Développé et édité par Coktel Vision sur Amstrad, Amiga, Atari ST, PC, 1988. Version française.
C’est en 1869 que Jules Verne nous a sorti son plus célèbre roman : 20 000 lieues sous les mers.
Moult fois adapté au cinoche, (la version de 1954 avec Kirk Douglas est la plus connue), il a aussi généré une adaptation autrement plus obscure en jeu vidéo sur les ordinateurs en service en 1988, merci (ou pas) Coktel Vision.
Par la suite, le Secret du Nautilus verra le jour sur PC en 2002 (un soft pas trop mal me suis-je laissé lire).
Pour l’heure, faisons semblant de nous intéresser à la version Amstrad, probablement la plus pourrie de toutes, mais il se trouve que c’est celle que j’ai testée… il faut dire que j’en gardais un sympathique souvenir nostalgique. Bien que visuellement pourri et très rebutant au premier abord, le style de jeu original et l’ambiance Jules Verne m’avaient intéressés. Aujourd’hui, le sympathique souvenir nostalgique a disparu…
BIENVENUE DANS LE MONDE DE NEMO
20 000 prend les traits d’un jeu d’aventure sous forme de point & click en environnement clos.
Vous jouez le professeur Aronnax (narrateur dans le jeu comme dans le livre). Vous dirigez le curseur pour interagir avec les quelques éléments du décor, y compris les personnages que sont vos compagnons Conseil et Ned Land, et Nemo, bien que celui-ci parle parfois alors qu’il n’est pas dans la pièce…
Aronnax livre et consigne ses impressions dans son journal intime. A tout moment dans le jeu, vous pouvez y relater les faits marquants (autant prévenir, il n’y en aura pas beaucoup).
Un petit mot sur l’histoire. Aronnax et ses amis furent attaqués en pleine mer par un monstre qui s’avèrera être le tout premier sous-marin jamais créé, baptisé le Nautilus par son commandant de bord, le Capitaine Nemo, homme secret mais visionnaire vouant un profond mépris à ses congénères. Après avoir été mis au ban de la société, monsieur Nemo a choisi d’évacuer son spleen en se retirant dans les fonds marins, et en coulant quelques navires pour se distraire. Faut dire qu’y avait pas de console à l’époque…
Aronnax, Ned et Conseil devinrent donc prisonniers de marque du Nautilus. Une relation un peu ambigüe se crée entre Nemo et Aronnax, que le capitaine tient en estime. Disons que celui-ci est invité contre son gré. Nemo lui fait découvrir son monde et partager sa science et ses connaissances.
BON, BELOTE OU TAROT ?
Le jeu n’a pas de véritable but ; il faut progresser, vivre l’aventure, et accessoirement rester vivant. Si possible ne pas désobéir ou insulter Nemo, ça peut toujours servir.
Autant être clair, on passe son temps… à passer le temps. Ou perdre son temps. Pour certains esprits obtus c’est là ni plus ni moins la finalité des jeux vidéo ; enfin c’est pas le débat.
Aronnax, (vous) doit essayer de s’occuper comme il peut avec ce qu’il peut, et si possible contribuer à faire avancer l’histoire.
Le Nautilus se compose de 3 pièces accessibles : la grande salle (avec vue sur le fond marin), la cabine de Nemo (avec piano et bibliothèque) et la salle des commandes (juste un périscope accessible). Et lorsque le Nautilus est en surface, le pont de celui-ci. De temps en temps (notamment quand il fait des bêtises), Aronnax se retrouve confiné dans sa cabine, mais nous n’avons droit qu’à un écran de texte (aucune action possible).
Dans la grande salle sont disposés 3-4 objets interactifs (carte ne servant à rien, boussole ne servant à rien, nanomètre ne servant à rien…) et, dans la cabine de Nemo, à part tapoter sur le piano la seule chose à faire est de consulter des ouvrages vierges (le héros peut les ouvrir mais pas lire leur contenu), mis à part un ou deux. Ouvrez le journal de Nemo et il fermera la bibale à clé après vous avoir adressé ses plus effarouchées remontrances.
On a très très très vite fait le tour. Donc quand on a fini, eh bien il faut recommencer, zoner de pièce en pièce en attendant qu’un évènement se produise. Il y en a de temps en temps quand même, rassurez-vous : lorsqu’Aronnax repère une île, Nemo lui donne quartier libre pendant une heure pour se dégourdir les jambes sur celle-ci. Vous vous baladez sur les 5 parties d’écran pendant que l’aiguille tourne. Sauf qu’il n’y a rien à y faire à part marcher. Ma foi, contentons-en nous…
Il sera aussi possible de faire de la plongée sous-marine, d’explorer une épave de bateau. Ah, enfin un truc intéressant ! Oui, sauf que si vous cliquez trop vite quand Nemo vous dit de le laisser seul dans la biblio, il va vous punir en vous faisant rater la chasse sous-marine. Oui, sauf que vous êtes attaqué sous l’eau par des requins impossibles à tuer sans arme (peut-être faudrait-il se munir d’un harpon avant de plonger, peut-être le harpon se trouve-t-il quelque part dans la pièce, mais les graphismes sont tellement mauvais que ce n’est pas possible de mettre la main dessus). Oui, sauf qu’il y a des bugs incessants ; genre le requin nage comme un con au lieu de vous attaquer et y’a plus qu’à reseter le jeu. Oui, sauf que quand le requin vous a enfin blessé pour le compte (ce que vous attendiez puisque c’est la seule façon de faire avancer le jeu), l’ordi bugge en vous ordonnant en boucle de changer la disquette de face. Bref vous avez compris, autant ne pas la faire cette plongée de malheur.
Il y a quand même une action à mener : piloter le Nautilus (vers la fin du jeu). Enfin un peu de liberté, oui sauf que vous restez bloqué tant que le Nautilus ne s’est pas posé à 70m de fond à 250 degrés. Ah… et y’a pas de manuel des commandes bien sûr. Bon, après 10 bonnes minutes, j’ai tout de même réussi le challenge. Me voilà timonier. Cool.
A part ça ? A part ça il est possible de tuer tout le monde si vous montez sur le pont alors que le Nautilus est immergé. Ben quoi ? Faut bien se distraire un peu non !
SAY CAPTAIN SAY WHAT
Les personnages ne servent pas à grand-chose ; de temps en temps, Conseil et Ned font des commentaires plats (Conseil dans le rôle du suce-boules et Ned dans celui de l’écorché qui ne tient pas en place) et notre captain farfelu donne de temps à autre une explication technique intéressante, mais qui ne fait pas avancer le schmilblick.
Ah, mais le clou de l’aventure, le moment que vous attendez tous, c’est bien sûr l’attaque du calamar géant, avouez ! C’était bien sûr mon objectif ultime autrefois. Eh bien oui c’est possible ! Mais alors va falloir le mériter parce que c’est très très long avant d’y arriver !! (Je ne saurais vous dire combien de temps, je n’ai pas réussi à l’atteindre de nouveau, victime de l’ennui et mis au tapis par des bugs incurables).
Du coup, il m’a fallu jouer en parallèle à la version Atari pour pouvoir finir le test. Donc quand le calmar se pointe, l’affrontement a lieu en surface. Chaque fois que la bestiole pointe le bout de son museau hors de l’eau il faut lui tirer dessus avec un flingue. Il suffit de placer le curseur au-dessus du corps ou de l’œil de la bête et de tirer. Oui, sauf que le poulpe ne reste jamais très longtemps en surface. Si vous tardez trop à le vaincre, à cause de la maniabilité du curseur assez voisine du 0 absolu, ou bien du fait de graphismes qui vous permettent à peine de distinguer le monstre, eh bien il vous tue et il faut tout recommencer. Bizarrement, sur la version Atari, pourtant rigoureusement identique à celle de l’Amstrad au niveau du jeu en lui-même, je n’ai pas réussi à me faire vaincre. Le poulpe attend flemmardement qu’on le tue. Chelou, enfin on n’est plus à ça près.
Toujours est-il que 2 tirs qui font mouche et c’est gagné ! Vous recevez donc les chaleureuses félicitations de Nemo, de vos compagnons, de l’équipage du Nautilus, des programmeurs, des… comment ? Mais où ils sont tous ? Vous les avez sauvés à vous tous seul et vous ne gagnez que le droit de glander comme un con dans la salle principale. Et c’est reparti pour un tour.
Je ne saurais vous dire s’il existe une véritable fin à ce jeu. Ce que je peux dire c’est qu’au bout d’un certain temps (10 minutes après le combat contre le poulpe) vous recevez le message suivant : « le voyage durera encore de longues années. Aronnax ne put jamais livrer le témoignage de son récit ». Ok, on dirait une bad ending ça. Enfin tant que c’est fini…
UNE RÉALISATION ABYSSALE
Le jeu est moche. Très moche. Injouablement et immondement moche. Même sur Amstrad on pourrait faire un effort quoi. Il m’a fallu jouer à la version Atari pour apercevoir 2 personnages dans la pièce principale (Nemo et Aronnax). Avant ça j’assistais au dialogue de 2 personnes invisibles… Le pire au niveau graphismes, ce sont les couleurs. Les autres versions ont des dessins identiques mais bien mieux colorés, et ça change tout.
Il y a bien une ou deux animations (l’apparition du Nautilus au début, le requin, et le poulpe) mais bon, ça ne relève guère le niveau.
Côté bande-son, j’ai le plaisir de vous annoncer que celle-ci se constitue de… 2 notes, à taper au piano (qui s’avère être un orgue). Je me lève et je salue l’effort.
La jouabilité est bien sûr très médiocre : on déplace le curseur avec les flèches, on doit cliquer au bon endroit pour bouger ou interagir avec un objet, une corvée quoi.
Seul point que je citerai en positif : une certaine ambiance, liée au huis-clos et à la fidélité au roman de Jules Verne.
La durée de vie ? Ben on lâche l’affaire vraiment très vite. Dans les années 80, c’est la perspective de rencontrer le poulpe qui m’avait motivé, mais de nos jours ça ne suffit plus. Et de toute façon il y a trop de bugs, entre la chasse sous-marine et les changements de disquette obligatoires (presque à chaque clic).
RÉSUMÉ
Une idée de départ intéressante (et Dieu sait que l’histoire du roman est captivante), un jeu d’aventure en point & click avec sa vie à mener, avec des découvertes à faire, des choses à apprendre, ça aurait pu être prometteur. Mais une réalisation technique en-dessous de tout, une jouabilité exécrable et un ennui qui s’installe dès la 2e minute de jeu vaporisent toute vague notion de plaisir. Autant le jeu est jouable sur les autres ordinateurs, autant les couleurs de l’Amstrad portent le coup de grâce à ce jeu original mais raté.
Même après avoir passé du temps dessus, beaucoup de mystères demeurent pour moi. Peut-être ai-je raté des actions importantes, pas saisi la véritable finalité de la quête ? Il reste une nanométrique ombre de doute, et comme je n’ai entendu personne prétendre avoir fini ce jeu…
Je mets 3/10 à la version Amstrad et 5,5 pour les autres.