—— L’Antichambre des cieux ——
Le monde des simulateurs de vol (et ce depuis l’aube de leur temps) est riche et surtout complexe, le réalisme et la difficulté d’un titre allant souvent de pair. Je n’ai que rarement pu affronter les manuels de 75 pages accompagnant nombre de ces simus, sans parler bien sûr des 32 touches clavier à négocier en live.
Evidemment, le Wings de Cinemaware est bien plus abordable, par son net penchant arcade mais aussi par l’époque où l’action se situe : les joyeux coucous de 1914 sont en effet un poil plus simples à gérer qu’un triste F-117.
—— Think you’re a flyer, kid ? ——
…voilà tout ce que l’colonel me rabâchait, il me répétait que je n’intégrerais jamais le 56ème sans avoir fait mes preuves… gagné mes galons qu’il disait…
Mais il me connaissait mal, l’père Farrah ! Je me sentais capable de bien des exploits, mais tous mes discours ne seraient jamais aussi éloquents qu’une mission accomplie. C’est donc fier comme un coq que je m’posais devant le bureau du patron avec mes premières ailes gagnées et donc mon passeport pour le 56ème escadron.
Les copains de la base se marrèrent bien en me disant que cette p’tite mission de qualif’, c’tait du vent, juste un vague exam’ pour séparer les pilotes potables des bras cassés.
Ils m’assurèrent que la guerre, là dehors, c’était quelque chose que j’imaginais même pas.
Rien de ce que j’avais connu n’avait cours là haut ; une fois dans les airs, la seule monnaie qui comptait c’tait la salve de plomb que t’allais cracher dans la carlingue d’un boche.
« Dégote-toi une spécialité ! » m’avaient dit les collègues. J’savais pas quoi choisir, moi : un stage de mécano, de vol, d’endurance ou d’tir, j’avais l’temps de m’en négocier qu’un seul avant de décoller… D’façon, les gars m’avaient assuré qu’avec le temps viendrait la maîtrise… en revanche, ce qu’ils avaient tu, c’est qu’avec le temps se déploierait…
——- L’Enfer des Cris ——-
Ecrasé par ce fardeau qu’est la vieillesse…
Quand tombe la nuit que je crains tant, dans la pénombre de ma baraque grand luxe, entouré par cette technologie qui m’inquiète plus qu’elle ne me sert, le spectre qui me chérit tant revient hanter mes nuits et saborder mes espoirs.
Cette guerre, je l’ai menée jusqu’au bout, plus par rage de vivre que de vaincre d’ailleurs. J’ai vu tous les copains mourir pour le drapeau, ce même drapeau qui me verse en argent la contrepartie de ma quiétude.
Engoncé dans la solitude de ma condition, des souvenirs que j’aimerais ne jamais avoir vécus refluent sans cesse…
L’année 1916, la grande année, celle de mes premières ascensions comme de mes premières désillusions. J’avais la fougue de mes vingt ans et le secret désir de voir mon nom en lettres d’or sur le tableau, une inscription qui dirait : l’AS des AS.
Mais pour cela, encore fallait-il que je survive à ce maudit conflit, que je réchappe aux 230 « assignments » que l’on me fixerait, que j’abatte les frères Von Richtofen qui décimaient nos lignes et bombardaient nos convois.
J’ai effectué plus de missions que de raison, ne croyez pas que mes journées furent monotones. J’ai bouffé du boche en long, en large et en travers, j’ai bombardé des sites prioritaires, j’ai annihilé des convois comme des régiments d’infanterie, j’ai descendu en flèche les ballons des fritz.
Et ceci pendant deux longues années, deux années de rage et d’effroi, deux années dans l’enfer, l’enfer des cris.
——- When the Music’s over ——-
Je mentirais si je disais que nous n’avons pas vécu de bons moments. On s’est même franchement marré parfois, orchestrant des acrobaties qu’on n’aurait même pas cru possibles : fendre l’air à coups de loopings et de tonneaux pour exécuter un Allemand qui nous avait serrés de trop près, slalomer entre les balles des « anti-aircraft » pour piquer au vif leurs gigantesques baudruches.
Bien sûr, il y eut des actions moins drôles, comme enrayer sa mitrailleuse en face d’un fritz ou perdre une aile et atterrir de force, plombé par un opposant trop adroit. Descendre des cibles civiles voire même des convois de blessés, le colonel n’appréciait pas trop ça d’ailleurs ; on s’est tous pris des blâmes pour avoir malencontreusement exécuté des innocents.
Et tout cela, les hauts faits comme les échecs cuisants, je les consignais scrupuleusement dans le journal du 56ème, dressant des listes d’objectifs ratés ou de coucous abattus.
Le jour se lève à présent, le monde qui m’entoure reprend son chemin là où il l’avait laissé, la lumière de l’aube recouvre la noirceur de mes rêves et allège le fardeau que je porte.
M’offrant le répit suffisant qui m’impose de croire en la vie malgré la violence qui régenta la mienne.
——- After the War ——-
On me pardonnera (ou pas) pour la transition à la volée et laissons a présent reposer le narrateur afin que je reprenne les commandes un instant…
Car il faut bien concéder. ;)
Wings est surtout une affaire de mise en scène via le journal de bord qui ponctue l’avancée de récits sur la situation de guerre, les déboires des uns comme les victoires des autres ou simplement les choses ordinaires de la vie, les drames et les espoirs ; pour ce faire une petite maîtrise de la langue du vieux Shakespeare serait appréciable histoire de bien s’imprégner. Vous ne croyiez tout de même pas que je me sois laissé aller a quelques dizaines de lignes de fiction hors-sujet, si ?
Sorti de ce concept immersif, notre petit soft ne fait pas spécialement preuve de débauche graphique, on est sur de la 3D d’époque (1989-90) avec les limitations machine que l’on devine (32 couleurs par exemple) mais l’ensemble reste fluide et c’est un point qui compte pour ce type de jeu.
Au premier abord, on pourrait se dire que l’enchaînement des 230 missions conduirait à une mortelle monotonie. Fort heureusement, les 3 types de gameplay brisent l’écueil, le bombardement de cibles (vue de dessus en scrolling vertical) ainsi que le strafing (vue 3D iso avec mitraillage intensif genre shoot’em up) sont les bienvenues.
S’agissant de l’aspect audio, Wings fait preuve de grande discrétion, quelques morceaux d’ambiance pour vous accompagner (hors mission bien sur) et des bruitages assez standards
(un peu de machine gun et quelques explosions).
Etant assez peu sujet aux élans d’objectivité, je n’ai pas, sur le plan de la réalisation globale, de réel point faible à offrir en pâture aux rapaces inopportuns.
Sur ce, je vous souhaite bon vol !
———– Infos Diverses ———-
Commandes clavier en mission standard :
touche P : pause
touche 2 : vue arrière
touche 4 : vue latérale gauche
touche 6 : vue latérale droite
touche 8 : vue normale
Précisions au lancement :
Novice : Le jeu est jouable en mode turbo sous WinUAE et les 2 lecteurs de D7 sont supportés, ce qui rend l’installation sur disque dur quasi superflue…
Initié : l’installation standard sur DD via l’ADF est possible, mais je n’ai réussi à installer que la version WHDload 1.0_0410 codée par Jean François Fabre.
Amiga VS Game Boy Advance
On a affaire à 2 versions assez différentes, la GBA marque 2 points positifs avec la possibilité d’incarner le côté allemand et la présence d’écrans fixes supplémentaires inter-missions.
Malheureusement du côté des missions, je suis franchement mitigé, les missions de strafing
(celles en vue 3D iso) paraissent plus attractives, le champ d’action étant plus large, ce surplus de liberté introduit plus de possibilités.
Quant aux missions de bombing (celles en vue de dessus), l’aspect graphique est de meilleure facture que l’original.
A l’inverse les missions standards (en vue cockpit) sont mal fichues et ce sont pourtant celles qui composent la majorité du jeu.
Le coucou réagit très (trop !) bien, les loopings et autres acrobaties peuvent être exécutées trop simplement, ce qui enlève du charme. Le décor extérieur est minimalisé à l’extrême, on perd le relief du terrain.
Les avions ennemis sont ultra agressifs (entendez par là que ça ne pousse pas vraiment le joueur à poursuivre l’aventure) et la gestion très bizarre du zoom laisse à penser que les avions, au lieu d’être situés dans un environnement 3D, se trouvent être de simples bitmaps plaqués sur de la 2D ne comprenant que 3 ou 4 plans en profondeur… Les conséquences sont brutales, on a tôt fait de se prendre l’adversaire en pleine face et d’envoyer le soft ad patres.
Bilan : Je garde ma version Amiga et dit adieu a ma version GBA !
Dans le même genre :
Amiga
Reach for the Skies
Red Baron
Dawn Patrol
Non-Amiga
Red Baron 3D (PC)
Notes :
Vous pourrez trouver la notice (Amiga) rédigée au format texte par un membre de Skidrow intégrée à la version WHDload citée plus haut, celle-ci contient pas mal d’infos comme des précisions étonnamment fournies en matière d’acrobatie…