Ah, la bonne vieille époque, passé la deuxième moitié des années 80 ! En matière de jeux vidéo, c’était les années folles où les plombiers bedonnants combattaient des champignons agressifs, où les ninjas pullulaient - y compris dans les simulations sportives, où les chevaliers en caleçon partaient à l’assaut des démons… On ne cherchait pas à tout prix à coller à la réalité, ou au moins à un semblant de réalité. C’est dans ce cadre pour le moins imaginatif que Demon’s World a vu le jour. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il s’inscrit dans son époque.
BOUGRES DE SALOPARDS DE DÉMONS !
Dans Demon’s World, on incarne un clone de Duke Nukem époque 2D (donc avant le bien nommé Duke Nukem 3D), coupe blondasse-de-Miami-Vice et lunettes noires de rigueur. Engoncé dans un costume grisâtre à mi-chemin entre le costard d’enterrement et le survêt’ du dimanche matin, le bonhomme trimballe sa mitrailleuse à travers les quatre coins d’un monde tout plat afin de débiter du démon en rondelles. Il n’y a pas vraiment de scénario : le mec est juste content de bouter les infâmes créatures en dehors de ses terres.
COHÉRENCE, QUAND TU NOUS TIENS…
Demon’s World se classe sans trop de problèmes dans la catégorie des run ‘n gun. Dans la VRAIE catégorie des run ‘n gun, serais-je tenté de préciser, car ici le défilement d’écran est continu, vous imposant d’aller toujours de l’avant. Pour vous donner un ordre d’idée, le jeu se rapproche un peu, dans son principe, d’Atomic Runner Chelnov.
L’aventure comprend, si l’on peut dire, six mondes. « Si l’on peut dire », car en vérité il n’y a pas de coupures entre les niveaux : le stage défile jusqu’au combat contre le boss, et une fois ce dernier vaincu, l’écran reprend son scrolling jusqu’au prochain boss. Les niveaux en eux-mêmes peuvent changer de décor en l’espace de quelques mètres, et l’on passera ainsi d’un décor de Far West à une forêt lugubre, puis à un pont suspendu et enfin à une mesa avant même d’avoir atteint le premier gardien. Le reste des mondes est lui aussi constitué de bric et de broc, avec aussi bien l’épave d’un vieux galion qu’un cimetière, un château, des toits, une île ou un temple chinois, entre autres.
Votre personnage est très limité dans ses actions : il peut sauter et tirer droit devant lui. Vous pouvez également réaliser un saut plus long, en appuyant deux fois sur le bouton. Attention ! Ce n’est pas comme dans un Ghouls ‘n Ghosts où l’on attend d’avoir atteint le pic du premier saut pour rappuyer : ici, il faut appuyer deux fois de suite, le plus vite possible, pour parvenir à ses fins.
Le jeu met rapidement tout en œuvre pour que vous vous serviez de ce bond amélioré : les ennemis comme les bonus se trouvent souvent en hauteur. De même, il viendra un moment où vous ne pourrez pas franchir les précipices avec un saut standard. Pour en revenir aux bonus, les options se présentent sous la forme de carrés marqués de différents symboles. Selon les cas, vous obtiendrez différentes formes de tir : un 3-way, un tir en forme de flèche puissant mais à courte portée, des bombes qui explosent au sol… Les cœurs qu’abandonnent certains ennemis une fois détruits permettent de restaurer votre jauge de santé, et vous trouverez également, en quantité plus que limitée, des vies supplémentaires.
HIT THE ROAD, JACK
C’est marrant comme Demon’s World a de faux airs de jeu Taito de l’époque, hein ? Il faut dire que Toaplan a longtemps été liée à l’éditeur, et en 1990, les deux sociétés viennent juste de divorcer à l’amiable. On retrouve donc quelques similitudes au niveau de l’ambiance entre le jeu qui nous intéresse aujourd’hui et des titres comme Bonze Adventure. On retrouve aussi cette espèce de patte graphique, à la fois pas trop moche et franchement banale, qui nous laisse toujours un peu le cul entre deux chaises : de ces jeux objectivement difficiles à critiquer mais sans âme, comme Taito nous en pondait par wagons entiers.
Sauf que Demon’s World, lui, est bien plus facile à critiquer. Techniquement à la ramasse, avec ses animations deux de tension et sa bande sonore grésillante, le jeu souffre en outre d’une maniabilité particulièrement rigide : l’impossibilité de tirer ailleurs que devant soi, et surtout la grande pénibilité de la manœuvre consistant à réaliser les super sauts, rendent l’entreprise ardue. Pourtant, croyez bien qu’elle n’avait pas besoin de ça ! Le rythme n’est certes pas bien vif, mais entre la foultitude d’ennemis et les nombreux pièges posés pile poil là où il faut pour vous faire péter un câble, Demon’s World est… démoniaque. Et au rythme arthritique où défile l’écran, l’aventure semble diablement (quand je tiens un champ lexical source de jeux de mots, je le lâche pas si facilement) longue.