« Operate »), et Avaler (« Consume »). Sur ordi, la fonction Utiliser (« Use ») est en effet remplacée par les 2 dernières. Et plus de fonction Prendre, on se sert d’un drag n’drop pour saisir un objet et le glisser dans la fenêtre d’inventaire. Pour utiliser un objet sur un autre, on fera donc la manip suivante : se saisir de l’objet pour le mettre dans l’inventaire, si ce n’est déjà fait, puis cliquer dessus, sélectionner « Operate » et cliquer sur l’objet ou l’endroit où il doit être utilisé (j’ai eu du mal au début).
L’ensemble n’est pas spécialement ergonomique, pour vous livrer le fond de ma pensée ; je m’en sors beaucoup mieux question commandes avec les P&C au pad, un comble… En effet, on a souvent du mal à se saisir des objets, à trouver une place dans l’inventaire, à naviguer dans celui-ci, à cliquer au bon endroit du décor… bref, gros point négatif. Par ailleurs, sur un grand nombre d’écrans, vous devez agir en temps limité (ce n’est jamais le cas sur les versions consoles). Ainsi, en jouant au black jack, je n’arrive jamais à récupérer tous mes jetons (il faut les prendre un par un). Le croupier décrète en effet que je suis trop long et prend ce qu’il reste sur la table… Même chose pour payer le contrôleur de train, à qui il faut donner plusieurs billets de 5$. Pour un billet à 25$, ça fait 5 manips à faire ; eh bien le temps de les terminer le train part, et le contrôleur nous fout dehors en gardant ce qu’on lui a déjà donné ! De quoi bien s’énerver…
Il est donc toujours possible de parler à des individus (ou à des objets techniquement). La nouveauté c’est que vous pouvez choisir quoi leur dire. Pas mal du tout ça. Le problème, c’est qu’aucun ne réagit à la communication verbale. Soit les gens vous ignorent, soit ils sont sourds-muets, soit Ace pue de la gueule. J’ai bien tenté un petit « hi coquine ça farte ? » à la belle blonde du train, mais aucune réaction. Alors soit ma technique de drague est à revoir, soit le jeu présente des lacunes. Oui, on est d’accord, ça vient du jeu. Le seul langage en vigueur est celui des signes. Ce n’est qu’en montrant des objets que vous pouvez obtenir une réaction (coupure de journal, photo). Un seul passage nécessite d’écrire un mot. Au mec de la morgue il faut écrire le nom du macchabée dont vous souhaitez obtenir les effets. Mazette, faut le savoir ça… il est également dommage de ne pas retrouver de vrais dialogues (les persos parlent à Ace, qui ne répond jamais). Enfin ceci est propre à tous les jeux de la série.
L’inventaire est principalement constitué de pièces d’informations, d’indices (coupures de journaux, livres, photos…), d’argent et de quelques objets. C’est le sens logique qui dictera leur utilité (la lampe de poche et le couteau serviront probablement plus que la bouteille de scotch vide ou l’aspirateur). Ace pourra récupérer son flingue, mais il ne sert pas dans le jeu (sauf à se le faire piquer).
Ah au fait, vous vous demandez peut-être le pourquoi du titre ? Eh bien Ace a des flashs lorsqu’il tombe sur un objet ou une photo, une manière de donner une information complémentaire. C’était plus dramatique quand il avait perdu la mémoire, mais cette mise en scène est assez ingénieuse, ça crée un petit moment dramatique.
COMME DANS UN BON VIEUX POLAR !
L’ambiance roman noir qui a fait le succès du 1er opus est fidèlement restituée et encore davantage travaillée. On croise pas mal de personnages, et notamment beaucoup de méchants, dans des lieux caractéristiques comme le casino, l’hôtel, l’appart, la morgue, la laverie qui sert de couverture à la mafia (une laverie pour blanchir du pognon, j’adore l’humour des gangsters). Ace peut faire plus de trucs qu’auparavant (se balader, jouer au black jack, voire aux fléchettes, se planquer dans un charriot de linge sale…), le jeu va assez loin au niveau des stratagèmes à employer pour progresser (rajoutons se déguiser en policier, organiser son évasion une fois qu’on s’est fait choper…), c’est pas mal. Le revers de la médaille, c’est que pour faire avancer le jeu il faut parfois faire preuve d’une subtilité infinie ; le jeu s’avère extrêmement balèze à compléter. Je ne donnerai pas d’exemple précis pour ne pas verser dans le spoil, mais il va falloir faire fonctionner ses neurones à plein régime. Surtout au moment du final…
Le jeu est donc très difficile, mais bien construit. La plupart des actions sont logiques : le contrôleur va vous jeter dehors et vous vilipender si vous frappez une femme dans un wagon, la police va vous serrer à la gare et vous coffrer pour trouble à l’ordre public si vous ne vous êtes pas habillé… c’est vraiment prenant et immersif tout ça.
Mais un autre gros point négatif c’est la gestion du temps dans le jeu. J’ai parlé du stress dans le train ou au casino, eh bien le méga stress vous le subirez tout à la fin du jeu. Il vous est demandé de déguerpir de la ville en 4e vitesse avant qu’une fusillade n’éclate. Eh bien si vous avez traîné un petit peu avant, les bandits vous rattraperont toujours avant que le train ne démarre, j’ai dû faire le trajet 5 ou 6 fois le plus rapidement possible, avant de me résoudre à utiliser une sauvegarde très antérieure pour pouvoir économiser du temps, et ainsi pouvoir m’échapper. Lourd !!
Niveau réalisation technique, le travail est de qualité. La fenêtre de décor est un peu plus étendue que sur console, les graphismes sont relativement fins et détaillés. On retrouve quelques animations périodiques (clins d’œil des persos, arrivée du train, démarrage du taxi).
Aucune musique (dommage) mais quelques effets sonores (claquements de portes, détonations, sirène du train). On entend également la voix du conducteur « All aboard !!! ».
RÉSUMÉ
**Deja Vu 2 : Lost in Las Vegas ** est un excellent P&C, incontestablement le plus abouti des MacVenture au niveau de l’intrigue et des possibilités d’action. Toutefois, il souffre de quelques défauts, à savoir une trop grande difficulté (une vague directive sur la fin du jeu aurait pu être appréciée) et surtout une ergonomie défaillante, qui m’a pas mal gâché le plaisir de jouer, surtout au début. Et puis le champ d’action reste limité (on est sur 8 bits). Je pense aux dialogues notamment. Cela dit, ça vaut le coup de s’y plonger, surtout pour les fans du 1.
VERDICT
Bien que plus travaillé que son prédécesseur, je vais lui attribuer un peu moins que DV1, soit 8 sur 10.